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Les êtres et leurs restes. Baugé, XVe siècle, une bataille dans l’histoire des trois royaumes

Les êtres et leurs restes. Baugé, XVe siècle, une bataille dans l’histoire des trois royaumes

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jehanne Roul)

Les êtres et leurs restes. Baugé, XVe siècle, une bataille dans l’histoire des trois royaumes

Baugé-en-Anjou, 18-20 mars 2021

 

« A Fame, bello et peste, libera nos, Domine », implore-t-on en cette fin du Moyen Âge frappée des trois fléaux, à l’origine de la disparition du tiers de la population européenne aux XIVe et XVe siècles. Le royaume de France est à genoux depuis la signature en 1420 du traité de Troyes qui impose au roi « fou » Charles VI une double monarchie. La France est vaincue et pourtant, à Baugé, en mars 1421, les troupes du dauphin Charles spolié de sa couronne, remportent la première victoire française depuis l’humiliation d’Azincourt en 1415. Ce sont peut-être 1066 fidèles des deux royaumes qui rejoignent alors le troisième… 

C’est à l’occasion de la commémoration de cette victoire franco-écossaise qu’est né le projet de travailler autour des êtres et de leurs restes[1], de réunir des chercheurs d’origines disciplinaires multiples : des historiens, juristes, littéraires, historiens de l’art, archéologues, anthropologues, sociologues, théologiens… Depuis les tombes antiques jusqu’aux grands charniers contemporains, la réflexion embrassera l’ensemble de l’aventure humaine et s’élargira au monde. 

Mais la bataille de Baugé se situe bien au cœur de la réflexion première. Qu’en sait-on ; que sait-on notamment du devenir du corps des peut-être 1000 Anglais qui y trouvèrent la mort ? Où et comment, d’ailleurs, trépassèrent-ils ? Sur quelle aire se battit-on ? Les corps eurent-ils l’espace de s’allonger pour mourir ? Et, par conséquent, que devinrent-ils ? La question se pose donc : où sont les corps ?[2] Un travail en lien avec l’INRAP est en cours. Mais le champ d’investigation qui s’ouvre ici ne se limitera pas, dans ce colloque, à la période médiévale et à l’Anjou, tant ce questionnement est commun à toutes les séquences de mort collective, violentes ou non. 

Deux directions pourront donc être envisagées : comment meurt-on ? Que fait-on de « nos » morts ou des « leurs » ?

La manière de mourir, de la mort sur le champ de bataille, fut-il antique, médiéval, moderne ou contemporain, la question du « de quoi meurt-on ? », constitue le cœur de l’enquête.  Nul doute que la confrontation d’approches plurielles, historiques, archéo-anthropologiques, littéraires, dans l’étude de matériaux multiples (balistique, témoignages, rapports de fouilles, rapports des légistes) renouvellera notre regard sur cette question, essentielle dans l’étude de la guerre.

Le deuxième axe de réflexion tentera d’apporter des réponses à la question suivante : « Que fait-on de nos morts ? » Quelle place leurs restes occupent-ils dans nos espaces publics, dans les cimetières, les lieux de culte ou les musées, dans les mémoires collectives, dans les sources littéraires, dans les enjeux politiques ? Les chercheurs sont invités à s’interroger sur les sépultures, accordées ou refusées, sur les corps abandonnés, ballotés par les flots, sur les anonymes, les disparus pleurés. Les recherches d’authentification des corps, comme les moyens mis en œuvre au Rwanda par exemple pour les exposer, la translation des reliques sous les Carolingiens : ces procédures renvoient à la question du traitement des corps et au rapport qu’entretiennent les vivants avec les corps, rapports qui interrogent le social, le religieux, le politique, le culturel, le juridique ; rapports qui peuvent s’analyser en une approche transversale sur un espace géographique mondial (d’Alep à l’Espagne, de l’Ukraine au Mexique). Cette relation de ceux qui restent à ce qui reste des vivants après leur mort, à ce qui demeure physiquement, offre aux chercheurs un champ d’analyse que ne manqueront pas d’enrichir les outils des littéraires. 

A l’heure de l’épidémie, alors que des corps donnés à la recherche sont malmenés à la morgue, que les soldats tombés au front sont rapatriés, ce colloque international se penchera sur le devenir des corps après le franchissement du seuil ultime. Mais c’est aussi et une histoire des vivants, une histoire de croyances, une histoire de la violence, une histoire de la peur et de l’espoir, en partant de ce qui reste des êtres, de ce qui continue d’être.

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Les propositions de contribution, constituées d’un résumé en français et en anglais d’une page et d’un court curriculum-vitae, sont à envoyer à l’adresse suivante avant le 20 novembre 2020 : 

Conference.Bauge2021@gmail.com

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Responsable Jehanne Roul (Université Catholique de l’Ouest, CHUS, Angers) 

jroul@uco.fr

 

Comité d’organisation :

Vincent Bouyer (Destination Anjou), Christian Ingrao (CNRS/EHESS), Guy Jarousseau (Université Catholique de l’Ouest), Cédric Soulié (mairie de Baugé-en-Anjou)

 

Comité scientifique : 

Stéphane Audoin-Rouzeau (EHESS), Nathalie Barrandon (Université de Reims), Pierre-Jérôme Biscarat (Lyon), Élodie Cabot (INRAP), Denis Crouzet (Université Paris-Sorbonne), Anne Curry (Université de Southampton), Jean-Marc Dreyfus (Université de Manchester), Jérémy Foa (Aix-Marseille-Université), David Green (Harlaxton College), Christian Ingrao (CNRS/EHESS) Guy Jarousseau (Université Catholique de l’Ouest), Anne Prouteau (Université Catholique de l’Ouest) Michel Signoli (Aix-Marseille-Université, CNRS, INRAP). 

 

[1] Sur France Culture, Antoine Garapon a consacré une série de son émission Matières à penser au rapport entre l’homme et le cadavre, Les restes humains, ferments de l’humanité, https://www.franceculture.fr/emissions/series/les-restes-humains-ferments-de-lhumanite.

[2] ‘La bataille au moyen âge. Où sont les morts? ’ (with G. Foard), Le cimitière au village dans l’Europe médiévale et moderne, ed. C. Treffort, Actes des XXXVè Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, 11-2 octobre 2013 (Presses Universitaires du Midi, 2015), pp. 221-32.