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Le « portrait de l’artiste en jeune homme » dans les correspondances privées entre XVIIIe et XXe s. (Rome)

Le « portrait de l’artiste en jeune homme » dans les correspondances privées entre XVIIIe et XXe s. (Rome)

Le « portrait de l’artiste en jeune homme »

dans les correspondances privées entre XVIIIe et XXe siècles

 

Une seule chose (parmi beaucoup d’autres) me semble insupportable pour l’artiste : ne plus se sentir au début.

(C. Pavese, Il mestiere di vivere, 17 octobre 1935)

 

« Aussi bien dans le domaine de l’art que dans les idées communément admises que nous nous faisons de l’écoulement de la vie humaine, nous tenons pour acquis qu’il existe en permanence un temps opportun pour chacun des aspects de cette vie » : avec un constat extrêmement pragmatique — « ce qui est approprié aux premières années de vie ne l’est pas pour les phases successives, et inversement » (Du style tardif, 2012) — Edward W. Saïd justifie ainsi sa tentative de retracer à partir d’une condition biologique, la sénilité, certaines constantes formelles qui lient les œuvres tardives de différents artistes. Dans une perspective antinomique, il semble légitime de se demander s’il est possible d’identifier des attitudes esthétiques communes aux premières œuvres des écrivains, attitudes qui seraient liées à une condition de l’esprit dominée par quelques éléments récurrents : incertitudes stylistiques, recherche du succès, difficultés éditoriales…Tout comme le style tardif, le « style jeune » pourrait être caractérisé par « une tension non harmonieuse et non sereine » ; et pourtant, si l’auteur mature de Saïd s’enferme dans un « exil autoimposé », fort de sa propre individualité, l’artiste débutant semble être engagé dans la recherche de contacts humains et littéraires, dans la volonté de se rapprocher - ou de s’éloigner - de maîtres, courants et écoles, dans l’inlassable tentative de trouver sa place au sein d’une communauté littéraire. Le style du débutant se présente ainsi, souvent, comme une « mosaïque de citations » (J. Kristeva, Sèméiotikè. Recherches pour une sémanalyse, 1969), un écho des textes de formation, une forme dont le noyau ne sera débarrassé de ses dettes qu’après de nombreuses années d’un travail intense, laissant alors émerger sa propre voix personnelle.

En admettant la nature fortement dialogique qui caractérise les débuts (cfr. E. Said, Beginnings. Intention and Method, 1975), lettres, manuscrits et réseaux épistolaires (comme les définit C. Viola dans l’introduction de Le carte vive. Epistolari e carteggi nel Settecento, 2011) constituent des instruments d’enquête privilégiés, tant pour l’étude des débuts d’un auteur donné que pour la reconstruction de contextes sociaux et professionnels. Cela est d’autant plus vrai pour les XVIIIe, XIXe et XXe siècles, quand l’échange de missives devient une pratique quotidienne répandue dans une partie importante de la société (cfr. M. Bossis, L’épistolarité à travers les siècles, 1990). Puisqu’elles appartiennent à cette série des « écritures du Je » dans laquelle, consciemment ou non, l’émetteur livre une image de lui-même (non exempte de mensonges et omissions, parfois plus significatifs qu’une confession sincère), les écrits privés peuvent fournir un portrait éloquent de l’écrivain encore jeune, pris sur le vif, ou sous la forme d’une réflexion a posteriori de l’écrivain qui a atteint la maturité. En outre, l’auteur débutant peut se servir de la correspondance comme d’un champ de pratique dans lequel affiner ses propres instruments expressifs : la lettre devient elle-même objet littéraire, laboratoire d’écriture, réservoir de contenus thématiques et de solutions formelles.

À partir de ces différentes pistes, nous proposons un séminaire d’étude qui puisse rassembler différents domaines de la recherche autour d’un champ d’investigation unique, mais étudié sous tous ses aspects : les débuts auctoriaux entre XVIIIe et XXe siècles, à travers l’étude des correspondances, publiées ou inédites (en considérant éventuellement les débuts comme de nouveaux départs, d’évidents tournants poétiques et stylistiques, des rapprochements avec des genres et des langages jusque-là inexplorés). Les interventions qui, en plus de se concentrer sur les expériences d’auteurs particuliers, viseront également à la reconstruction d’une communauté intellectuelle seront particulièrement appréciées. Parmi les approches possibles, mais non exclusives, nous signalons :

-        la lettre comme legs autobiographique, document permettant de reconstituer le cadre de la formation de jeunesse et de l’apprentissage de l’écrivain ;

-        la lettre comme attestation des tentatives inédites et des projets jamais réalisés dans la jeunesse, mais aussi comme témoignage des premiers rapports auteur-éditeur et de l’histoire rédactionnelle des premiers textes ; appartiennent également à cette perspective les lettres qui documentent les premiers échanges entre écrivain et traducteur, signe de la volonté de s’ouvrir à un nouveau contexte culturel.

-        la lettre, instrument d’interprétation des premières œuvres à partir de déclarations de poétique, formes de commentaire et autocommentaire ;

-        la lettre comme texte littéraire, lieu de gestation de thèmes et choix stylistiques.

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L’appel à communications s’adresse aux docteurs et doctorants des cycles XXXII, XXXIII, XXXIV, XXXV et XXXVI. Les personnes intéressées pourront envoyer leur proposition en langue italienne ou française à l’adresse seminario.esordi@gmail.com avant le 31 mai 2021.

Dans le document - en format .pdf - devront être présentés : le titre de l’intervention, un abstract de maximum 2.000 caractères (espaces inclus, éventuelle bibliographie exclue) et un profil bio-bibliographique synthétique comprenant nom, prénom, adresse électronique, institution de rattachement et cycle/année de doctorat. Les communications ne devront pas excéder une durée de 20 minutes. Les résultats de la sélection seront communiqués le 21 juin 2021. La publication des actes faisant suite à une évaluation par les pairs est prévue.

La modalité de participation au séminaire, télématique ou en présence, sera communiquée dès que possible, selon l’évolution de la situation sanitaire.

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Le comité scientifique

Beatrice Alfonzetti

Alviera Bussotti

Maria Pia De Paulis

Christian Del Vento

Paola Italia

Rosanna Morace

 

Le comité d’organisation

Aldo Baratta

Maria Collevecchio 

Flavia Erbosi

Agathe Rabat

Eugenia Maria Rossi.