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Sortir de la binarité sexuelle : au-delà de l’ombre de la visibilité

Sortir de la binarité sexuelle : au-delà de l’ombre de la visibilité

Publié le par Université de Lausanne (Source : Flora Roussel)

Sortir de la binarité sexuelle : au-delà de l’ombre de la visibilité

Atelier 3

Congrès virtuel de l'APFUCC

14–17 mai 2022 


Responsables de l’atelier :
Christina Chung, Université de Toronto, christina.chungsiongfah@mail.utoronto.ca 
Flora Roussel, Université de Montréal, flora.roussel@umontreal.ca 

Plus tard, je suis devenue à mon grand désespoir une « lesbi », une « brouteuse de touffe », un objet de fantasme dans la mesure où cette condition sert à exciter le porteur du phallus [...]. Quand plus tard on m’a vue dans les bras d’un homme, j’ai immédiatement basculé dans un autre camp, celui des « bi » indécises, volages, briseuses de couples, propagatrices du VIH, incapables de reconnaître leur homosexualité et strictement indignes de confiance. (Archet 2013)


Ces dernières années ont vu progresser les représentations des communautés LGBTQ+. Malgré cette nouvelle visibilité, durement et encore trop précairement établie, certaines de ces communautés restent encore dans les marges, voire dans l’ombre de cette visibilité. Le sigle lui-même, changeant très subjectivement d’une personne à une autre, ne rend pas compte de la multitude des groupes qu’il est censé représenter : c’est là le problème de la visibilité brandie à chaque arc-en-ciel qui devient signe marketing, objet de consommation (en démontre son usage à outrance dans les publicités durant le mois de la Fierté). Il s’agirait donc plus d’une médiatisation néolibérale que d’une réelle visibilisation des nombreuses communautés queer. Cette médiatisation néolibérale entraîne une rebinarisation de la sexualité : le choix (puisqu’il faut choisir !) se réduit à l’un normatif (hétérosexualité) ou à l’autre non-conventionnel (homosexualité [surtout] masculine et [peu souvent] féminine). Même parmi les communautés LGBTQ+ existent des binarités qui causent l’invisibilité des autres sexualités et identités de genre, telle que celle des bisexuel·les et des trans. À titre d’exemple, les bisexuel·les déconstruisent les dichotomies hétéro/non-hétéro et, par conséquent, sont parfois rejeté·es par les gays et les lesbiennes (Weiss 2003). Nous pensons également aux personnes non-binaires qui renversent les dichotomies d’identité de genre. Ainsi, la normativisation des binarités donne lieu non seulement à la biphobie ou à la transphobie, mais aussi à une « mononormativité » (Schippers 2020), c’est-à-dire un couple fermé de deux personnes formant une micro-famille en elle-même. 

La question d’une véritable visibilité se pose alors : y a-t-il inclusion si les quelques groupes sur le devant de la scène sont les G et les L ? qu’advient-il des B, des T, des Q, des P, des A et toutes autres lettres que le « + » rend visibles en même temps qu’il les cache ? Hayfield (2021) souligne justement le paradoxe autour du terme « in/visibilité », lequel amène à se demander s’il n’y a pas un double effacement : invisibilité dans les sociétés hétéronormatives et invisibilité au sein même des communautés LGBTQ+. Ce constat apparaît d’autant plus flagrant dans les arts où la représentation d’une communauté LGBTQ+ particulière réitère les stéréotypes ou résiste à ceux-ci. Nous pensons ici à Fériel Assima (Rhoulem ou le Sexe des anges, 1996), à MP Boisvert (Au 5e, 2017) ou encore à Mariève Maréchal (La Minautaure, 2019).

C’est dans cette optique que l’atelier souhaite créer des espaces multiples pour problématiser, analyser et peut-être aussi guérir cette ombre de la visibilité, et ce, en s’intéressant particulièrement aux arts des espaces francophones (littératures, théâtres, photographies, cinéma, etc.). Si, ces dernières décennies, les études gays et lesbiennes ont contribué à la reconnaissance des communautés LGBTQ+, la question de l’in/visibilité des identités et sexualités non-binaires reste insuffisamment traitée, en particulier dans la francophonie. Nous proposons donc des axes de recherche qui découlent de cette thématique :

●      Quelles représentations des communautés queer sont véhiculées en littérature, au théâtre, en photographie, au cinéma ?

●      Comment rendre compte de l’obscurité (Halberstam 2011) dans laquelle certains groupes sont cantonnés, et comment la rendre visible ?

●      De quelles manières la sexualité redevient-elle normative ? Quelles résistances peuvent être développées pour subvertir cette « normativisation » ? 

●      Comment imaginer les fantasmes dans cette masse binaire ?

●      Comment exprimer et surmonter la double marginalisation des sexualités et des identités non-binaires dans une société hétéronormative et mononormative ?


Voici les thèmes qui pourraient être abordés :

-        L’asexualité

-        L’autoérotisme

-        La bisexualité

-        Les identités « non-mononormatives » (les identités non-binaires, trans, bispirituelles, etc.)

-        Le polyamour

-        La pomosexualité


Les personnes intéressées doivent soumettre une proposition de communication (contenant un titre, un résumé de 250-300 mots) ainsi qu’une notice bio-bibliographique (contenant l’affiliation et son adresse, l’adresse courriel) d’ici le 15 décembre 2021.

Le colloque annuel 2022 de l’APFUCC sera virtuel et se tiendra dans le cadre du Congrès de la Fédération des sciences humaines. Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message des personnes responsables de l’atelier avant le 15 janvier 2022 les informant de leur décision. L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il est également d’usage de régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. À ce sujet, de plus amples informations seront envoyées aux personnes dont les propositions ont été retenues. Veuillez noter que vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication pour le colloque 2022 de l’APFUCC. Toutes les communications doivent être présentées en français.

Ouvrages cités
Archet, Anne. « Portrait de la femme invisible devant son miroir », 2013. En ligne : https://flegmatique.net/2013/02/21/portrait-de-la-femme-invisible-devant-son-miroir/
Assima, Fériel. Rhoulem ou le Sexe des anges. Paris : Arléa, 1996.
Boisvert, MP. Au 5e. Montréal : La Mèche, 2017.
Halberstam, J. The Queer Art of Failure. Durham : Duke University, 2011.
Hayfield, Nikki. Bisexual and Pansexual Identities. Exploring and Challenging Invisibility and Invalidation. Londres et New York : Routledge, 2021.
Maréchal, Mariève. La Minotaure. Montréal : Triptyque, 2019.
Schippers, Mimi. Polyamory, Monogamy, and American Dreams. The Stories We Tell about Poly Lives and the Cultural Production of Inequality. Londres et New York : Routledge, 2020.
Weiss, Jillian Todd. « GL vs. BT : The Archaeology of Biphobia and Transphobia Within the U.S. Gay and Lesbian Community », dans Karen Yescavage et Jonathan Alexander (dir.), Bisexuality And Transgenderism : InterSEXions of the Others. Binghamton, NY : Harrington Park Press, 2003, p. 27-55.

Bibliographie indicative
Bourcier, Sam. Queer zones : la trilogie. Paris : Amsterdam, 2018.
Burleson, William E. Bi America : Myths, Truths, and Struggles of an Invisible Community. New York : Harrington Park Press, 2005.
Easton, Dossie et Janet W. Hardy. The Ethical Slut : a Practical Guide to Polyamory, Open Relationships & Other Adventures. Berkeley : Celestial Arts, 2009.
Haritown, Jin, Kin, Chin-ju, Klesse, Christian. « Poly/logue : A Critical Introduction to Polyamory », dans Sexualities, vol. 9, no 5, 2006, p. 515-529. DOI : 10.1177/1363460706069963.
Hemmings, Clare. Bisexual Spaces : a Geography of Sexuality and Gender. New York : Routledge, 2002.
Klesse, Christian. « Polyamory : Intimate Practice, Identity or Sexual Orientation ? », dans Sexualities, vol. 17, no 1/2, 2014, p. 81-99. DOI : 10.1177/1363460713511096.
Matebeni, Zethu, Monro, Surya et Vasu Reddy (éds.). Queer in Africa. LGBTQI Identities, Citizenship, and Activism. Londres, New York : Routledge, 2018.
Preciado, Paul B. Manifeste contra-sexuel (trad. Bourcier). Paris : Balland, 2000.
Queen, Carol et Lawrence Schimel. PoMoSexuals : Challenging Assumptions About Gender and Sexuality. San Francisco, CA : Cleis Press, 1997.
Tamale, Sylvia (éd.). African Sexualities. A Reader. Cape Town, Dakar, Nairobi, Oxford : Pambazuka Press, 2011.