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Sens interdits : le goût, le toucher et l'odorat dans la littérature française des XVe et XVIe s. (Boulogne-sur-Mer)

Sens interdits : le goût, le toucher et l'odorat dans la littérature française des XVe et XVIe s. (Boulogne-sur-Mer)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Fruitier Mélanie)

Sens interdits : le goût, le toucher et l'odorat dans la littérature française des XVe et XVIe siècles

L'équipe "Modalités du fictionnel" de l'Université du Littoral Côte d'Opale et l’unité de recherche "Alithila" de l’Université de Lille organisent le 29 janvier 2021 une journée d’étude intitulée "Sens interdits : le goût, le toucher et l’odorat dans la littérature française des XVe et XVIe siècles", qui se déroulera au Centre universitaire du Musée de l'Université du Littoral Côte d'Opale à Boulogne-sur-Mer.

Cette journée s’inscrit à la suite d’autres journées consacrées aux cinq sens mais s’intéresse davantage aux perceptions sensorielles les moins étudiées. 

 

Cette journée d’étude s’inscrit à la suite de travaux de recherche qui ont été menés depuis une dizaine d’années sur les cinq sens, notamment des journées d’études et des colloques dont les actes publiés renouvellent sans cesse les questionnements sur le sujet (Palazzo (dir.), Les cinq sens au Moyen Âge ; Puccini (dir.), Le Débat des cinq sens de l’Antiquité à nos jours). En effet, depuis le « sensitive turn »̶ - le tournant sensoriel étudié par les recherches en sciences humaines qui étudient les textes à l’aune des perceptions sensorielles et des émotions  ̶ les cinq sens sont devenus un thème de recherche productif : « l'histoire du sensible – les sensory studies des Anglos-Saxons – a connu un grand essor depuis une vingtaine d'années. Elle constitue un champ interdisciplinaire particulièrement fécond. Les cinq sens intéressent en effet autant la littérature que la philosophie, l'histoire des sciences que l'histoire des arts, l'anthropologie que la linguistique ou l'histoire de la liturgie » (Fritz et Duhl, 2016, p. 7). En complément de ces travaux fondateurs et stimulants et dans la mesure où la vue et l’ouïe ont déjà fait l’objet de recherches approfondies – notamment ceux de Michel Jourde, François Hartog, ou encore Eric Palazzo sur la vue et l’ouïe – on se concentrera ici sur les trois autres sens, quant à eux quelque peu délaissés par la critique.

Historiquement, les cinq sens sont, depuis le traité De Anima d’Aristote, un objet d’étude et une source de questionnement pour les philosophes qui s’interrogent sur le rôle qu’ils jouent dans la constitution de l’homme et dans l’appréhension qu’il a du monde. Au Moyen Âge et à la Renaissance, en effet, l’homme est pensé comme un microcosme qui est en relation avec le macrocosme, les sens faisant office de « trait d’union » (Charles de Bovelles). Les cinq sens ont ainsi un rôle fondamental dans le couple structurant l’anthropologie médiévale et renaissante – corps et âme. C’est pourquoi ils sont à la source de nombreuses productions, qu’elles soient artistiques (la tapisserie de la Dame à la Licorne), scientifiques (le De Sensu de Charles de Bovelles, La Vision de Dieu de Nicolas de Cues), morales (Les Confessions de Saint Augustin, La Nef des folles selon les cinq sens de Nature de Jean Drouyn) ou dramatiques (Le Cœur et les cinq sens écoliers de Jean Gerson).

Toutefois, la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût ne sont pas mis sur un pied d’égalité. Depuis Aristote jusqu’au débat que les philosophes platoniciens et néo-platoniciens  ̶ comme indiqué par Marsile Ficin dans son Commentaire du Banquet de Platon ̶ont institué entre les cinq sens, deux sens – la vue et l'ouïe – sont considérés comme des agents de l’âme et par là même comme nettement supérieurs aux trois autres sens. La raison avancée est que le corps humain peut atteindre le divin au moyen des deux premiers alors que les trois derniers le rapprochent de l’animalité. Au-delà de cette question épistémologique, il importe également de souligner que si la linguistique accorde depuis longtemps une place importante à l’étude des liens entre la signification et la sensorialité, l’odorat, le goût et le toucher ont souvent été négligés dans l’étude des arts et des textes littéraires.

À la suite des ouvrages fondateurs d'Alain Corbin et de Lucien Febvre, et des travaux plus récents produits sur l'anthropologie sensorielle (Howes, Classen, Le Breton), sur le lien entre théologie et sensorialité (Palazzo) et sur la conception philosophique (Puccini), cette journée d’étude se propose de redonner une place méritée aux trois sens délaissés en étudiant la présence du toucher, de l’odorat et du goût dans les productions littéraires, iconographiques et scientifiques. Cette journée s’intéressera plus particulièrement aux productions des XVeet XVIsiècles pour deux raisons. La première est qu’il s’agit d’une période de transition linguistique entre le moyen français des XIVet XVsiècles et le français de la Renaissance, en raison notamment de l’enrichissement du vocabulaire et des innovations linguistiques et lexicales. La seconde est que la majorité des études réalisées sur le sujet se concentre sur une période particulière, qu’il s’agisse du Moyen Âge ou de la Renaissance. Cette journée aimerait envisager ces deux périodes dans leur continuité et ainsi les étudier dans une perspective comparative, qu’il s’agisse de les relier ou de les comparer.

Axes de recherche

- Comment odorat, toucher et goût sont-ils décrits et analysés dans l’iconographie et la littérature française ? Pourquoi ces sens sont-ils considérés comme inférieurs ? Toutefois, ces sens étant considérés comme inférieurs sont-ils présents dans les textes, et de quelle manière ? Quel est l’intérêt de leur présence ?

- Les textes peuvent-ils rendre compte d’une différence culturelle dans la manière dont les sens sont perçus ? Comment traduire les discours sensoriels d’une langue à une autre ?

- Existe-t-il un lexique propre à ces trois sens jugés inférieurs par la tradition ? La langue doit-elle s’adapter pour accueillir de nouvelles notations sensorielles ? Le lexique des sens évolue-t-il entre la fin du Moyen Âge et la Renaissance ? Pour quelles raisons ?

- Quel est le lien entre signification et sensorialité dans les textes ? Existe-t-il un lien entre certains sens et des genres littéraires particuliers ? Les conditions de réception de la pièce théâtrale ou de l’œuvre lue influencent-elle la présence des notations sensorielles ? L’étude des cinq sens pourrait être développée de manière pertinente dans les textes fortement liés au corps et à son évolution dans l’espace, tels que les récits de voyage (comment transmettre au lecteur des sensations qu’il ne pourra sans doute jamais vivre ?) ou les pièces de théâtre (comment rendre vivante une production dramaturgique et transmettre à l’audience le plus grand nombre de sensations ?).

- Les discours scientifiques et théoriques sur les sens contaminent-ils les œuvres littéraires ? Le contexte historique ou le contexte d’écriture de l’œuvre peut-il influencer l’utilisation de certains sens plutôt que d’autres ?

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Comité scientifique

- Jean Devaux, Professeur à l’Université du Littoral Côte d'Opale, Littérature française du Moyen Âge et de la Renaissance.

- Estelle Doudet, Professeure ordinaire à l’Université de Lausanne, Littérature française des XIVe-XVIesiècles.

- Grégoire Holtz, Professeur associé à l’Université de Toronto, Littérature française de la Renaissance.

- Matthieu Marchal, Maître de conférences à l’Université de Lille, Littérature française du Moyen Âge.

- Jean-Claude Ternaux, Professeur à l’Université d’Avignon, Littérature française de la Renaissance .

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Modalités de soumission

Pour cette Journée d'Étude qui s'adresse principalement, mais sans exclusivité, aux littéraires francophones et comparatistes, les spécialistes d'autres disciplines d'arts ou de sciences humaines ou de sciences du langage peuvent bien entendu proposer des communications si elles éclairent l'un des points mentionnés ci-dessus. De plus, il sera possible de découvrir des textes peu étudiés sur la question mais aussi de relire certains textes particulièrement connus à l’aune des perceptions sensorielles. 

Les interventions seront limitées à 25 minutes. Les propositions de communications se présenteront sous la forme d'un résumé d'une dizaine de lignes précédé d'un titre provisoire. Elles seront suivies d'un bref curriculum vitae.

Ces propositions sont à soumettre par mail sous un format lisible (Word, OpenOffice) aux organisatrices, Mélanie Fruitier et Rebecca Legrand, avant le 1ermars 2020 aux adresses suivantes :

melanie.fruitier62@gmail.com

rebecca.legrand@univ-lille.fr

Après étude par le comité scientifique, une réponse individuelle sera communiquée par mail à partir du 1eravril 2020.