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Réévaluations du romantisme. 1860-1940

Réévaluations du romantisme. 1860-1940

Publié le par Marion Moreau

 

Réévaluations du romantisme. 1860-1940

Colloque ANR - HIDIL

Montpellier, 26 et 27 avril 2012.

Responsables : Marie Blaise et Sylvie Triaire

 

 

« On n’a jamais bien jugé le romantisme ; qui l’aurait jugé ? Les critiques !! Les

romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’oeuvre, c’est-

à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ? » Arthur Rimbaud, 1871.

 

« Il y a aujourd’hui, décelable dans la plupart des grands motifs de notre

« modernité » un véritable inconscient romantique. Et ce n’est pas d’ailleurs le

moindre effet du caractère indéfinissable du romantisme que d’avoir permis à la

dite modernité de s’en servir comme d’un repoussoir, sans voir — ou pour ne pas

voir qu’elle n’était guère capable d’autre chose que d’en ressasser les

découvertes. » Philippe Lacoue-Labarthe et Jean Luc Nancy, 1978.

 

 

Comité scientifique : Christian Amalvi (Montpellier-III), Jean-Louis Backès (Paris-Sorbonne), Marie-Paule Béranger (Caen), Marie Blaise (Montpellier-III), Florence Pellegrini(Montpellier-III), Sylvie Triaire (Montpellier-III). 

 

 

Argument

 

Ce colloque s’inscrit dans le programme ANR HIDIL : « Histoire des idées delittérature ». Il entend poser la question de l’évolution des critères qui ont permis de penser le fait littéraire depuis la deuxième moitié du XIXe siècle à partir d’un sujet de référence particulier : le romantisme. Il précède celui qui aura lieu à l’Université de Caen Basse-Normandie les 4, 5, 6 juin 2012 et qui posera de manière plus générale la question de l’évolution des critères de l’oeuvre.

La littérature, dit-on, est une invention romantique. Quelle « idée de littérature » la notion de littérature ouvre-t-elle avec le romantisme ? Quelle histoire de cette idée et, surtout, comment cette histoire s’est-elle construite, entre incertitudes, dénégations et particularismes, tel sera notre propos. La réflexion pourra s’inscrire dans l’un des axes suivants : l’évolution du terme « romantique » dans le lexique mais aussi dans les histoires littéraires ; les constructions du ou des romantisme(s) en France, entre stéréotype et dénégation ; les devenirs de la poétique romantique ; les relations ambiguës de l’histoire et, plus particulièrement, de cette « invention » romantique qu’est la médiévistique avec le romantisme.

I – Romantique ? 

Aujourd’hui le terme de romantique recouvre deux réalités historiques différentes : d’une part celle d’une « école », en particulier française, dont l’influence est limitée dans le temps ; d’autre part celle d’un régime de la littérature, et plus largement de l’art, qui se caractérise essentiellement par l’idée qu’une bascule de l’autorité (entendue comme valeur de l’oeuvre et condition de l’auteur) s’opère alors de l’imitation vers le sujet ou, si l’on veut, la personne de l’auteur. 

Dans cette perspective, les communications pourront s’interroger sur le sens que les termes « romantique » ou « romantisme » ont pu prendre, dans la seconde moitié du XIXe siècle et puis au XXe siècle ; on pourra se demander aussi avec quels termes ils sont entrés en concurrence ou en opposition (« moderne » par exemple, ou « réalisme »).  En premier lieu pour les écrivains eux-mêmes : Rimbaud, par exemple qui, dans sa fameuse lettre à Paul Demeny du 15 mai 1870 écrit qu’on n’a jamais bien jugé le « romantisme » ; ou Baudelaire — dans le Salon de 1859, tonnant contre les « modernes », en l’occurrence les peintres réalistes — qui « regrette » le « paysage romantique ». Quels sens de ces termes encore dans les manuels à partir de la fin du siècle, quel canon des écrivains romantiques ?

Accompagné de quelles représentations ? Enfin on pourra aussi se poser la question du lexique dans la critique contemporaine avec l’idée relativement nouvelle d’une « époque du sujet » (Philippe Lacoue-Labarthe et Jean Luc Nancy).  

IIConstructions du ou des romantisme(s) en France, entre stéréotype et dénégation

Le romantisme représente encore souvent en France un courant littéraire apparu au début du XIXe siècle et disparu dans sa seconde partie, confiné presque entre la « bataille » d’Hernani et la « chute » des Burgraves comme si le drame romantique de Hugo en était la seule manifestation (« Appelons romantique Hugo et la discussion est close » écrit Giraudoux). Cette perception du romantisme nous est très particulière : dans le domaine anglo-saxon, il existe encore des écrivains qui se revendiquent du romantisme à la fin du siècle ; en Allemagne le Neuromantik fleurit dans les années 1880… 

Une telle représentation pose évidemment la question de la périodisation, de ses fondements et de ses critères. D’autant que notre manière de penser le romantisme se fait surtout dans l’opposition portée par le « isme » lui-même : le romantisme s’est opposé au classicisme ; le réalisme s’est opposé au romantisme, après quoi nous sommes entrés dans la modernité. Là encore la France fait figure d’exception : le romantisme allemand s’affirme dans les Lumières et la « modernité » américaine dans le romantisme : ainsi de Poe, Melville, de Thoreau ou de Whitman. Et que faire de l’importance majeure, chez ces « pères fondateurs » de la modernité que sont en France Baudelaire et Mallarmé, d’Edgar Poe justement ? L’influence romantique est-elle revenue par l’étranger, sans être nommée ? Et qu’en est-il de cette construction du romantisme français à l’étranger ? Doit-on penser ces particularismes du point de vue d’une histoire française singulière ou d’une construction particulière de l’histoire littéraire française ?

Cette représentation du romantisme suppose aussi de s’interroger sur la construction de telle ou telle des bornes « historiques » qui le limitent et des termes qui les caractérisent : « bataille », « chute ». Quand ces représentations se sont-elles constituées ? Pourquoi Gautier, par exemple, entreprend-il une histoire du romantisme au début des années 1870 ? Quel rôle jouèrent les Essais de psychologie contemporaine de Bourget ? Comment le personnage de Victor Hugo s’est-il imposé, dans son identification au romantisme et, plus largement, au siècle tout entier ? Dans quelles stratégies de composition de l’autorité entre sa construction par Hugo lui-même et l’utilisation qui en est faite, par ses contemporains ou les générations suivantes (ainsi du Mallarmé de Crise de vers ou de Nietzsche qui confond Hugo et Wagner dans la même grande « charlatanerie » dans Le Cas Wagner) ? Quels rapports complexes entre symbolismes et romantismes ? Pourquoi la critique de la fin du siècle invente-t-elle « les petits romantiques » ? 

Aujourd’hui d’autres conceptions du romantisme tendent, au contraire, à lui reconnaître une acception large, celle par exemple de « la fondation d'un nouveau régime de l'ensemble du système symbolique » (Claude Millet). D’une modernité bâtie contre le romantisme nous passons à une ère romantique qui va de la Révolution au postmodernisme, ou dans laquelle nous sommes encore. Que dire de cette réhabilitation du romantisme ? Correspond-elle à de nouvelles lectures des textes ? À d’autres approches critiques ? Ou s’agit-il d’une autre métamorphose du romantisme lui-même ?

III – Les devenirs de la poétique romantique

Du point de vue de la genèse des formes, les grandes structures de la « modernité » – perte du sujet, décentrement de l’auteur, poétique du non-fini, prédilection pour les figures de la déliaison etc. – sont mises en place par le romantisme. Dans le même temps, les droits d’auteur, induits par la bascule de la valeur de l’oeuvre sur la personne, fixent la lettre du texte, ouvrant ainsi à un nouveau mode d’interprétation. La question des genres et des relations trans-genres, la réappropriation de formes ou l’apparition de formes nouvelles (comme le poème narratif), la fonction de l’auteur dans le texte, l’utilisation du modèle linguistique, l’inscription dans le texte de ses conditions de production et de réception, tous ces aspects de la critique ont été définis par le romantisme. Comment perdurent-ils ? Quand cessent-ils d’être référés au romantisme ? Comment la représentation du « moderne » se construit-elle avec ou contre le romantisme ? La représentation du sujet, du point de vue de la construction du personnage comme de celle du « caractère » ou du « génie » représentant de la nation ou du progrès, forme un autre aspect de la poétique romantique. On pourra s’interroger sur la construction de grandes figures et leur évolution. Littéraires, comme Victor Hugo. Historiques comme Jeanne d’Arc. Ou sur le devenir de « caractères » comme le dandy ou de personnages reconnus par le romantisme, comme Hamlet.

Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy écrivaient déjà en 1978 qu’il existe un inconscient romantique décelable dans notre modernité. Pour continuer dans cette voie, il s’agira de s’interroger sur les formations de cet inconscient, dont le principe est fatalement de faire retour, transformées sans doute, censurées peut-être mais toujours présentes dans le texte de la fin du XIXe siècle et jusqu’à aujourd’hui.

IV – Les relations ambiguës de l’histoire et de la médiévistique avec le romantisme

Enfin, puisque la valeur ne s’inscrit plus dans le modèle et l’imitation, elle s’inscrit fatalement dans le temps. Si le romantisme a inventé la littérature, il a aussi inventé l’histoire dans une sorte de déclaration générale de convenance entre le roman, la recherche érudite et l’écriture de l’histoire. De fait l’histoire en tant que discipline n’aura de cesse de se séparer de la littérature pour affirmer le caractère « scientifique » de son autorité, comme d’ailleurs les autres sciences humaines à l’exception notable de la psychanalyse. Et la littérature avec Roland Barthes affirmera finalement son divorce d’avec l’histoire. Pourtant Barthes comme Jacques Le Goff se revendiquent de Michelet.

Mais le romantisme a évidemment une relation particulière avec le Moyen Âge et l’effet de mode médiévale qui perdure tout le siècle sous des aspects divers constitue de ce fait un domaine privilégié pour l’étude des métamorphoses du romantisme, tant du point de vue formel que dans le domaine des représentations ou des personnages. 

Enfin, « que les études médiévales soient initialement l’une des manifestations du romantisme » (Paul Zumthor) ne va pas sans poser problème aux médiévistes français, de Paulin à Gaston, l’histoire de la famille Paris est à cet égard significative. Le fait importe d’autant plus lorsqu’il s’agit de discuter l’introduction de la littérature médiévale dans le canon de la littérature française. Comme le premier romantisme et la psychanalyse, la philologie romane pâtit en France de ses origines allemandes, dans un contexte politique complexe. L’analyse des relations difficiles de la médiévistique avec le romantisme pourrait donc constituer une nouvelle approche d’autant plus intéressante qu’elle autorise, plus que tout autre aspect de la question, l’échange disciplinaire avec les historiens et les médiévistes.

Durée des communications : 30 minutes 

Les propositions seront envoyées (titre et court résumé) pour le 21 janvier 2012 à

 marie.blaise@univ-montp3.fr,

sylvie.triaire@univ-montp3.fr