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Le(s) style(s) de Marguerite Yourcenar

Le(s) style(s) de Marguerite Yourcenar

Publié le par Julia Peslier (Source : May Chehab)

UNIVERSITÉ DE CHYPRE - ΠΑΝΕΠΙΣΤΗΜΙΟ ΚΥΠΡΟΥ

Département d’Études françaises et de Langues vivantes - Τμήμα Γαλλικών Σπουδών και Σύγχρονων Γλωσσών

LE(S) STYLE(S) DE MARGUERITE YOURCENAR

COLLOQUE INTERNATIONAL

 

Université de Chypre

4-6 octobre 2012

 

Appel à communications

 

Issue de l’idéalisme romantique […],
la notion moderne de style reste individualisante

François Rastier, La mesure et le grain,
Paris : Honoré Champion, 2011 : 238

 

Par essence, les dictionnaires sont en retard sur la langue dont ils proposent un répertoire. Mais il y a des décalages naturels et des retards autrement plus éloquents. Lorsque par exemple, à l’entrée « style », le Trésor de la Langue Française publié par le CNRS en 16 volumes entre 1971 et 1994 énonce que « Le style [au singulier] est « l’ensemble des moyens d’expression […] qui traduisent […] toute la personnalité d’un auteur »,il ne prend guère acte de l’évolution des représentations de l’identité au cours des XIXe et XXe siècles.

Au contraire, et bien que semblant s’en défendre en caractérisant, plus loin dans la même entrée, de sens [vieilli] la notion de style comme « cohésion résultant d’un équilibre ou d’une ordonnance harmonieuse des éléments qui constituent un tout », le Trésor vit encore sur l’erre des conceptions romantiques pour lesquelles le style était l’expression de l’unité et de l’autonomie du Moi. Le Trésorn’est pas le seul à pratiquer le monisme du style, beaucoup s’en faut : si l’on compare les définitions de ce terme dans les dictionnaires contemporains de langue française (le fait se vérifie dans d’autres langues), l’on est frappé par la constance, pour ne pas dire la résistance, du postulat d’unicité identitaire et de complétude formelle que ces définitions reconduisent. De fait, plus qu’un postulat, il s’agit là d’un axiome qui a pour lui l’évidence apparemment inébranlable du sens commun : si le style est à la personne ce que la personne est au corps, on ne peut mettre en doute la cohésion et l’unicité du style individuel sans appeler le soupçon sur la monade corporelle de l’humain,« sans douter de tout » (Yourcenar, Souvenirs pieux, 707).

La question du style est donc inséparable d’une philosophie du sujet. Sur ce chapitre, l’on sait combien Marguerite Yourcenar élargissait les frontières naguère étanches de l’identité humaine à l’amont biologique et intellectuel de sa personne, cette dernière ne lui apparaissant d’ailleurs souvent que comme l’une des actualisations possibles de ses multiples virtualités. Ainsi s’instaure dans son oeuvre, consubstantiellement à l’éclatement philosophique du sujet, un éclatement stylistique, non comme finalité expérimentale mais comme poétique et esthétique de la polyphonie : la notion de style, cette petite immortalité, se met au pluriel pour faire dire à la langue que seule une écriture contrapunctique peut prétendre à devenir la nouvelle signature stylistique des oeuvres comme de leur auteur.

Car s’il y a le(s) style(s) de l’auteur que l’on a pu diversement définir comme ruptures d’isomorphisme, comme écarts ou comme récurrences de procédés avant d’élever ces « observables »de la linguistique à la dignité -ou de les réduire à l’indignité- de traits identificatoires du pastiche ou du plagiat, en un mot d’empreintes digitales stylistiques, il y a aussi et peut-être surtout le style inimitable de chaque oeuvre.

Les communications proposées s’interrogeront sur l’ancrage du pluralisme stylistique dans la matérialité du texte comme art poétique ou stratégie d’écriture participant aussi bien des nécessités de la pensée que des effets de réception. On s’attachera moins à la nécessaire description des faits stylistiques retenus qu’aux effets qu’ils induisent. Ainsi, dans la mesure où l’on procédera au relevé de spécificités, ces dernières devront être étudiées pour leur signifiance dans le passage de la généralité de la langue aux particularités du texte.

Plus particulièrement, on se demandera dans quelle mesure il existe :

Un style générique, particulier au (sous-)genre pratiqué (correspondance, chronique, (pseudo)fragments, poésie, roman, théâtre), voire un optimumstylistique dans la forme aphoristique yourcenarienne.

Un style irénique et populaire, dans le sillage de l’accomodatiorhétorique (avec les figures de participation, nous ou on inclusif), ou au contraire polémique et spécialisé (argumentatif, juridique), voire un style-masque. Alors que le style impersonnel, par exemple, est sans conteste une arme de combat contre les survalorisations du sujet lyrique et sert l’anti-idéalisme de l’auteur, on peut aussi se demander si sa prétention à l’objectivité est systématiquement trahie par des discordances stylistiques. On privilégiera ainsi toute source de tension stylistique pour en peser l’effet : dans quelle mesure et à quelles fins un style moderne peut-il opposer au sein du même texte une contre-poussée au souci de construction historique? Comment le prosaïsme est-il réinvesti par le classicisme? Jusqu’à quel point Yourcenar domine-t-elle les discours ou contre-discours auxquels elle s’identifie? Quelles leçons politiques tirer de ce pluralisme?

 

Enfin, là où l’oeuvre se singularise, elle se départ à escient de certains styles : la parole pourra aussi être donnée aux grands absents des styles yourcenariens, puisque la littérature est aussi faite de ce qu’elle décide de ne pas être.

 

Les auteurs sont invités à soumettre, pour le 31 janvier 2012 et par voie électronique (chehab[point]may[arobase]ucy[point]ac[point]cy), un résumé de 200-400 mots (1000-2000 caractères, avec les espaces), comprenant le titre et, le cas échéant, une bibliographie. Les propositions de communication seront sélectionnées (une trentaine au maximum) par un comité scientifique et des évaluateurs indépendants.

Calendrier

- le 31 janvier 2012 : date limite d’envoi des résumés.

- le 31 mars 2012 : notification aux auteurs des résumés retenus.

Comité scientifique

 

- Carminella Biondi (Alma Mater Studiorum-Università di Bologna)

- Bruno Blanckeman (Université de la Sorbonne-Nouvelle Paris 3)

- May Chehab (Université de Chypre)

- Maurice Delcroix (Université d’Anvers)

- Rémy Poignault (Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand)

 

  • Responsable :
    May Chehab
  • Adresse :
    Nicosie - CHYPRE