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Questions d'éthique (revue Télévision)

Questions d'éthique (revue Télévision)

Publié le par Université de Lausanne (Source : François Jost)

Appel à proposition d’article pour le numéro 12  de la revue Télévision (CNRS Editions)

Questions d’éthique

Dossier coordonné par François Jost et Sylvie Pierre

 

Régulièrement, la télévision déclenche des débats qui touchent l’ensemble de la société. Les causes peuvent paraître futiles (les Raisins verts en 1962, les Shadocks en 1968, les reality shows des années 1990, l’avènement de la télé-réalité traitée de « télé-poubelle » en 2001) ou, au contraire graves (les retransmissions en direct des attentats de 2015 ou celle des manifestations des Gilets jaunes en 2019). Dans tous les cas, sont soulevées des questions éthiques sur les limites du représentable et du montrable.

La déontologie journalistique dispose d’un certain nombre de règles et de devoirs à respecter, mais ceux-ci n’épuisent pas les interrogations sur la représentation des événements. Des questions comme celle de l’utilisation de la caméra cachée, pour ne citer qu’un exemple, se trouvent ainsi écartelées entre la logique professionnelle qui impose de recueillir de l’information par tous les moyens et l’attitude critiquable de filmer une personne sans son autorisation.

La nécessité d’une réflexion plus large sur l’éthique s’impose donc.

Si l’information soulève de nombreuses questions, il en va de même des programmes de divertissement ou de fiction. À côté des valeurs plus ou moins explicites qu’ils véhiculent, ils instaurent une relation au spectacle qui flatte parfois le voyeurisme, le sadisme ou la méchanceté du spectateur. Par ailleurs, des mises en scène, voire des programmes, apparaissent à certains comme des offenses ou des stigmatisations (cf. la cellule capitonnée de Fort Boyard, qui a provoqué une protestation d’une association de famille et d’amis de personnes victimes de maladies psychiques ou la série L’Amour en questions sur la Cinquième vilipendée par les associations catholiques). Faut-il les interdire ou les proscrire ? Sous couvert de devoirs moraux à l’égard du public n’assiste-t-on pas à l’émergence de thèses maximalistes selon le terme de Ruwen Ogien (2007), sortes de nouvelles formes de « censure » voire d’« auto-censure » ? Quant à la fiction, elle ne cesse de brandir des modèles plus ou moins en phase avec les exigences morales de la société.

L’éthique télévisuelle doit être abordée au travers des grands textes qui la régulent (conventions et chartes d’éthique des chaînes), de la déontologie, des programmes et des valeurs manifestées par les téléspectateurs. Les pistes suivantes seront privilégiées.

Déontologie et éthique

Plusieurs textes circonscrivent les droits et les devoirs des journalistes (Charte d’éthique professionnelle des journalistes, Déclaration de Münich). Néanmoins leur application à des cas concrets soulève parfois des difficultés d’ordre éthique. Pour ne prendre qu’un exemple, lors de l’attentat de Charlie hebdo, certains médias ont montré des images d’un terroriste abattant froidement le policier Ahmed Merabet, considérant que c’était une information. D’autres ont opposé à cet argument l’atteinte à la dignité humaine. Comment penser de tels cas ?

Le journalisme d’investigation peut-il, doit-il, proscrire les méthodes déloyales (caméra cachée, écoutes, etc.) ou l’intérêt du public est-il une cause supérieure ? Faut-il accepter les interviews intrusives, au moment où ce procédé, qui se rencontre parfois dans Cash investigation, est à la portée des journalistes « amateurs » ?

L’éthique des institutions et des entreprises

À partir de l’examen des textes – conventions des chaînes avec le CSA, décisions du CSA, Chartre d’éthique des chaînes, etc. –, quelles sont les valeurs promues ? Ont-elles évolué au cours des décennies ? Peut-on esquisser l’ethos des institutions et des entreprises audiovisuelles ? Que révèlent les signalements sur les valeurs du public ?

La représentation de la réalité

Peut-on tout montrer ? À de nombreuses reprises, ces dernières années, s’est posée la question de la monstration : doit-on montrer le corps d’un enfant rejeté par la mer ? Faut-il montrer des images des terroristes ? Comment rendre compte des violences dans les manifestations ? etc. Ces questions appellent des réflexions techniques (distance de la prise de vue, floutage, etc.) et philosophiques. Qu’en est-il de l’argument de la dignité humaine ?  Ogien, (2007), met quant à lui en évidence les impasses et les biais des discours moraux et défend ce qu’il appelle « une éthique minimale », rejetant toute forme de paternalisme d’État qui nuirait à la liberté.

Pendant les trois dernières décennies, toute une partie de la population n’a pas été représentée à la télévision. Le baromètre de la diversité publié par le CSA a montré une surreprésentation des catégories professionnelles supérieures. La crise du coronavirus a redonné de l’importance à des professions qui apparaissaient rarement à la télévision (infirmières, éboueurs, caissières, etc.). Quels changements peut-on observer ?

Les genres télévisuels rendent-ils compte de la diversité ? Certains plus que d’autres ? La programmation d’Arte au début de l’année 2020 a fait une large place l’après-midi à des films mettant en avant une image combattive et positive de la femme. Ce n’est pas le cas de toutes les chaînes. Selon un rapport publié par le CSA en 2019, « la part des femmes dépasse les 40% à la télévision et à la radio pour la première fois. Toutefois, leur temps de parole demeure plus faible, et les stéréotypes persistent, notamment dans la téléréalité ». Des études spécifiques sont souhaitées.

            Quelles valeurs morales peut-on repérer dans les programmes télévisuels ? Varient-elles en fonction des genres, des horaires de la journée, des chaînes ?

Méchanceté et haine

La dernière édition de Koh-Lanta a déclenché des menaces de mort à l’endroit de certains candidats et des messages de haine ou d’insultes. Comment expliquer ce phénomène ? Faut-il en trouver la cause dans l’évolution des jeux donnant au spectateur le pouvoir de juger et de condamner (du vote de Loft Story aux live tweets) ? Faut-il réguler ces incitations à la violence ? Par la loi ou par l’action des opérateurs ?

Cette question se pose d’autant plus qu’aujourd’hui des réseaux sociaux et des logiciels multiplient les possibilités de direct, ce qui a occasionné la diffusion d’images de meurtre, transformant l’horreur du crime en spectacle.

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Ces pistes ne sont pas limitatives. D’autres problématiques peuvent être proposées. Ce numéro ne traitera pas de la fiction, sauf par le biais de la programmation, en raison des question spécifiques qu’elle soulève et qui feront l’objet d’un autre numéro de Télévision.

Toutes les disciplines sont bienvenues et les textes de professionnels vivement souhaités.

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Bibliographie indicative

Cornu, D. (2009). Journalisme et vérité. L’éthique de l’information au défi du changement médiatique, Labor et Fides.

Guillebaud, J-C. (2002). Le principe d’humanité, Paris, Points coll. Essai.

Jost, F. (2001). Les médias et nous, Bréal.

Jost F. (2016). Pour une éthique des médias. Les images sont aussi des actes, L’Aube.

Ogien, R. (2007). L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalistes, Folio Essais.

Ogien, R. (2007). La liberté d’offenser : le sexe, l’art et la morale, Paris, La Musardine.

Papin, B. (2015). Les Raisins verts : le « surréalisme attardé » de Jean-Christophe Averty. Télévision 6, p. 143-156. https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=TELEV_006_0143&contenu=article

Pierre, S. (2012). Jean d'Arcy, Penseur et Stratège de la télévision: Un engagement et une ambition, Paris, Ina Éd., coll. Médias histoire.

Pierre, S. (2017). Jean-Christophe Averty, une biographie, Paris, INA, coll. « Médias et humanités ».

Spies, V. (2008). Télévision, presse people : les marchands de bonheur, De Boeck/Ina.

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Calendrier prévisionnel :

-       31 juillet : date-limite de l’envoi des propositions d’articles (2000 signes maximum espace compris)

-       à partir de fin août 2020 : notification aux auteurs

-       30 octobre 2020 : réception des articles (de 35 000 à 45 000 signes espaces compris) avec résumé et biographie

-       30 novembre 2020 : retour aux auteurs des évaluations en double aveugle

-       4 janvier : réception de la version définitive des articles après corrections

-       Publication prévue début avril 2021

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Les propositions à adresser à :

sylvie.pierre@univ-lorraine.fr et francois.jost@sorbonne-nouvelle.fr