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Signatures du monstre : penser le monstre, pensées du monstre. Approches sémiotiques

Signatures du monstre : penser le monstre, pensées du monstre. Approches sémiotiques

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Hélène Machinal)

Colloque « Signatures du monstre : penser le monstre, pensées du monstre ». Sémiotiques du monstre

Appel à communications. Colloque International (Scroll down for English)

HCTI (UBO) – Figura (UQAM)

Univ. Brest, Faculté Victor Segalen

12-13 Novembre 2015

Organisé à Brest par Hélène Machinal et Myriam Marrache-Gouraud (UBO) et Jean-François Chassay (UQAM, Montréal)

 

Pétri de questionnements, d’hypothèses, de descriptions paradoxales, de zones d’ombres et d’énigmes, le discours porté sur le monstre intéresse le domaine de la science autant que celui de la littérature, de l'image, ou de la création artistique au sens large. À la croisée des genres, des textes, ou des arts visuels, se pose la question des modalités d'une représentation du monstre, enjeu central de notre propos.

Afin de ne pas reproduire des analyses déjà proposées par d’autres manifestations qui se sont attachées à retracer les évolutions historiques du discours porté sur le monstre, ce colloque sera centré sur la sémiotique du monstrueux. Qu’un auteur s’occupe de créer ou figurer un monstre, qu’il le définisse comme une entité morale, individuelle ou collective, ou comme une singularité physique, le sujet monstrueux incite dans différentes mesures à s’interroger sur sa relation à la norme, et provoque une pensée de l’altérité. On peut considérer qu’il existe en grande partie dans et par le regard de l’autre, regard posé sur une différence exclue ou montrée, voire exhibée et posée comme objet de contemplation ou d’étude. Sa présence dans les collections de curiosités anciennes, dans les spectacles forains, comme dans l'imaginaire scientifique contemporain qui diffracte cyborgs, androïdes, avatars, clones et aliens en tout genre, induit divers questionnements qui peuvent concourir à dresser un répertoire de formes de pensées. Le monstre est-il considéré vivant, mort ou mort-vivant, entier ou mis en pièces, authentique ou fabriqué, séduisant ou repoussant ? A-t-il un statut d’objet ou de sujet ? En outre, si le non monstrueux pense le monstrueux, le monstre a-t-il la possibilité de manifester à son tour une pensée ? Quels critères ou signes permettent de le reconnaître comme monstre, c’est-à-dire, étymologiquement, comme prodige ou comme exceptionnelle erreur de la nature, ayant partie liée avec l’énigme du divin, avec les chimères de la fable et les figures de la transgression qui peuplent les mythes et les récits contemporains ?

Il s’agira d'abord de voir s’il est possible d’établir une typologie du monstrueux, en tentant de déterminer s’il existe des signes invariants susceptibles de tenir lieu de formes reconnaissables, ou si le monstre se situe nécessairement du côté de la surprise et de l’hapax. Le monstrueux s'inscrit-il par ailleurs nécessairement dans une dichotomie ou participe-t-il de l'inquiétante étrangeté ?

De telles observations entraînent ensuite une analyse des effets produits (frayeur, terreur, horreur, malaise, répulsion, fascination, sidération…), effets perceptibles dans les discours et les images qui se rattachent à la figure, comme le montre David Roche ((Re)Making Horror, 2014) à propos du film d'horreur. En effet, quels que soient les modes d’exposition, d’exhibition, de représentation visuelle ou écrite, les formes par lesquelles le monstre est (plus ou moins) « montré » sont fonctions de la manière de penser cette forme (radicale?) d’altérité, et de porter ladite différence (ou ladite proximité) aux yeux d’un public supposé non monstrueux. La question de savoir de quel côté de la pulsion scopique on se place peut aussi avoir une pertinence. Penser le monstre, c’est alors d’une certaine façon se penser soi-même, dans un processus spéculaire et réflexif de pensée en miroir. Chaque sujet est ainsi renvoyé à son propre regard, si ce n’est à une part obscure non interrogée.

Le monstrueux dérange en effet les catégories, brouille les frontières, mettant à l’épreuve toute parole, scientifique ou fictionnelle. Quels types de discours peuvent se mettre en place pour dire l’indicible, ou l’innommable ? La caducité du langage lui-même apparaît patente, comme un obstacle à la représentation. Si cette dernière parvient à surmonter la difficulté de voir ou de dire, elle constitue cependant peut-être une alternative : la fiction, sous l’égide de la curiosité qui dévoile le monstre, est-elle à comprendre comme ce qui permet, malgré tout, de dire quand même quelque chose de la réalité du monstre, laquelle dépasse souvent d’emblée toute fiction ?

Si l’importance accordée au langage induit pour les analyses des textes littéraires et des œuvres visuelles une approche sociocritique et poétique, l’approche épistémique, concomitante, permet de privilégier sans l’exclure une perspective épistémocritique, suivant les travaux de Jean-François Chassay. Cette perspective sémiotique ouverte, à l’œuvre dans l'approche de Bertrand Gervais (Logique de l'imaginaire), orientera les travaux des intervenants : il sera fructueux de se demander comment dans un discours sur le monstre les sciences alimentent les formes, les structures et les modes d’énonciation de la création artistique, et comment en retour la fiction s’inscrit dans le réemploi de connaissances, et se pose comme une forme de vitrine des savoirs, offrant des dérivatifs ou des illustrations aux formes complexes de la monstruosité.

 

Les propositions de communication pourront donc aborder, sans exclusive, les domaines suivants :

  • formes et signes du monstrueux : approche sémiotique

  • modalités de la représentation

  • figures et figurations

  • discours porté sur le monstrueux

-rôle de la narration, rôle de la fiction, spécificités des arts visuels

-rôle des dispositifs d’exposition, arts graphiques

-discours scientifique, imaginaire scientifique

-approche anthropologique et sociologique

-approche philosophique

Les propositions peuvent porter sur tous les supports : textuels (fiction, faits réels, essais, narrations), filmiques, mais aussi séries TV, photographie, peinture.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (accompagnées d'une courte notice biographique) sont à envoyer aux TROIS adresses suivantes : chassay.jean-francois@uqam.ca, machinal@univ-brest.fr et Myriam.Marrache-Gouraud@univ-brest.fr avant le 30 juin 2015.

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Call for Papers :

Sig/Natures of the Monster : Thinking the Monster/Monstrous Thoughts

 

Scientific and literary discourses surrounding the monster and the monstrous are at the heart of science, image, texts and artistic creation in its broadest sense. Marked by shadows, enigmas, and singularity, these forms of discourse trigger all manner of questions, hypotheses, and paradoxical descriptions while also blurring generic barriers. Keeping these elements in mind, modes of representation of the monster and of the monstrous will be the focus of this conference. So as to avoid repeating analyses covered in previous works, this conference will not deal with the historic evolution of monstrous discourse; rather, it will adopt a semiotic approach to the monster and the monstrous.

No matter what manner of monster an author creates, whether s/he defines it as a moral, individual or collective entity, the monstrous subject calls into question its relation to the norm and forces the receptor to face its (and possibly his) alterity. We can say then that the monstrous is in the eye of the beholder – an overdetermined eye caught by difference whether it be hidden or shown, or even put on display, mounted on a pin, in a curio cabinet or in a circus tent. In the wake of this tradition, the contemporary scientific imaginary posits how cyborgs, aliens, avatars and androids reflect and refract a rich spectrum of philosophical questionings, culminating in an epistemological analysis of the monster. Is the monster alive? Dead? Both? Whole or fragmented? Natural or fabricated? Fascinating or repulsive? Subject or Object? What effects and affects does he create, in horror movies (David Roche, (Re)Making Horror) and elsewhere. For that matter, if the non-monstrous determines the monstrous, what about the monster? Can it/does it think? What do we make of the monster’s voice?

In semiotic terms, what signs or criteria serve to identify the monster? In what sense does it correspond to the etymological sense of the word: a prodigy, a freak of nature, inextricably linked to the realm of the divine, of the fable, of chimera – a figure of transgression which peoples mythologies and contemporary tales of all kinds?

Our first task will be to determine if it is possible to establish a typology of the monstrous, if invariable signs exist or if the monstrous is necessarily unique. How does the uncanny color often-dichotomous interpretations of the monster?

Such questions naturally lead us to consider the matter of reception. How do modes of representation, exhibition, and spectacle – in short, the ways the monster is shown – play into our perceptions of monstrous behaviour? Can these forms of exhibition make monsters of a supposedly non-monstrous public? Indeed, can the very manner in which the monster is put on display be seen as a function of the manner in which we posit the Other, and in contemplating that Other might we see a reflection of ourselves?

Indeed, the monstrous defies categorisation and breaks down barriers, calling into question all forms of scientific and literary discourse: how are the ineffable, the unnameable, to be approached? Seen in this light, language seems to become an obstacle to representation rather than a means of communication. If the difficulties of seeing or saying can be overcome, re/presenting might constitute an alternative. Can we unveil the monster with the signs, figures and symbols of fiction ? Can fiction be understood as that which allows us, in spite of everything, to express in some way the reality of the monster, a reality which often goes beyond fiction?

If the importance accorded to language in the analysis of literary and visual narratives lends itself to a poetic and sociocritical approach, at the same time an epistemic approach allows us to explore epistemocritical perspectives, taking up the work of Jean-François Chassay. The semiotic approach favoured by Bertrand Gervais (Logique de l'imaginaire) will also guide participants’ analyses. Examining the question of how scientific discourses about monsters nurture artistic creation, and how in turn fiction makes use of scientific knowledge and even serves as a kind of display window for scientific thought, suggesting illustrations or offshoots to complex forms of monstrosity.

Proposals may address the following aspects but not exclusively :

  • Forms and signs of the monster and the monstrous: semiotic approach

  • Modes of representation

  • figures and figurations

  • Discourses and narratives on/of the monster and the monstrous in all artistic fields

- role of narration, role of fiction, specificities of visual arts

- role played by modes of exhibition, graphic arts

- scientific discourse, scientific imagination

- sociological and/or anthropological approach

- philosophical approach

Proposals may focus on all media: texts (fiction/faction/essays/narratives), films, TV Series, photography, paintings.

Proposals should be sent to the THREE following addresses: chassay.jean-francois@uqam.ca, machinal@univ-brest.fr et Myriam.Marrache-Gouraud@univ-brest.fr before June 30th 2015.

 

Bibliographie/y

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