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Le rap québécois (revue @nalyses)

Le rap québécois (revue @nalyses)

Publié le par Romain Bionda (Source : Sarah Yahyaoui)

Dossier de revue : le rap québécois
Appel à proposition d'articles

Nous acceptons des propositions d’articles qui envisagent une analyse littéraire du rap québécois. Nous souhaitons rassembler les propositions d’articles sélectionnées et les soumettre pour évaluation, en tant que proposition de numéro thématique sur le rap québécois, à la revue @nalyses.

 

Description

Bien qu’il figure parmi les formes artistiques les plus courues par les jeunes d’ici1, le rap québécois n’a pas été investi par la critique littéraire. Commenté dans le cadre de polémiques qui concernaient presque uniquement sa légitimité sur les plans artistique, linguistique ou moral – ce qui rappelle le sort réservé au hip-hop américain dont il est né –, voyant ses expérimentations de même que ses trouvailles littéraires et langagières escamotées, il est en effet resté dans un angle mort de cette critique, comme s’il ne s’agissait pas d’un objet d’étude convenable pour elle. Pourtant, la diversité et l’inventivité de ses textes invitent à l’analyse. C’est pourquoi nous souhaitons proposer le premier dossier d’études littéraires portant sur des œuvres de rap2. Ce dossier ciblera plus précisément les productions issues de la période qui s’étend du premier « âge d’or » de la fin des années 1990 (celui de Dubmatique, Sans Pression, Yvon Crevé, Rainmen ou Muzion) à la faste période qui s’est ouverte aux alentours de 2010 (avec le succès d’Alaclair Ensemble, de Dead Obies, de Loud Lary Ajust, puis de Brown, de Loud ou de FouKi, par exemple3).

 

La trajectoire du hip-hop québécois est complexe. Il émerge initialement – comme c’était le cas aux États-Unis, son pays d’origine – des communautés minorisées, permettant aux rappeurs de témoigner de contextes économiques ou sociopolitiques difficiles (on peut penser à la chanson « La vie ti nèg » de Muzion, par exemple), pour ensuite devenir plus populaire et grand public. À cheval entre texte et musique, entre les États-Unis, la France, le Québec et ses diverses communautés4, entre les marges et la culture populaire5, souvent hétérolingue6, le rap québécois ne voit pas toujours ses influences hétérogènes perçues et reconnues clairement. Mais voilà précisément ce qui l’enrichit, et c’est le potentiel des malentendus qu’il génère que nous chercherons à interroger dans ce dossier, en partant des poétiques distinctes que chaque artiste (ou chaque groupe) mobilise pour les exprimer. Il s’agira en somme de rassembler et de mettre en rapport des lectures de certaines œuvres-clés du rap québécois, de manière à explorer l’espace littéraire qui lui est propre.

 

Dans cet espace foisonnant se mêlent entre autres, sous diverses formes, compétition et communauté, oralité et écriture, originalité et reprises, rupture et tradition, satire et hommage. Chez Alaclair Ensemble, c’est le sérieux et le jeu qui se rencontrent au sein d’une production loin d’être naïve ou apolitique7 malgré son caractère indéniablement ludique. Le groupe, qui chante, sourire en coin, que « c’est sérieux jouer8 », désigne en effet joyeusement la complexité du monde et des êtres humains qui l’habitent, combattant de façon performative – sans rire, cette fois – toute idéologie qui repose sur un idéal de pureté linguistique, ethnique ou esthétique. Usant de procédés différents, mais tirant aussi profit, à leur manière, du potentiel littéraire de l’équivoque, les rappeurs de Dead Obies allient un phrasé et des symboles hérités du style musical qu’ils explorent, le hip-hop étatsunien, à des codes issus de la culture particulière qui les a vus grandir, québécoise, bâtissant leur poétique sur l'intertextualité transfrontalière entre les États-Unis et le Québec.

 

Même si notre dossier ne portera pas sur un auteur unique, nous comptons y inclure une bibliographie sélective de textes savants qui traitent du rap sous un angle utile pour les études littéraires, en ciblant plus précisément le rap francophone et québécois. Un tel document pourra en effet servir aux chercheuses et aux chercheurs qui seront, nous l’espérons, de plus en plus nombreux à envisager le rap québécois du point de vue de la littérature. Nous souhaitons également intégrer au numéro un entretien avec un ou plusieurs rappeurs québécois à propos de leur démarche d’écriture et des esthétiques qu’elles mobilisent.

 

Calendrier :

  • Réception des propositions : 1er février 2020. 
  • Sélection : 1er mars 2020. 
  • Envoi de la proposition de dossier thématique à @nalyses : 15 mars 2020.
  • Réception prévue des articles : 1er juin 2020.

Veuillez envoyer vos propositions de 350 à 500 mots, ainsi qu’une courte notice biobibliographique aux trois adresses suivantes : catherine.leclerc@mcgill.ca, xavier.phaneuf-jolicoeur@mail.mcgill.ca, syahyaoui@gradcenter.cuny.edu.

Si le dossier thématique est accepté par la revue @nalyses, les articles reçus devront être soumis à un processus d’évaluation par les pairs avant d’être acceptés pour publication.

***

Catherine Leclerc, professeure agrégée (Université McGill)

Xavier Phaneuf-Jolicoeur, étudiant au doctorat (Université McGill)

Sarah Yahyaoui, étudiante au doctorat (City University of New York, Graduate Center)

Notes

1. Voir Olivier Arbour-Masse, « Comment le rap queb est-il devenu la musique de l'heure? », Rad, 27 septembre 2017.

2. Poursuivant en cela des réflexions échangées lors d’un colloque intitulé Pour une poétique du rap, coorganisé par Sarah Abd El-Salam et Xavier Phaneuf-Jolicoeur avec la collaboration de Catherine Leclerc et tenu à l’Université McGill le 7 septembre 2017.

3. Voir Olivier Arbour-Masse, « Comment le rap queb est-il devenu la musique de l'heure? », Rad, 27 septembre 2017 ; voir aussi C. M. Jones, « Hip-Hop Quebec: Self and Synthesis », Popular Music and Society, vol. 34, no. 2, mai 2011, p. 179-180.

4. Voir M. Sarkar, « "Ousqu’on chill à soir?" Pratiques multilingues comme stratégies identitaires dans la communauté hip-hop montréalaise », Diversité urbaine, 2008, p. 30-31 ; C. M. Jones, « Hip-Hop Quebec: Self and Synthesis », Popular Music and Society, vol. 34, no. 2, mai 2011, p. 177-178.

5. Voir Marie Nathalie LeBlanc, Alexandrine Boudreault-Fournier et Gabriella Djerrahian, « Les jeunes et la marginalisation à Montréal : la culture hip-hop francophone et les enjeux de l’intégration », Diversité urbaine, vol. 7, no 1, 2007, p. 10-15 ; Mela Sarkar et Dawn Allen, « Hybrid Identities in Quebec Hip-Hop: Language, Territory, and Ethnicity in the Mix », Journal of Language, Identity and Education, 2007, 6:2, p. 118, 127-128 ; Roger Chamberland, « Rap in Canada. Bilingual and Multicultural », dans T. Mitchell (dir.), Global Noise, Middleton, Wesleyan University Press, 2001, p. 307-313, 319-322.

6. C’est-à-dire marqué par « la présence […] d’idiomes étrangers […] aussi bien que de variétés (sociales, régionales ou chronologiques) de la langue principale », en l’espèce le français (Rainier Grutman, Des langues qui résonnent. L’hétérolinguisme au XIXe siècle québécois, Québec, Fides, 1997, p. 37) ; voir Mela Sarkar et Lise Winer, « Multilingual Codeswitching in Quebec Rap: Poetry, Pragmatics and Performativity », International Journal of Multilingualism, vol. 3, no. 3, 2006, p. 173-192.

7. Voir, sur ces lectures de l’œuvre, Olivier Boisvert-Magnen, « Rap local : Alaclair Ensemble, la réplique aux offusqués », Voir, 1er octobre 2018.

8. Alaclair Ensemble, « Le roé », Le roé c’est moé, 2011.