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Orwell dans le domaine public : retour à l’œuvre

Orwell dans le domaine public : retour à l’œuvre

Publié le par Marc Escola (Source : Frédérik Detue)

Orwell dans le domaine public : retour à l’œuvre

Loxias n° 76, 15 mars 2022, sous la direction de Frédérik Detue et Odile Gannier

L’œuvre de George Orwell vient de passer officiellement du point de vue légal dans le domaine public, 70 ans après la mort d’Eric Blair, décédé le 21 janvier 1950.

Le monde entier connaît Orwell pour la création du personnage de « Big Brother » et le système politique qu’il a imaginé en 1949, 1984 – anticipation dystopique nourrie de son actualité ou de son passé récent. De plus en plus souvent se généralise l’usage (dans la vie publique, journalistique, politique…) de références à « Big Brother », à sa surveillance continuelle par les écrans, à la réécriture de l’histoire, à la création manipulatrice de boucs-émissaires…

Mais tout se passe comme si ces images d’un monde « orwellien », non seulement réduisaient l’œuvre d’Orwell à un seul livre, mais circulaient même désormais indépendamment de ce dernier, favorisant toutes sortes de réappropriations, plus ou moins fondées, de l’œuvre et de son auteur.

Nous voudrions que l’entrée de l’œuvre d’Orwell dans le domaine public, qui a justifié en France une pléthore de rééditions, de nouvelles traductions et d’adaptations en bande dessinée de 1984 mais aussi d’autres livres, soit l’occasion d’un retour aux écrits de l’auteur dans leur richesse et leur diversité, moyennant un parti pris inverse de recontextualisation.

L’enjeu est à la fois de prendre la mesure des différentes pratiques d’écriture d’Orwell et de saisir la cohérence du projet littéraire revendiqué « de faire de l’écriture politique un art à part entière » (« Why I write », 1946).

À cet égard, il sera possible d’aborder pour elle-même la façon dont Orwell a pratiqué la critique littéraire, qui comporte des propositions méthodologiques et théoriques pleines d’enseignements à propos de sa conception du métier d’écrivain, de la responsabilité auctoriale et des pouvoirs de la littérature. Qu’est-ce qui fait l’intérêt, pour nous aujourd’hui, du positionnement d’Orwell dans les débats de son époque sur la littérature ? de son attachement à la notion de « personnalité littéraire d’un écrivain » et à ce qu’elle implique en termes de rapports entre l’écriture et l’expérience biographique ? de son refus de la doctrine de « l’art pour l’art » qui n’est pas contradictoire avec une méfiance, au nom de la liberté et de l’honnêteté intellectuelles, envers le statut d’« écrivain engagé » ? etc.

Outre le genre de l’essai, que l’auteur a beaucoup pratiqué, l’art de l’écriture politique s’est notamment concrétisé chez Orwell suivant deux postulations : l’une, documentaire, dans un reportage en immersion (The Road to Wigan Pier, 1937) et des écrits testimoniaux (Down and Out in Paris and London, 1933 ; Homage to Catalonia, 1938) ; l’autre, allégorique, dans le « conte de fées » Animal Farm (sous-titré A Fairy Story, 1945) et le roman dystopique Nineteen Eighty-Four (1949).

Nous souhaiterions des contributions portant sur ces différentes pratiques, qu’il s’agira de ressaisir dans leur historicité – moyennant un travail d’enquête sur leurs conditions de production, de publication et de diffusion – de façon à bien préciser, dans chaque cas, l’action dans l’histoire visée par l’auteur et les difficultés qu’il a éventuellement rencontrées et affrontées.

Qu’il se propose, avec un souci d’exactitude, de documenter des violences sociales et politiques ou de les représenter sur le mode allégorique du conte ou du récit d’anticipation, Orwell fait un « choix du petit », à rebours de l’esthétique de la totalité du romancier réaliste. L’ambition du numéro est de mettre en lumière ce positionnement littéraire, en adéquation avec la passion de l’égalité de l’intellectuel socialiste et avec son parti pris de la vérité vécue par les victimes d’oppression et d’injustice.

Dans cette perspective, des études comparatistes sont tout à fait bienvenues, en particulier celles qui confrontent les écrits d’Orwell avec leurs interprétations (traductions, réécritures, adaptations, études critiques).

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Les propositions d’une demi-page assorties d’un bref CV sont attendues pour le 15 septembre 2021.

Les articles dont le principe aura été retenu devront être expédiés pour le 15 janvier 2021.

revue.loxias@univ-cotedazur.fr