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Penser la littérature pour mieux écrire l’histoire : voies communes, tensions et rencontres dans les écritures historiennes et littéraires

Penser la littérature pour mieux écrire l’histoire : voies communes, tensions et rencontres dans les écritures historiennes et littéraires

Publié le par Marc Escola (Source : Miriam Sbih)

Penser la littérature pour mieux écrire l’histoire :

voies communes, tensions et rencontres dans les écritures historiennes et littéraires


Université de Montréal, Québec, Canada, 21-22 avril 2022

Colloque organisé par François-Xavier Garneau   

Ce colloque de Post-Scriptum souhaite aborder différentes avenues où les relations entre l’histoire et la littérature sont pensées comme source de tensions, d’interrogations ou d’influences mutuelles. Une question sous-tend l’angle d’approche : comment des textes littéraires abordent et traitent d’événements historiques, et, à l’inverse de quelle(s) manière(s) des ouvrages d’historiographie empruntent à la littérature des éléments formels ou narratifs ? Ainsi pourront être envisagés les problèmes connexes, à la fois théoriques, formels, narratologiques, épistémologiques, etc. découlant des contacts de la discipline historienne et de la littérature.

Des premières tentatives de concilier histoire et littérature au 19e siècle de Walter Scott, aux œuvres contemporaines d’auteur·ice·s comme Philippe Artières (2019) et Régine Robin (2016) qui redéfinissent les limites des genres et des disciplines, différentes voies créatives ont été déployées pour non seulement aborder l’histoire par le biais de gestes littéraires, mais également pour penser les implications épistémologiques et méthodologiques d’une telle rencontre. Face à cette réalité, différentes questions émergent : comment penser et catégoriser aujourd’hui des ouvrages qui, dans le sillage d’œuvres comme celles de W.G. Sebald, empruntent à la fois au roman, à l’essai, à l’historiographie et à la biographie? Qu’est-ce que de tels ouvrages peuvent nous apprendre sur les possibilités et sur les limites de la littérature, sur les limites de l’écriture de l’histoire? 

À cette question d’œuvre hybride entre historiographie et littérature s’ajoute une deuxième considération, celle de l’importance dans ces textes de la subjectivité de l’auteur·ice. En effet, cette subjectivité occupe une place de plus en plus centrale dans les œuvres qui nous intéressent ici. Enzo Traverso, dans un ouvrage récent sur la question (2020), qualifie de subjectiviste cette tendance : l’auteur·ice se met en scène dans son propre texte, exposant les différentes étapes de la recherche historienne et archivistique qu’iel effectue, les résultats de celle-ci étant alors accompagnés par un récit à la première personne. Cette approche ajoute une dimension narrative importante au texte, l’intrigue se déplaçant alors au niveau de l’enquête historienne ainsi menée. Les données historiques trouvées et rapportées sont présentées d’après une perspective critique qui les situent et les confrontent à la réalité contemporaine de l’auteur·ice, une dialectique importante entre passé et présent étant alors mise de l’avant, rappelant les propos de Walter Benjamin qui écrit dans une perspective similaire qu’« [...] il ne s'agit pas de présenter les œuvres littéraires dans le contexte de leur temps, mais bien de donner à voir dans le temps où elles sont nées le temps qui les connaît –  c'est-à-dire le nôtre. » (Benjamin, 1931)

Ainsi, le passé est considéré dans ces textes à l’aune de nouvelles interprétations qui reflètent des enjeux éthiques ou épistémologiques propres à la position contemporaine de l’auteur·ice ; le présent de l’auteur·ice est à son tour perçu d’après une perspective nouvelle qu’alimente cette connaissance inédite du passé à la fois familiale et collectif. En effet, comme c’est entre autres le cas dans l’ouvrage Lose Your Mother : A Journey Along the Atlantic Slave Route, publié en 2008, de Saidiya Hartman, ce type de textes combine recherche historique et archivistique à une écriture narrative et intimiste, cette combinaison permettant d’éclairer des zones d’ombres à différentes échelles.

En parallèle à l’histoire, ces œuvres proposent également des réflexions sur différents contextes mémoriels, notamment sur la manière dont la remémoration du passé collectif dans un pays ou une région donnée est manipulée et contrôlée. Elles reconstituent en effet à partir de témoignages et d’archives différents contextes qui, pour des raisons politiques ou autres, ont été condamnés à l’oubli ou négligés, la mémoire des victimes ayant été par exemple malmenée ou altérée. Une relecture, voire une réécriture décoloniale et/ou féministe de l’histoire peut en ce sens être proposée par des auteur·ice·s. Nous tenons donc à souligner que toutes perspectives en ce sens souhaitant contribuer à ces discussions seraient les bienvenues.

Les propositions de communication peuvent porter sur les thèmes suivants (sans avoir à s’y limiter) :

- La thématisation ou la problématisation des relations entre l’histoire et la littéraire au sein de textes littéraires

- La représentation d’événements et de contextes historiques ou mémoriels au cinéma (fiction et documentaire) et au sein d’autres médiums artistiques

- Mémoire et agenda politique : études de contextes où la mémoire collective est institutionnalisée et manipulée

- Les différentes interactions entre mémoire individuelle et mémoire collective

- La réécriture décoloniale de certaines formes hégémoniques d’histoire

- Les œuvres hybrides entre fiction, « non fiction », journalisme et essai

- La place de l’« enquête » historienne ou archivistique au sein de fictions contemporaines

- Le rapport entre la fiction et le réel historique dans la littérature

- Les œuvres qui dans une perspective post-mémorielle abordent la transmission de trauma historique et familial de génération en génération

- Enjeux historiographiques et écriture académique de l’histoire

- Scientificité et légitimité d’une écriture littéraire de l’histoire

*

Nous encourageons les propositions d’étudiant.e.s de tous les cycles, de candidat.e.s au doctorat ainsi que de chercheur.e.s diplômé.e.s et de professeur.e.s, qu’iels* soient en recherche ou en recherche-création. Les communications peuvent être en français ou en anglais. Elles dureront vingt minutes et seront suivies d’une période de questions de la part du public.

Les participant.e.s potentiel.le.s doivent envoyer une proposition de 300 mots au plus tard le 15 novembre 2021 à l’adresse suivante: redaction@post-scriptum.org. Vous devez envoyer votre proposition en deux fichiers distincts: dans le premier document doit apparaître le titre de votre communication et le texte de votre proposition; dans le second document doivent apparaître votre nom, votre université d’attache, votre adresse courriel, une courte bio-bibliographie et le titre de votre communication. Les propositions feront l’objet d’une évaluation à l’aveugle par le comité de lecture.

Veuillez noter que les frais de transport et d’hébergement ne seront pas pris en charge par la revue. Aucun frais de participation au colloque ne sera demandé aux participant.e.s.

Calendrier :

●    15 novembre 2021 : date limite d’envoi des propositions.

●    Décembre 2021 : décision du comité.

●    21-22 avril 2022 : colloque à Montréal.

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Bibliographie


Artières, Philippe. Le dossier sauvage. Paris: Verticales, 2019.

Benjamin, Walter. « Histoire littéraire et science de la littérature ». Traduit par Maurice de Gandillac, dans Œuvres II, Gallimard, 2001 [1931].

Hartman, Saidiya V. Lose Your Mother: A Journey Along the Atlantic Slave Route. New York: Farrar, Straus & Giroux, 2008.

Robin, Régine. Un roman d’Allemagne. Paris: Stock, 2016.

Scott, Walter. Waverley. Oxford, United Kingdom: Oxford University Press, 2015 [1814].

Sebald, Winfried Georg. Austerlitz. Traduit par Patrick Charbonneau. Paris: Actes Sud, 2014.