Collectif
Nouvelle parution
L. Turcot & Th. Belleguic (dir.), Les Histoires de Paris (XVIe-XVIIIe siècle)

L. Turcot & Th. Belleguic (dir.), Les Histoires de Paris (XVIe-XVIIIe siècle)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Déborah Boltz)

Les Histoires de Paris (XVIe-XVIIIe siècle)

Sous la direction de Laurent Turcot et Thierry Belleguic

Paris : Hermann, 2012.

EAN 9782705682163.

Tome 1 : 473 pages, 34 euros

Tome 2 : 564 pages, 34 euros

Présentation de l'éditeur :


Qu’il s’agisse de considérations sur la voirie ou les projets d’embellissement, sur les aspects sociaux, économiques ou politiques de la ville, sur l’architecture, la naissance du tourisme ou l’apparition du promeneur urbain, qu’il s’agisse des chroniques intimes ou officielles qui en ont scandé et organisé les péripéties, qu’il s’agisse encore du faste des entrées royales ou de la misère du peuple, des rumeurs ou des modes, des peintures ou des fictions qui l’ont mis en scène, le

Paris d’Ancien Régime a fait l’objet depuis plusieurs décennies de nombreux travaux qui ont collectivement contribué tant à la restitution de la réalité « historique » de la capitale qu’à la mise au jour d’un imaginaire de la ville tissé au fil des représentations.

Sociologues, anthropologues, historiens, spécialistes de l’urbanisme ou de l’architecture, mais aussi littéraires, historiens de l’art, ou encore spécialistes de l’histoire culturelle proposent ici, chacun selon les paradigmes de leur discipline, les champs de leur corpus et les horizons de leur théorie, un contenu spécifique à l’Histoire de Paris, de ses lieux, de ses monuments, de ses habitants, des événements, heureux ou tragiques, officiels ou anonymes, collectifs ou individuels, qui s’y sont produits.

Des récits de fondation à l’horizon uchronique, des entrées royales aux archives de la police, des témoignages de voyageurs aux mémoires de citadins, des antiquités aux grands chantiers d’embellissement, du Louvre au Parlement, de l’Hôtel à la rue, des halles aux jardins, du tâcheron au promeneur, des strates aux seuils, des seuils aux passages, de l’univers diurne à l’univers nocturne, de la fiction au tableau, l’Ancien Régime dessine, et invente, un Paris complexe, multiforme, que nous invitons le lecteur à étudier dans l’infinie variété de ses formes. C’est cette diversité que le présent volume entend présenter, illustrer et analyser. Le tome 1 couvre les thèmes suivants : Policer Paris ; Religions ; Arts et sciences ; Élites parisiennes ; Embellissement de Paris ; Géographies de Paris. Le tome 2 couvre les thèmes suivants : Loisirs ; Alimentation ; Approvisionnement ; Écrire Paris ; Choses vues.

Tome 1
 :

Prologue : La politique en musique : Paris, 1749, par Robert Darnton

I. Policer Paris :

·      « Comme en la plus belle forest du monde » ? Discours de l’insécurité et insécurité des discours à Paris au xvie siècle, par Diane Roussel

·      Le système policier parisien : réflexions sur une « révolution permanente » ? (fin XVIIe-fin XVIIIe), par Vincent Milliot

·      La police face à l’Autre monde. Pratiques magiques et ordre urbain à Paris dans la première moitié du XVIIIe siècle, par Ulrike Krampl

II. Les Religions :

·      Les mystères du Paris janséniste, par Catherine Maire

·      Cultures et idéologies religieuses à Paris au XVIIIe siècle, par David Garrioch

·      Les institutions religieuses et la vie des quartiers à Paris au XVIIIe siècle : les baux chaises et le casuel des églises conventuelles, par Preston Perluss

III. Arts et sciences : les lieux de Paris :

·      Être soigné à Paris, à la fin du XVIIIe siècle, par Jacques Arveiller

·      Le corps de la ville : Paris à l’époque de l’inoculation, par Catriona Seth

·      L’académie des Sciences et l’Observatoire de Paris sont-ils parisiens ?, par Irène Passeron

·      Le Salon de l’Académie, un foyer du développement du discours de l’opinion, par Isabelle Pichet

IV. Les élites parisiennes :

·      Hommes de lettres et mobilité sociale dans le Paris du XVIIe siècle, par Martine Bennini et Claire Chatelain

·      Le cérémonial urbain à Paris au XVIIIe siècle, représentation et négociation politique, par Mathieu Marraud

·      Des « bourgeois de Paris » à la bourgeoisie parisienne (XVIIe-XVIIIe siècles), par Laurence Croq

·      Paris, mi-XVIIe siècle : espace social, espace civique, par Robert Descimon et Michel Demonet

V. Embellissements de Paris :

·      « Parfaict estat politique de la ville de Paris » : l’urbanisme de Raoul Spifame, par Pavel Ouvarov

·      Le Paris galant de Donneau de Visé : le modèle urbain et la politique louis-quatorzienne dans le Mercure galant (1672-1678), par Sara Harvey

·      La coutume de Paris, épitomé du droit français sous l’Ancien Régime ? L’exemple des servitudes, par Robert Carvais

·      L’île de la Cité au XVIIIe siècle. Rénovation urbaine et adaptations habiles, par Youri Carbonnier

·      La place de l’Étoile : le rôle de la monarchie dans la création d’un genius loci national, par Isabelle Rouge-Ducos

VI. Géographies de Paris :

·      Découvrir la « grande, excellente, et ancienne cité de Paris » – dans la Cosmographie universelle de François de Belleforest (1575), par Étienne Bourdon

·      Les cartes mentales de Paris aux XVIe et XVIIe siècles, par Andrey Lazarev

·      Les huit plans de Paris dans le Traité de police de Delamare, par Nicole Dyone.

 

Tome 2

Prologue : Polyandre piéton de Paris ou la forme d’une ville, par Patrick Dandrey

VII. Loisirs :

·      L’urbanité au miroir de la promenade dans les parcs environnant Paris (1630-1670), par Georges Farhat

·      Mr. What-d’ye-call-him : À la recherche du flâneur à Paris et à Londres au XVIIIe siècle, par Jonathan Conlin

·      Les espaces du jeu à Paris du XVIe au XVIIIe siècle, par Elisabeth Belmas

·      De Londres à Paris : l’imaginaire urbain sur la scène comique du XVIIe siècle, par Karen Newman

·      Une princesse dans la ville : loisirs et sociabilité de Marie-Fortunée d’Este, princesse de Conti (1731-1803), par Aurélie Chatenet-Calyste

·      Esquisses d’une géographie musicale de Paris au XVIIIe siècle, par David Hennebelle

·      Entre histoire et mythes : le premier siècle des cafés à Paris (1670-1789), par Thierry Rigogne

VIII. Alimentation :

·      Des métiers de bouche à la naissance du restaurant : l’affirmation de Paris comme capitale gastronomique (XVIe-XVIIIe siècle), par Patrick Rambourg

·      La faim des Parisiens en vers burlesques : sur quelques mazarinades du blocus (hiver 1649), par Jean Leclerc

·      Les bouchers des rues de Paris au XVIIIe siècle, par Renan Larue

·      Dans le « Ventre de Paris » avec L.S. Mercier et Grimod de La Reynière, par Jean-Claude Bonnet

IX. Approvisionnement :

·      Le débit du sel au grenier de Paris à la fin de l’Ancien Régime, par Reynald Abad

·      Le paysage commercial de Paris au XVIIIe siècle. Économie, espace et temporalité, par Natacha Coquery

·      Eau et fiel dans les rouages d’une machine de 600 000 habitants : l’approvisionnement en eau de Paris dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, par Gilles-Antoine Langlois

X. Écrire Paris :

·      « C’est un peuple » : représentations du peuple parisien dans le Journal de L’Estoile, par Mathilde Bernard

·      D’où écrit-on sur la capitale ? Lieux sociaux et lieux sociaux de l’écriture dans le Paris du XVIIe siècle, par Nicholas Schapira

·      La première histoire de Paris grand public. Les Essais historiques sur Paris de Poullain de Saint-Foix (1754-1778), par Clarisse Coulomb

·      De Delamare à Mercier : visions plurielles, appréhension et régulation des boues, cris et embarras de Paris au XVIIIe siècle, par Thomas Le Roux

·      Premiers tableaux parisiens, par Lise Andries

·      L’imaginaire de Paris dans les discours de l’Émigration : la difficile narration du retour, par Jean-Jacques Tatin-Gourier

XI. Choses vues :

·      Échos de la ville dans les dépêches de Francis Vernon, secrétaire d’ambassade à Paris (1669-1672), par Alexandre Tessier

·      « Remplissant de mon nom ces longs corridors sombres… », les Muses captives dans Paris : Sylvain Maréchal, Antoine Roucher et André Chénier, trois poètes de la fin du XVIIIe siècle, à la prison Saint-Lazare, par Jean-Pascal Boulet

·      Paris-Régence ou l’histoire de l’émancipation de la Ville (1715-1725) ?, par Laurent Lemarchand

·      Paris et ses noises : la rue vue du carrosse, par Daniel Vaillancourt

·      Le Paris de la Révolution française dans le XIXe siècle : étude en deux actes sur la pensée contre-révolutionnaire, par Yvan Combeau. 

·      Avènement de la République ou retour de l’Ancien Régime ? Stratégies de représentation du pouvoir politique à Paris sous le Directoire (1795-1799) Christina Schröer.

 

Image 1: http://lturcot.com/images/Couverture%201.jpg

Image 2: http://lturcot.com/images/Couverture%202.jpg

 

Extrait

Extrait de l'introduction de Thierry Belleguic et Laurent Turcot

J'entends dire tous les jours que Paris est la première ville du monde pour les agréments et les commodités de la vie, un paradis terrestre où l'on trouve généralement tout ce qu'on peut souhaiter.

(Fougeret de Monbron, La capitale des Gaules ou la Nouvelle Babylone, [1759])

Les lieux ont une histoire, faite de la vie des hommes et des femmes qui les ont habités, des travaux qui les ont façonnés, des événements, ordinaires ou extraordinaires, qui en ont scandé les devenirs, faite aussi des histoires qui en ont conté les vicissitudes ou célébré la grandeur. Au carrefour de l'espace et du temps, du collectif et de l'individuel, du matériel et de l'immatériel, la ville offre un objet d'étude privilégié pour quiconque entend appréhender dans toute leur diversité les changements qui ont marqué l'avènement de la modernité. C'est cette modernité dont nous proposons ici d'interroger l'archéologie, mais aussi la généalogie complexe, à travers l'étude dune ville emblématique, Paris, considérée dans l'Europe d'Ancien Régime comme le creuset de l'invention et le modèle du goût.

Avec presque 200 000 habitants, Paris attire dès le XVIe siècle les voyageurs de l'Europe entière, et même bien au-delà, et offre le spectacle d'une ville dont on ne peut prendre la mesure. C'est ce dont témoignent de nombreux visiteurs, à l'instar du Bâlois Thomas Platter le jeune qui, dès 1599, s'étonne de la vitalité aussi bruyante que remuante de la rue parisienne : «en voyant tant de monde dans la rue, je croyais qu'il ne restait plus personne dans les maisons, et, néanmoins, je Trouvais les maisons et les auberges toujours pleines lorsque je voulais y descendre.» Ce Paris-là est «plus que jamais l'enfer des chevaux» et de ceux qui vont «à pied, bottez et non bottez, appuyez sur baguettes et non baguettes [...] toujours en cervelle pour regarder», peut-on lire dans le Plaisant galimatias d'un gascon de 1619. Les trois ensembles que sont l'Université, avec la Faculté de Théologie, l'île de la Cité, où réside l'Évêque et où siège le Parlement, et enfin la cité marchande, sur la rive droite, dominée par l'activité économique mais aussi par l'Échevinat, la Prévôté des marchands et le Châtelet, forment dès la Renaissance un ensemble relativement homogène, marqué par la rues Saint-Martin et Saint-Denis qui tranchent du nord au sud, de manière parallèle, la grand'ville de Paris.

Le règne d'Henri IV inaugure une période de rénovation profonde de la capitale. Si le projet de la Place de France n'aboutit pas, celui de la Place royale (Place des Vosges) ou encore du Pont-Neuf témoignent d'une volonté d'ouverture de la ville qui entend offrir des espaces plus larges pour la circulation des personnes et l'essor du commerce. Paris ne cesse d'attirer les regards. Retranché derrière les galeries dorées de Versailles, Louis XIV n'en voudra pas moins faire de sa Capitale la capitale de l'Europe. Le Grand Siècle est bientôt synonyme d'ordonnancement et de régulation. La ville est débarrassée de ses remparts, elle est soumise à un régime strict imposé par la nouvelle lieutenance générale de police (1667). Peu à peu, Paris est gérée par des hommes soucieux de rapporter les moindres émois de la capitale aux oreilles du Roi. La ville se refait également. Mansard et Le Nôtre, après avoir exercé leurs talents au Château de Versailles, offrent à Paris certains de ses plus beaux monuments, appelés à définir une nouvelle architecture européenne. Le XVIIIe siècle redonne à Paris les armes qu'elle avait perdues au profit de Versailles. Avec le Régent qui revient à Paris en 1715, c'est toute une société qui reprend ses quartiers dans la Capitale. Quand Louis XV reprend ses aises à Versailles, Paris ne cède plus : elle demeure le centre politique, économique et culturel de la France. Emblème d'une culture européenne en devenir, Paris devient le modèle d'une civilisation. Si la capitale française voit sa population dépassée par celle de Londres au midi du siècle (entre 500 000-600 000 pour Paris et 700 000-800 000 pour Londres), elle n'en occupe pas moins en Europe, culturellement et politiquement, une place prépondérante. On vient à Paris par intérêt, on y demeure par nécessité et on ne la quitte que par obligation.