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Morgane, Mélusine, Viviane : les fées après le Moyen Âge. Réception, hybridations et réappropriations de trois figures féériques médiévales (Rennes 2)

Morgane, Mélusine, Viviane : les fées après le Moyen Âge. Réception, hybridations et réappropriations de trois figures féériques médiévales (Rennes 2)

Publié le par Aurelien Maignant (Source : Joanna Pavlevski-Malingre)

« Morgane, Mélusine, Viviane : les fées après le Moyen Âge :

réception, hybridations et réappropriations de trois figures féériques médiévales »

29 octobre 2021

Centre d’Études des Textes Médiévaux

Rennes 2

 

Morgane, Mélusine et Viviane sont les trois fées les plus emblématiques du Moyen Âge. Elles s’inscrivent pourtant dans des traditions textuelles différentes, Mélusine n’étant pas une fée arthurienne, ce qu’elle est parfois devenue dès le XVIe siècle. Elle accompagne ainsi par exemple Gargantua en Avalon avec « Gain la phée » dans les Chroniques gargantuines. Dans les textes médiévaux, Mélusine et Morgane ne sont associées qu’allusivement, au détour d’une périphrase : Jean d’Arras précise que la fée Présine, mère de Mélusine, se réfugie en Avalon, chez sa soeur, la Dame de l’Ille Perdue, que l’on peut identifier à Morgane. Pourtant, ce duo sonne juste à l’oreille du médiéviste : c’est que la recherche en littérature médiévale, et bien sûr au premier chef le livre de Laurence Harf-Lancner, Les fées au Moyen Âge : Morgane et Mélusine, La naissance des fées, a largement contribué à construire ce couple emblématique de fées, qui sont souvent considérées comme des doubles inversés. Mélusine intègre – provisoirement – le monde des hommes, y dispensant ses bienfaits et y engendrant un glorieux lignage historique, celui des Lusignan. Morgane, dont l’identité est instable au Moyen Âge, n’est mère que dans certains récits, d’Yvain et/ou de Mordred, fils adultérin qu’elle conçoit avec son frère Arthur, et elle enlève et enferme ses amants dans l’Autre monde. Pour Laurence Harf-Lancner, les noms des deux fées recouvrent en fait deux structures narratives qui s’opposent. Une troisième figure, Viviane, vient complexifier le réseau des représentations féériques féminines au Moyen Âge et dans les siècles suivants. Viviane et Morgane, dans la mémoire collective, sont opposées, l’une étant présentée comme l’adjuvante, et l’autre comme l’opposante d’Arthur.

Pourtant, comme Morgane, elle est insaisissable, se dédouble, a plusieurs noms, et ses représentations varient selon les textes. Au contraire, Mélusine est fermement associée, au Moyen Âge, à un récit rapporté, avec peu de variations, dans deux romans, de Jean d’Arras (1393) et de Coudrette (c. 1401). En France, c’est le texte de Jean d’Arras qui s’impose dans les éditions et qui peut donc être considéré comme l’hypotexte matriciel des oeuvres littéraires et picturales des siècles suivants. Mais l’autorité de ce texte premier s’est diluée, d’une part parce que ce texte, après avoir été publié de façon continue dans des éditions assez fidèles à leur hypotexte mais de plus en plus populaires jusqu’à la fin du XVIIe siècle, a été expurgé dans la Bibliothèque Universelle des Romans puis confiné dans des éditions essentiellement destinées à des spécialistes ; d’autre part parce que la figure mythique s’inscrit dans une culture de plus en plus médiatique et de moins en moins littéraire. Morgane et Viviane s’inscrivent également dans cette culture médiatique, qui remet en cause l’autorité des textes littéraires.

Cette dilution des hypotextes médiévaux se manifeste cependant autrement pour ces deux fées arthuriennes, notamment par l’émergence et la répétition d’un récit qui tend à l’unicité, occultant la polyphonie qui caractérise la tradition arthurienne. Il faudra s’interroger - que les relations entre les oeuvres ou entre les personnages étudiés tiennent de l’hypertextualité ou de la transfictionnalité - sur les évolutions des représentations de ces fées et des récits qui leur sont associés dans différents genres littéraires – poésie, théâtre, bande dessinée… - dans différents media – cinéma, opéra, peinture, sculpture… - mais aussi dans des écrits critiques, d’historiens ou de mythologues notamment. Sur le plan littéraire, que deviennent les oppositions structurelles relevées par Laurence Harf-Lancner entre Morgane et Mélusine après le Moyen Âge? Sont-elles fermement associées à ces figures mythiques ? Comment les relations entre les trois fées évoluent-elles après le Moyen Âge ? Sont-elles rapprochées ou, au contraire, opposées, et dans quels contextes littéraires et culturels ? On pourra aussi réfléchir à leur représentation au sein de la recherche en littérature médiévale, de façon à rappeler, à travers elles, quelques grandes inflexions de la médiévistique et pour étudier la manière dont la critique nourrit les représentations figurales de ces trois fées. Parce qu’elles sont toutes les trois liées à un homme – Merlin ou Raymondin – elles permettent en outre d’interroger les relations entre les genres.

Dans une perspective comparatiste, les représentations de Morgane, Mélusine et Viviane pourront être étudiées, du XVIe au XXIe siècle :
- dans une oeuvre picturale, littéraire ou critique particulière, qui s’attache aux moins à deux de ces fées
- dans l’ensemble de l’oeuvre d’un artiste donné
- chez un même éditeur ou dans une même collection éditoriale, que l’on parle de la
Bibliothèque bleue, de la Bibliothèque Universelle des Romans ou de Flammarion
- ou encore au sein d’un même mouvement, entendu au sens large, et pouvant donc
recouvrir à la fois une tendance critique, le celticisme par exemple, un courant littéraire, comme le romantisme, ou un ensemble d’idées politiques et sociales, comme le féminisme.

On pourra aussi proposer des études sur la façon dont ces trois fées permettent d’interroger les relations entre les genres et entre les espèces, ou une réflexion sur des fées qui tiennent de plusieurs modèles (Morgane, Mélusine, Viviane), qui combinent leurs traits et témoignent ainsi d’un phénomène de coalescence de plusieurs figures mythiques. Des approches qui montreraient l’arthurianisation éventuelle de Mélusine, qui se tiendrait alors aux côtés de Morgane et Viviane dans le panthéon des fées arthuriennes, seraient également bienvenues.

Cette journée d’études sera ainsi l’occasion d’étudier la réception à la fois créative et critique de trois figures féminines et merveilleuses médiévales, de mieux saisir l’évolution des questionnements qu’elles cristallisent du point de vue du genre, de constater la permanence ou le renouvellement des scénarios associées à ces figures mythiques littéraires dans le jeu des transferts génériques, de la transfictionnalité et de la transmédialité.

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Les propositions de communication (avec une brève notice bio-bibliographique), n’excédant pas une page, sont à envoyer avant le 15 juin 2021 aux organisatrices :

christine.ferlampinacher@univ-rennes2.fr ; fabienne.pomel@univ-rennes2.fr, jpavlevski@gmail.com

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Comité d’organisation :

Christine Ferlampin-Acher, Professeure en langue et littérature médiévales à l’Université Rennes 2 – CELLAM - CETM

Adeline Latimier-Ionoff, chercheuse associée au CELLAM – CETM

Joanna Pavlevski-Malingre, ATER en langue et littérature médiévales à l’Université Rennes 2 – CELLAM - CETM

Fabienne Pomel, Maîtresse de conférences HDR en langue et littérature médiévales à l’Université Rennes 2

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La journée d’études est envisagée en présentiel à l’Université Rennes 2. Une formule hybride ou un passage au distanciel est possible, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et des contraintes des intervenants. Selon le nombre de propositions, une seconde journée pourrait être organisée postérieurement.