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"Reconfigurer / Resignifier la ville : les écotones urbains dans les pays du Sud" (University of Cape Town)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Markus Arnold)

Reconfigurer / Resignifier la ville : les écotones urbains dans les pays du Sud

Ecotones #7
University of Cape Town, Le Cap, Afrique du Sud   
29-31 octobre, 2020

En partenariat avec EMMA (Université Paul-Valéry Montpellier 3), Praxiling (Université Paul-Valéry Montpellier 3 et CNRS), DIRE (Université de La Réunion), et La Maison Française d’Oxford

https://emma.www.univ-montp3.fr/fr/valorisation-partenariats/programmes-européens-et-internationaux/ecotones

Lieu : University of Cape Town, Le Cap, Afrique du Sud
Dates : 29-31 octobre 2020
Langues : anglais, français
Date limite pour soumission : 15 janvier 2020
Réponse pour acceptation : 1er mars 2020

Dans la continuité des colloques à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, à l’Université de Poitiers et à l’Université de La Réunion (France, 2015, 2016, 2018), au Centre pour l’Étude des Sciences Sociales de Calcutta (Calcutta, Inde, 2018), Manhattanville College (NY, États-Unis, 2019) et à l’Université Concordia (Montréal, Canada, 2019), cet événement scientifique international à UCT sera le 7e opus de ce cycle de conférences.

Un « écotone » désigne initialement une zone de transition entre deux écosystèmes, par exemple entre terre et mer. Le programme « Écotones » (2015-2020) est un cycle de colloques visant à reprendre ce terme traditionnellement utilisé en géographie et en écologie et à élargir le concept en l’appliquant à d'autres disciplines des sciences sociales et des sciences humaines. Un « écotone » peut donc aussi être compris comme un espace culturel de rencontres, de conflits et de renouveau entre plusieurs communautés. Ce colloque interdisciplinaire portera plus spécifiquement sur les villes coloniales et postcoloniales en tant que dialectique « écotonale » entre lieux et non-lieux (Augé).

Les villes peuvent être imaginées comme des estuaires constitués de la sédimentation de populations sur une longue période. Ce sont de puissantes matrices d’agrégation et de ségrégation qui se transforment et transforment les personnes venant d’horizons divers. Sites mouvants de différences fédératrices (Lefebvre), perpétuellement renouvelés, les villes sont vécues et constamment définies par leurs marges. Peut-être plus que d’autres espaces, elles renforcent l’identité des individus et génèrent des références sociales communes, mais de manière différente et inégale. Les villes du Sud peuvent regrouper des populations plus aisées vivant dans des banlieues et des communautés fermées, alors que des populations dites subalternes restent souvent captives dans les centres-villes. Inversement, les villes du Nord ont tendance à expulser les classes défavorisées et moyennes à leurs marges alors que le prix de l’immobilier dans les hyper-centres ne peut être payé que par les populations les plus riches. À cet égard, les villes sont « situées », dotées d’épaisses forces historiques et environnementales qui façonnent les populations qui y vivent. Mais les villes sont aussi des hubs connectés par-delà de longues distances. Ce sont des sites privilégiés d’écoulements disjonctifs dans l’économie culturelle mondiale (Appadurai), carrefour d’un système interactif remarquablement nouveau de topographies réelles et imaginaires. Et tandis que les villes postcoloniales en croissance sont des lieux favorisant l’émergence et la négociation de nouvelles identités, la mobilité transnationale et les mouvements migratoires croissants transforment des zones urbaines encore plus petites en « zones de contact » complexes (Pratt) : sites d’enchevêtrements fructueux et de nouvelles formes de ségrégation.

Qu’elles soient « globales » ou « glocales », les villes font ainsi partie intégrante d'archipels plus vastes, y compris les archipels de mémoire et d'imagination. À cet égard, les villes peuvent également être des « non-lieux » dans lesquels les gens vont et viennent anonymement, suspendus dans un état de transit permanent. Les vitrines des épiceries, magasins et restaurants « exotiques » contribuent à la transformation d’espaces urbains multiculturels ; elles s’ouvrent sur des lieux publics hybrides et indiquent visuellement la présence d’entreprises diasporiques soutenues par des réseaux internationaux. Pourtant, bien que transitoires et souvent anonymes, les non-lieux « acceptent l’inévitabilité des séjours prolongés d’étrangers », à condition toutefois que ces personnes qui passent ou qui occupent l’espace public se limitent à une simple présence physique et que leurs « subjectivités idiosyncratiques » soient effacées (Bauman) ; en effet, aucune expression symbolique de l’histoire et de l’identité, aucun lien social significatif n’émergent des non-lieux. Dans les configurations urbaines d’aujourd’hui, ces « non-lieux » ne sont cependant pas totalement dépourvus de sens, contrairement aux « espaces vides » (Kociatkiewicz & Kostera), aux échecs de projets architecturaux et aux marges oubliées de la vision urbaniste, qui ne sont pas interdites, mais « inaccessibles à cause de leur invisibilité ». De plus, dans le contexte des relations globales entre centres et périphéries, les identités urbaines sont de plus en plus façonnées par des phénomènes de créolisation, avec de multiples formes de continuums culturels et leurs ambiguïtés dynamiques inhérentes (Hannerz). Au-delà des anciennes « métropoles » coloniales et désormais postcoloniales d’Europe, des mégalopoles sud-américaines et des villes mondiales asiatiques, où l'on peut localiser des formes de « cosmopolitanisme alternatif » (Mayaram), de nombreuses villes africaines incarnent la révolution urbaine dans les pays du Sud au cours des deux dernières décennies. Les exemples incluent Le Caire, Lagos, Dakar et notamment Johannesburg, la « métropole insaisissable » polycentrique (Nuttall & Mbembe), mais aussi Le Cap, dont les configurations multiethniques et multiculturelles complexes recèlent de nombreux mécanismes écotonaux qui contribuent à l'émergence et à la négociation de modes originaux de citoyenneté (globale).

Ces circulations n’empêchent cependant pas les villes de reproduire, de renforcer ou de (re)tomber dans de nouveaux « pièges identitaires » (Agier), au sens de négation de certaines subjectivités par des fondements sociaux et raciaux. Face aux préoccupations croissantes en matière de sécurité dans de nombreuses villes, on peut constater le remplacement des frontières par des murs, qui constituent bien la « négation de la frontière » (Agier) en ce sens qu’ils nient la reconnaissance réciproque de soi et de l’autre, et qui contribuent à de nouvelles formes de précarité (Butler) en milieu urbain. Ainsi, malgré et à cause de la mondialisation et de la mixité croissante, les gens créent (recréent) des poches d’homogénéité et de nouvelles formes d’hétérotopies urbaines (Foucault), des « espaces de l’autre » qui ont « le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles ».

Il importe de noter que les imaginaires urbains et les grandes villes du monde, notamment les villes portuaires, sont maintenant gravement touchés par la crise climatique et ses conséquences. Dans The Great Derangement: Climate Change and the Unthinkable (2016), Amitav Ghosh explore la manière dont les villes côtières de Mumbai et Calcutta jusqu’à New York et la Nouvelle-Orléans représentent des concentrations de risque et de vulnérabilité considérables dans un avenir d’instabilité climatique, d’intensification des tempêtes et d’élévation du niveau de la mer. Décrivant comment l’implantation de grands ports sur les côtes du monde était souvent une conséquence de l’impérialisme du XVIIIe siècle et des réseaux commerciaux, il spécule sur le « retrait géré des zones vulnérables » que de nombreux grands centres urbains devront subir au cours du prochain siècle. Plus généralement, que signifiera la crise climatique pour la ville du XXIe siècle ? Et comment les changements écologiques et environnementaux pourraient-ils affaiblir la confiance technocratique et l’économie basée sur le carbone qui ont nourri l’imaginaire urbain de l’urbanisme moderniste du XXe siècle ?

En fin de compte, les villes ne produisent pas seulement de la culture, mais la culture les reproduit. La littérature, les films et d’autres formes de représentation artistique possèdent une myriade de façons de véhiculer et de négocier un « imaginaire cartographique » (Westphal) où les identités urbaines, leurs défis et leurs difficultés, deviennent des indicateurs majeurs, des lieux de débat sur notre vie commune actuelle et notre avenir. En particulier, à la suite d’un tournant spatial plus large et d'autres reconfigurations disciplinaires (par exemple le tournant éthique, le tournant social), les représentations littéraires et les arts ne sont pas seulement éclairés ou reflétés par nos écotones urbains, mais contribuent à en informer et à en façonner les contours.

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Faisant suite au colloque Ecotones n°6 d’octobre 2019 à l’Université Concordia, axé sur « Les ports post/coloniaux : lieu et non-lieu », Ecotones n°7 passera en revue, révisera et revisitera les notions de lieu et de « non-lieu ». D’autres concepts tels que ceux d’« espace lisse » et d’« espace strié » (Deleuze et Guattari), ou d’« hétérotopie » (Foucault) peuvent également être utiles dans le contexte de l'écotone urbain, en réfléchissant à l’espace urbain, façonné par le mouvement et les événements, les imaginaires et les effets plus que par des repères fixes et des objets mesurables, plus intensifs qu’extensifs. Nous nous intéresserons en particulier aux multiples façons dont les espaces sont dé/formés, reconfigurés et réutilisés, que ce soit à des fins économiques, sociales, industrielles et financières, ou artistiques et créatives, de manière homogène ou hétérogène.

Nous sollicitons des contributions dans un large éventail de disciplines des sciences humaines et sociales qui traitent de ces multiples formations d’espaces écotonaux dans les villes coloniales et postcoloniales du Sud, passées et présentes. Nous encourageons les propositions sur des sujets tels que les suivants (sans toutefois s’y limiter) :

  • Les villes en tant qu’assemblages de forces environnementales, historiques et politiques qui façonnent les populations et les relations sociales ;
  • Les villes en tant que zones dans lesquelles les districts, les zones et les quartiers sont reconfigurés et reconvertis ; où des espaces abandonnés sont repris et réadaptés à différents usages (avec quel impact, coût, signification, etc.) ;
  • Les villes en tant que sites de mobilisation, de confrontation et de solidarité entre populations locales et migrantes ;
  • Les espaces urbains en tant que sites d'hyper-invisibilité ou d’hyper-visibilité ;
  • Les villes en tant qu'espaces où le non-urbain et le rural empiètent sur l’urbain, le non-humain sur l’humain, etc.
  • Les villes en tant que sites de confluence et de continuum culturels dans le contexte de relations globales centre-périphérie ;
  • Les villes en tant que points nodaux dans des réseaux plus larges (régionaux, nationaux, mondiaux) ;
  • Les villes comme confluents d’hétérotopies ;
  • Les géographies urbaines façonnées par l’imaginaire, le langage, les arts et la littérature ;
  • L'écotone urbain en tant que nouveau topos « géocritique » dans les formes de représentation fictives et non fictives ;
  • Les villes en tant que points nodaux de la tension entre les processus de créolisation et de (ré) homogénéisation, de topographies intégratives et différentielles ;
  • Des franges, des espaces informels et des espaces intermédiaires qui (co)façonnent l'écotone urbain ;
  • Les villes en tant que génératrices de formations idéologiques, de projets d'identité et d'outils conceptuels (« Cosmopolis », « Zéropolis », « Afropolis », etc.) ;
  • Les villes en tant que « matrices discursives » de dynamiques et de créatures sociolinguistiques et/ou de lieux de rencontres polyglottes entre locuteurs natifs et non natifs ;
  • Villes et crise environnementale : dégradation de l'environnement, changement climatique et urbanisme en tant que site de déchets, pollution de l'air, toxicité et « slow violence » (Nixon).

Références :

Agier, Michel, La Condition cosmopolite: L’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire. Paris: La Découverte, 2013.
Appadurai, Arjun. Modernity at Large: Cultural dimensions of Globalization. Minneapolis: University of Minnesota Press, 1996.
Augé, Marc. Non-Lieux : Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris: Seuil, 1992.
Bauman, Zygmunt. Liquid Modernity. Cambridge: Polity, 2000.
Bégout, Bruce. Zéropolis. L'expérience de Las Vegas, Paris: Allia, 2002.
Butler, Judith. Precarious life. The Powers of Mourning and Violence. London: Verso, 2004.
Deleuze, Michel & Félix Guattari. Mille plateaux : capitalisme et schizophrénie. Paris: Editions de Minuit, 1980; A Thousand Plateaus: Capitalism and Schizophrenia, trans. Brian Massumi, Minneapolis: University of Minnesota Press, 1988.
Foucault, Michel. “Des espaces autres” [1967], in Dits et écrits II, 1976–1988. Paris: Gallimard, 2001: 1571-81.
Ghosh, Amitav. The Great Derangement: Climate Change and the Unthinkable. Chicago: The University of Chicago Press, 2016.
Hannerz, Ulf. Transnational Connections: Culture, People, Places. London & New York: Routledge, 1996.
Kociatkiewicz, Jerzy & Monika Kostera, “The anthropology of empty space.” Qualitative Sociology 1, 1999: 37-50.
Lefebvre, Henri. La révolution urbaine. Paris: Gallimard, 1970.
Mayaram, Shail (ed.). The Other Global City. London & New York: Routledge, 2009.
Nixon, Rob. Slow Violence and the Environmentalism of the Poor. Cambridge, Mass: Harvard University Press, 2011.
Nuttall Sarah & Achille Mbembe (ed.). Johannesburg: The Elusive Metropolis. Johannesburg: Wits University Press, 2008.
Oldfield, Sophie & Susan Parnell (ed.). The Routledge Handbook on Cities of the Global South. London & New York: Routledge, 2014.
Pieterse, Edgar. City Futures. Confronting the Crisis of Urban Development. London & New York: Zed Books, 2008.
“Postcolonial Cities: Africa”. Moving Worlds. A journal of transcultural writings 5.1, 2005.
Pratt, Mary Louise. Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation.  London & New York : Routledge, 1992.
Roy, Ananya. “Slumdog cities: Rethinking subaltern urbanism.” International journal of urban and regional research 35.2, 2011: 223-238.
Westphal, Bertrand. La géocritique. Réel, fiction, espace. Paris : Minuit, 2007.

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Nous invitons les contributrices et contributeurs à déposer en ligne leurs propositions (résumé de 250 mots, titre, nom de l’auteur(e), biographie de 150 mots, coordonnées) sur le site Web de la conférence : https://ecotones.submittable.com/submit/150853/ecotones-7-university-of-cape-town 

Chaque présentation durera 20 minutes (suivie d’un temps de discussion). Une sélection d’articles sera considérée pour publication à la fin de la série d'événements Ecotones.

  • Date limite pour le dépôt des résumés : 15 janvier 2020
  • Notification de l’acceptation : 1er mars 2020

 Comité d’organisation :

Markus Arnold, University of Cape Town
Hedley Twidle, University of Cape Town

Comité scientifique :

Markus Arnold, University of Cape Town
Shari Daya, University of Cape Town
Corinne Duboin, Université de La Réunion
Divine Fuh, University of Cape Town
Nomusa Makhubu, University of Cape Town
Anna Selmeczi, University of Cape Town
Arnaud Richard, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Hedley Twidle, University of Cape Town
Sandra Young, University of Cape Town

Coordinatrices et coordinateur du programme Ecotones :

Judith Misrahi-Barak, EMMA, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Thomas Lacroix, CNRS/Maison Française d’Oxford
Maggi Morehouse, Coastal Carolina University