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Révolutions de l'animation

Révolutions de l'animation

Publié le par Julia Peslier (Source : Vanessa Besand et Victor-Arthur Piégay)

Les révolutions de l'animation à l'ère postmoderne

(de la fin des années 80 à nos jours)

Colloque organisé par le CPTC

Université de Bourgogne, Dijon

16 et 17 février 2012

Depuis quelques années, le film d'animation semble être devenu un genre à part entière ; un genre non plus cantonné à la sphère enfantine, mais s'adressant désormais à tous les publics. La multiplication des réalisations et des sorties en salle, comme le succès de ces films, prouve cette émulation nouvelle. Le film d'animation semble même avoir conquis sa dignité et sa respectabilité puisqu'un Oscar dans cette catégorie est désormais attribué à Hollywood depuis 2002, signe de la spécificité du genre de l'animation par rapport aux autres réalisations filmiques.

Mais quelle date assigner à ce passage du dessin animé à l'âge adulte ? En convoquant les grands succès de la dernière décennie – les longs-métrages des studios Pixar, la tétralogie Shrek ou les films de Hayao Miyazaki – nous pourrions être tentés de voir une coïncidence entre la maturité du film d'animation et le tournant des XXe et XXIe siècles. Mais il semble que les bouleversements à l'intérieur du genre se soient produits plus tôt encore, principalement dans les productions américaines et nippones. Or ces changements ne semblent pas tant renvoyer au domaine technique qu'à une double innovation : la transposition dans le medium qu'est le dessin animé du film de genre, mais aussi l'élargissement massif du public visé par ces productions.

L'année 1988 voit ainsi la sortie de deux longs-métrages fondateurs de l'animation postmoderne : Qui veut la peau de Roger Rabbit réalisé par Robert Zemeckis et Akira de Katsuhiro Ōtomo. Le premier vise un public élargi par rapport aux productions habituelles de Disney : il multiplie les niveaux de lecture en (se) jouant de multiples références culturelles et en proposant une brillante relecture parodique du film noir. Le second permet quant à lui au dessin-animé d'investir le genre de la science-fiction avec un ton résolument adulte qui ouvrira la voie à des réalisateurs nippons désormais bien connus des amateurs d'animation japonaise autant que du grand public : Mamoru Oshii (Ghost in the Shell), Hayao Miyazaki (Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro) ou feu-Satoshi Kon (Perfect Blue, Paprika).

Ces deux grandes réussites artistiques nous semblent pouvoir marquer symboliquement le commencement d'un cinéma d'animation mature et adulte. Sans constituer une limite rigide, l'année 1988 sera ainsi considérée comme commencement de la période étudiée et les communications ne devront pas excéder trop largement en amont cette date symbolique. Cela nous semble d'autant plus important que la fin des années 1980 illustre aussi l'explosion de l'animation sérielle. Certaines séries animées deviennent en effet de véritables phénomènes de société à l'instar des Simpson ou des programmes nippons massivement diffusés par le Club Dorothée lesquelles participent, qu'on le veuille ou non, de l'évolution et de la révolution de l'animation depuis la fin des années 80 et pourront parfaitement trouver leur place dans ce colloque, comme d'autres productions américaines qui, suivant le modèle des Simpson, s'adressent à un très large public : Beavis and Butt-Head, Daria ou, plus récemment, South Park.

Dans cette perspective, nous voudrions vous suggérer ici quelques pistes de réflexion destinées à mettre en lumière la généricité bien spécifique de l'animation et son lien à la postmodernité :

- La question de la technique et du progrès technologique :

L'animation devenue genre à part entière se décline sous différentes formes liées à la créativité de chacun et à la diversité des supports employés : certains demeurent attachés au dessin traditionnel (Sylvain Chomet) quand d'autres lui préfèrent les images de synthèse (tous les films des studios Pixar) ou d'autres encore, la pâte à modeler (Nick Park avec Wallace et Gromit ou Adam Elliot avec le mélancolique Mary and Max). Cette question de la diversité des supports dans l'animation contemporaine pose indiscutablement celle de la place des nouvelles technologies dans les films d'animation. L'animation ne peut en effet se penser sans la technique. En ce sens, elle invite, depuis les années 80, à une réflexion sur les progrès de la technologie et corrélativement, sur ses pouvoirs et ses dangers. Le problème de la virtualité est de plus en plus au centre de films d'animation qui cherchent à copier la réalité et à lui faire ainsi concurrence. Des films comme Mary Poppins (1963) ou Peter et Elliot le dragon (1977) repoussaient déjà les limites techniques du film d'animation en faisant cohabiter acteurs de chair et personnages animés. Mais aujourd'hui, la problématique n'est plus de cet ordre. Le but s'est déplacé de la virtuosité technique à l'illusion de réalité et à la volonté de faire concurrence, grâce à des personnages de plus en plus anthropomorphes, aux acteurs réels. Sur ce point, l'adaptation animée du jeu vidéo Final Fantasy (2001) est révélatrice, de même que la tentative de création de personnages animés empruntant leurs traits à des acteurs réels (Tom Hanks dans Le Pôle Express de Robert Zemeckis).

- La question de la réécriture, de la parodie et du décalage :

Nous aimerions aussi interroger durant ce colloque la place accordée à la réécriture dans l'animation postmoderne. Une telle perspective impose tout naturellement une réflexion sur la tradition du film d'animation et sur son traitement actuel. Le cas Disney semble sur ce point extrêmement révélateur. Loin de se cantonner à la féérie d'antan, l'animation américaine a récemment tenté de se détacher de la fiction pour enfants, qui mettait en scène princes et princesses avec solennité et candeur. L'évolution sociale et artistique a en effet imposé de nouveaux modèles de représentation qui consistent en une reprise parodique et détournée de la féérie traditionnelle. Bien que toujours inspirés de contes de fées, les nouveaux films des studios Dreamworks (la série des Shrek) ou Disney (Raiponce) jouent volontairement du choc entre les époques en présentant des couples issus du hors-temps du conte et faisant preuve d'une modernité à toute épreuve. Les princesses, désormais maîtresses-femmes, s'y révèlent tout aussi actives que leur prince et non plus cantonnées à la passivité.

Toutefois, la question de la réécriture et de la parodie ne se limite pas au film féérique. Wall-E par exemple n'hésite pas à réécrire explicitement et avec beaucoup d'humour le 2001: A Space Odyssey de Stanley Kubrick. Ce principe de réécriture permanente mérite donc d'être interrogé très largement. Il peut concerner la tradition de l'animation, mais aussi d'autres formes de traditions artistiques, telles que le cinéma dans son ensemble ou la littérature, à partir du moment où ces formes mettent en jeu une réflexion sur le mouvement postmoderne et sur ses principes de reprise décalée ou parodique. C'est la notion d'ironie propre à la postmodernité, telle qu'elle est mentionnée et analysée par divers théoriciens (Umberto Eco, Ihab Hassan), qui se profile ici et gagnera à être étudiée.

- La question du rapport de l'animation postmoderne à l'Histoire, à la société et à l'idéologie :

Les récents Persepolis de Marjane Satrapi (2007) et Valse avec Bachir de Ari Folman (2008), qui tissent des liens avec le monde contemporain, ont montré à quel point l'animation pouvait être en prise avec l'actualité et l'Histoire. Grâce à différents outils techniques et esthétiques, le film d'animation cherche désormais à dire le monde qui l'entoure et/ou à véhiculer un message politique, idéologique ou social. Les films de Miyazaki ont ainsi tous trait à des questions d'ordre écologique qui sont en résonnance directe avec les préoccupations internationales contemporaines.

Mais l'intérêt pour nous dans ce colloque serait, non de nous interroger sur le pur traitement thématique d'une donnée idéologique ou historique, mais bien de montrer en quoi la forme animée se présente comme un vecteur opérant dans ce domaine. Il serait ainsi intéressant de se demander pourquoi Ari Folman a choisi l'animation dans Valse avec Bachir et pourquoi celle-ci lui a semblé plus pertinente qu'un film à acteurs pour évoquer les massacres des camps de Sabra et Chatila en 1982.

Ces trois axes, qui pourront donner lieu à des propositions très diverses, ne sont naturellement pas exhaustifs. Des propositions portant sur la question de la mondialisation, sur le tiraillement entre spécificité(s) (d'un pays, d'un auteur) et uniformisation, sur la frontière entre art et entertainment dans l'univers de l'animation (en raison du poids des studios et des sociétés de production) et par conséquent, sur le lien entre postmodernité et marchandisation de l'art seront aussi les bienvenues.

Les propositions de communication, de 500 mots maximum et accompagnées d'une brève notice bio-bibliographique (nom, discipline, affiliation, domaine(s) de recherche), sont à envoyer à Vanessa Besand et Victor-Arthur Piégay à l'adresse colloque.animation@gmail.com avant le 15 octobre 2011.