Revue
Nouvelle parution
Marguerite Duras et le fait divers suivi de Lectures de La Vie tranquille

Marguerite Duras et le fait divers suivi de Lectures de La Vie tranquille

Publié le par Marc Escola (Source : Classiques Garnier)

La Revue des Lettres modernes, Série Marguerite Duras 6 :

Marguerite Duras et le fait divers suivi de Lectures de La Vie tranquille

sous la direction de Sylvie Loignon

Paris, Classiques Garnier, coll. La Revue des lettres modernes, 2020

EAN : 9782406106081

251 p. — 38,00 €

 

Information le plus souvent brève et dont la diversité est la caractéristique majeure, le fait divers propose une « mise en discours » et une « mise en récit » d’un fait arrivé dans le réel, engendrant une représentation du réel, de la société et de l’imaginaire collectif, et leur interprétation. Le fait divers démontre autant qu’il montre le réel. Comme l’écrit Merleau-Ponty : « Le goût du fait divers, c’est le désir de voir, et voir c’est deviner dans un pli de visage tout un monde semblable au nôtre. » Le fait divers reflète les structures profondes de l’imaginaire et s’intéresse à toutes les formes que peut prendre la fatalité. Roland Barthes (1) a, quant à lui, mis en exergue certains traits formels caractéristiques du fait divers : « récit à structure immanent », le fait divers ne nécessite pas de connaissances en dehors de lui-même – à la différence du fait politique ou historique. Surtout, le fait divers instaure une déviation par rapport à la norme, selon ce que Barthes appelle les « paradoxes de la causalité », affectant la cause et la coïncidence, et révélant le tragique de l’existence. Ainsi, le fait divers donne à voir la société, les mentalités et les fantasmes qui la régissent et tend au lecteur un miroir singulièrement fascinant et repoussant – en cela il a une fonction cathartique.

Selon Roland Barthes toujours, le fait divers a en outre un « pouvoir d’appel paradoxal » pour la littérature : en effet, il a à voir avec l’irreprésentable et n’existe pleinement qu’en deçà du langage, « là où le monde cesse d’être nommé ». Plus qu’une simple source d’inspiration, le fait divers est aussi un défi lancé aux écrivains et à l’écriture. Échangeur entre le familier et le remarquable (ce que notait Foucault), le fait divers confronte l’écrivain à une sorte d’aporie : il questionne les frontières du réel et du fictionnel, du vrai et du vraisemblable, du vraisemblable et de l’invraisemblable.

Comment Marguerite Duras s’est-elle emparée du fait divers ? Très présent dans la production durassienne, le fait divers apparaît comme une source d’inspiration indéniable et permet à l’écrivain d’explorer, voire d’expérimenter différentes formes (texte journalistique, pièce de théâtre, récit empruntant au roman d’investigation…). Peut-on alors parler d’un infléchissement par le fait divers de la forme littéraire qui l’accueille ? et plus encore, peut-on esquisser les grandes lignes d’une esthétique du fait divers ? Le fait divers, s’originant dans le réel, renvoie à un imaginaire qui semble rencontrer celui de l’écrivain, notamment à travers l’évocation de la passion. Dès lors, le fait divers s’inscrit-il à la « marge » de l’œuvre ou n’est-ce pas plutôt une question centrale si tant est que la figure du criminel se constitue en figure quasi mythologique chez Duras ? Le fait divers est ainsi singulièrement transposé, voire transformé par cet imaginaire à l’œuvre. Il fait passer du réel à la fiction et souligne, peut-être, la porosité entre ces deux domaines. Il interroge le rapport qu’entretient l’écrivain avec le réel.

Ce volume se propose encore d’étudier les fonctions du fait divers dans l’œuvre durassienne, la façon en particulier dont il amène une réflexion sur la fatalité, dont il dévoile le réel et la société, leurs dysfonctionnements et leurs mécanismes secrets. C’est enfin le geste même d’écrire et ses motivations qui sont questionnés par la présence du fait divers au sein de l’œuvre, ouvrant à une réflexion métapoétique.
 

Sommaire…

Lire les résumés…

Avant-propos, par Sylvie LOIGNON
Introduction, par Sylvie LOIGNON

I. MARGUERITE DURAS ET LE FAIT DIVERS

1. Des vies infimes aux folies infâmes : le tournant des années Cinquante dans l’œuvre de Duras ; Des Viaducs de la Seine-et-Oise
    à L’Amante anglaise, par Marie-Hélène BOBLET
2. “Marguerite en son miroir” : reflets du fait divers, par Anne BRANCKY
3. “Autour” du fait divers, par Maud FOURTON
4. Une aussi longue absence : un fait divers avec sa grande H, par Cécile HANANIA
5. Par-delà le bien et le mal : le fait divers comme structure romanesque : Duras, herméneute de l’affaire Berthaud,
    par Chloé CHOUEN-OLLIER
6. Marguerite Duras, Jean Genet et le fait divers, par Najet LIMAM-TNANI
7. Espionne de Dieu : Duras entre faits divers et mythes, par Simona CRIPPA
8. Christine V. ou les lectures illimitées : poétique sociale du fait divers chez Duras, par Johan FAERBER


II. LECTURES DE LA VIE TRANQUILLE
9. La Vie tranquille ou le roman de l’intranquillité, par Françoise BARBE-PETIT
10. Vie étrange de Francine V, par Midori OGAWA
11. Visagéité et in-vu de l’Autre : enjeux d’un manque-à-être dans La Vie tranquille, par Olivier AMMOUR-MAYEUR
12. Françou : les prémices d’Aurélia ? ou la question des origines, par Laurent CAMERINI
13. Réflexion sur le personnage féminin dans La Vie tranquille, par par Julie BEAULIEU
14. « Tout est déjà passé » ? : du tragique dans La Vie tranquille, par Christophe MEURÉE

III. CARNET CRITIQUE

Résumés / Abstracts   243