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Saloperies littéraires ! quand l'ordure entre en représentation (Nanterre)

Saloperies littéraires ! quand l'ordure entre en représentation (Nanterre)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Collectif LiPothétique)

Saloperies littéraires : quand l’ordure entre en représentation
Colloque organisé par le collectif LiPothétique

Doctoriales comparatistes de Nanterre

23-24 mai 2019

Université Paris-Nanterre

Bâtiment Pierre Grapin

 

À travers le cas de la littérature et des arts, ce colloque a pour objectif de s’intéresser au caractère socialement construit de la saleté, dont sont dérivées les figures méprisées de la salope ou du salaud. L’ordure est d’abord un débris dont on se débarrasse, aussi répugnant qu’inutile, avant qu’un glissement sémantique ne transforme la souillure physique en une souillure morale. Dans une logique d’abjection, le sale et la crasse ont souvent été instrumentalisés afin de justifier l’ostracisation de certains individus ou de certaines communautés. Qu’ils soient étrangers ou appartenant aux classes populaires, les Autres ont toujours un point commun : ils sont sales.

Depuis les travaux de Mikhaïl Bakhtine sur le carnavalesque, l’on sait qu’en vertu d’un renversement des valeurs où le bas remplace le haut le temps du carnaval, la saleté devient - pudiquement - synonyme d’un détournement parodique du phénomène social de la distinction. Mais cette notion de bas corporel a peut-être tendance aujourd’hui à paralyser la critique littéraire, dont on peut noter la tendance à réduire à la qualification de “rabelaisienne” toute manifestation littéraire ou artistique de la saleté. Pourtant, de Diogène le Cynique se masturbant en public aux conserves d’excréments de Piero Manzoni, en passant par les orgies du marquis de Sade, le monde des lettres et des arts dénote un intérêt marqué pour la mise en représentation des impertinents, des tempéraments difficilement fréquentables pour qui est adepte du bon goût. Dans de tels cas, le bas corporel échappe à la seule organicité linguistique analysée par Bakhtine, et devient le fondement d’une posture : celle du salaud.

Dans le champ littéraire, comme dans le champ artistique, nombreuses sont les figures de salauds, d’ordures, de ces individus présentés comme répugnants et méprisables parce qu’ils se situent en marge des normes sociales ou morales. Que l’artiste crée de tels personnages ou qu’il se donne lui-même une image de salaud, il se fait bâtisseur d’ethos, de styles de vie volontairement provocateurs. Artistes ou objets de l’art, les salauds sont alors autant d’occasions pour le public d’achopper, de butter, voire de chuter, face à une œuvre, ou face à la position idéologique du créateur.

Si la littérature constitue le point de départ de ce colloque, nous n’hésiterons cependant pas, dans une perspective comparatiste, à faire une place aux arts et aux médias.

À titre indicatif, les communications pourront s’inscrire dans les axes suivants :

          1. Écritures et représentations de la saloperie, de l’Antiquité à nos jours

Quels sont les genres et les formes privilégiés par ces écritures de la saleté physique et morale ? Existe-t-il une poétique de l’ordure ? Obscène, malpropre, dégoûtant… : quand le corps entre en scène, comment repenser le sens et la portée du sale ? L’artiste qui propose une expérience engageant le corps et les sens est-il particulièrement sujet à la contamination morale ?

          2. Politiques de la saloperie

De la prédation politique et coloniale que manifestent malgré eux les récits de voyage d’auteurs pourtant humanistes aux préjugés misogynes ou homophobes qui parsèment les oeuvres d’écrivains canoniques, une approche diachronique nous permet-elle d’aborder des textes compromis sans que la lecture débouche sur une condamnation morale ? De quelles représentations du sacré, du pur et de l’impur les hostilités à l’égard d’un auteur sont-elles la manifestation ? De quels impensés s’accompagne le discours auctorial ?

         3. Ontologies de la saloperie

Peut-on parler d’auteur-salaud ? Dans le champ littéraire, comment envisager les rapports entre ethos et posture du salaud ? Pourquoi un auteur ou un artiste sont-ils dits hétérodoxes, ou hérétiques ? De l’artiste censuré à l’écrivain hors-la-loi, quel traitement l’opinion publique et le monde intellectuel réservent-ils aux figures auctoriales en marge ?

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Modalités d’envoi des propositions

Les propositions de communication, d’environ 400 mots et accompagnées d’une bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 15 janvier 2019 à l’adresse suivante : lipothetique@gmail.com

 

Bibliographie indicative

BAKHTINE Mikhaïl, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970

BARTHES Roland, Essais critiques IV, “La mort de l’auteur”, Paris, Seuil, 1968.

BOURDIEU Pierre, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992.

COMPAGNON Antoine, Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun, Paris, Seuil, 1998.

DIAZ José-Luis, L’Homme et l’oeuvre. Contribution à une histoire de la critique, Paris, PUF, 2011.

FOUCAULT Michel, Dits et écrits, “Qu’est-ce qu’un auteur ?”, Paris, Gallimard, 1969.

KRISTEVA Julia, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Seuil, 1980

MACE Marielle, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, 2011.

MBEMBE Achille, De la postcolonie : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000.

MEIZOZ Jérôme, « Ce que l’on fait dire au silence : posture, ethos, image d’auteur », Argumentation et analyse du discours [En ligne], 3 | 2009. URL : http://journals.openedition.org/aad/667 ; DOI : 10.4000/aad.667.

MEIZOZ Jérôme, Postures littéraires (tomes I et II), Genève, Slatkine, 2007, 2011.

RASSON Luc (études réunies par), Paroles de salauds. Max Aue et cie, Leyde, Brill, 2013.

VIALA Alain, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Editions de Minuit, 1985.

VIGARELLO Georges, Le Propre et le sale : l’hygiène du corps depuis le Moyen Âge, Paris, Seuil, 1987