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L’autodidaxie : pratiques, représentations, supports, sociabilités (XIXe-XXe siècles) pour le n°176 des Études sociales (2022/2)

L’autodidaxie : pratiques, représentations, supports, sociabilités (XIXe-XXe siècles) pour le n°176 des Études sociales (2022/2)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Sarah Al-Matary)

L’autodidaxie : pratiques, représentations, supports, sociabilités (XIXe-XXe siècles)
Appel à communication pour le numéro 176 des Études sociales (2022/2)


            À l’heure de l’Open Access, l’autodidaxie semble avoir gagné de nouveaux outils : MOOC, applications informatiques, manuels et autres méthodes pour apprendre « en autonomie » se multiplient. L’apparition de « nouveaux autodidactes[1] », signalée par Georges Le Meur au tournant du millénaire, explique pour une part que les spécialistes en sciences de l’éducation aient renouvelé – sur une base souvent expérimentale et à des fins pratiques – les travaux qui portaient sur cette activité immémoriale, mais progressivement occultée par l’enseignement institutionnalisé[2]. Plus aisée à délimiter des points de vue notionnel et sociologique dans les pays où la scolarisation primaire est obligatoire depuis au moins un siècle, l’autodidaxie reste caractérisée par une grande hétérogénéité, ne serait-ce que parce qu’on imagine que chaque individu s’y consacre en solitaire, selon des modalités propres. Et même si ses avatars contemporains suscitent des définitions efficaces[3], on peine encore à distinguer l’autodidaxie (aussi nommée « autodidactisme ») de l’autoformation, de l’autoapprentissage, et de formes d’éducation qualifiées d’« alternatives ». 

            Étudier les pratiques et les représentations de l’autodidaxie aux XIXe et XXe siècles peut permettre de mieux en saisir la spécificité, dans la confrontation de l’autodidacte avec les figures du « dilettante », de l’« amateur », du « self-made man », mais aussi du « primaire » ou du « boursier ». Car, bien avant que Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ne fassent des « héritiers » l’une des incarnations les plus frappantes de la reproduction sociale[4], cette dernière étiquette s’oppose à celle de « boursiers » dans la nomenclature qu’inspire l’écrivain nationaliste Maurice Barrès au critique Albert Thibaudet[5]. À ses yeux, la littérature telle que la pratique Barrès n’est qu’une manière de se distinguer de « l’idéaliste qui », parce qu’il n’est pas enraciné, « révise chacun de ses actes » comme « Robinson Crusoé recréant toute la civilisation dans son île[6] ». Barrès désigne par là, sans doute, les « intellectuels[7] » ; il n’est pas anodin qu’il convoque le personnage de Robinson – l’une des représentations privilégiées de l’autodidacte[8].

            S’instruire pour se construire, et construire une nouvelle société : au lendemain de la Révolution française, l’autodidaxie est intégrée aux projets d’émancipation. Condorcet, dont plusieurs textes philosophiques convertissent l’autodidacte en contradicteur garant du dialogisme[9], affirme dans un rapport présenté en 1792 devant l’Assemblée législative la nécessité pour tout citoyen de « s’instruire par soi-même ». L’une des conditions d’une égalité effective et universelle est que l’instruction initiale dispensée dans les écoles puisse être entretenue « pendant toute la durée de la vie[10] ». Mais les propositions de Condorcet sont rejetées. Pendant le long XIXe siècle, l’autodidaxie demeure à l’arrière-plan des tentatives d’enseignement « social » et d’éducation « populaire », ne serait-ce que parce qu’une frange de l’auditoire des structures mises en place vient y compléter une formation scolaire peu développée, voire inexistante. Si, selon certains observateurs, le public des Universités populaires comptait à l’origine 80 % d’ouvriers[11], on sait que les contenus qu’elle offrait n’ont pas permis de retenir leur intérêt, et que certains ont préféré se tourner vers les causeries anarchistes, les échanges dans le cadre syndical ou les cours spontanément donnés par des camarades, lesquels répondaient mieux aux attentes des autodidactes. Quelle place tiennent les femmes autodidactes (en tant qu’« apprenantes » ou médiatrices) dans ces espaces, à une époque où il y a peu de diplômées, et où la formation des femmes – qu’elle se fasse à domicile ou au sein d’institutions – demeure réduite ? Si leur rôle dans les bibliothèques populaires a été remis en lumière[12], les parcours de femmes autodidactes issues de milieux modestes restent peu connus. Le témoignage de Gabrielle Petit (1860-1952), qui déclare lors d’un procès que « jusqu’à 20 ans, [elle] n’[a] eu d’autre professeur que la nature, les champs, les prés, la forêt pour bibliothèque, le livre de la vie, le plus complet et le plus nouveau car il a une page nouvelle chaque jour[13] » semble une exception, que l’exploration d’archives et d’écrits du for privé pourrait amener à nuancer. L’affranchissement passe-t-il par l’autodidaxie, ainsi que semble le suggérer George Sand, dont « toutes les héroïnes cérébrales sont autodidactes[14] », par la force des choses ? Pourtant, les expériences autodidactiques des femmes restent peu visibles, sans doute parce que – comme l’observent Isabelle Collet et Nicole Mosconi pour une période plus récente, à propos de l’informatique – « apprendre de manière autonome fait partie des mythes de la masculinité[15] ».

            Persiste la conviction, dans les milieux paysans et ouvriers, qu’il vaudra toujours mieux aller à « l’école de la vie », et la figure de l’intellectuel suscite une méfiance, voire une haine encore perceptible de nos jours. Pourtant, l’autodidaxie n’est ni une catégorie socio-professionnelle, ni une essence (quoi qu’on puisse avoir pour elle un attachement « existentiel »). L’autodidaxie n’est jamais absolue (ou exceptionnellement : l’enfant sauvage de l’Aveyron avait tout appris seul, jusqu’à sa rencontre avec Jean Itard) ; elle se rapporte à un savoir spécial auquel on n’a pas été formé et que l’on éprouve le besoin ou la nécessité d’acquérir : un linguiste surdiplômé peut être autodidacte en jardinage ou en plomberie ; un horticulteur ou une couturière, hautement compétents dans leur domaine, peuvent se lancer dans la lecture de Platon. Et le facteur Cheval, qui construisait son palais en « amateur », faisait sa tournée en préposé « professionnel ». L’autodidaxie est donc une qualité et un statut par rapport à un savoir qu’on s’efforce d’acquérir (prétendûment) sans maître et hors institution. Elle s’apprécie par rapport à un champ de savoir constitué, qui a un mode de transmission, d’acquisition et de reproduction normé, et que l’autodidacte transgresse, volontairement ou non. Elle a des degrés – on est plus ou moins autodidacte dans le champ de savoir que l’on vise[16]- ; elle est souvent temporaire – l’autodidacte complétant, puis faisant souvent valider son savoir par l’institution. Il y a donc une dialectique de l’autodidaxie, qui se déploie entre un institué du savoir (hétérodidaxie) et un instituant partiel et momentané (autodidaxie). 

            L’autodidacte, objet de fascination et de répulsion, est cantonné à un entre-deux. Dans le meilleur des cas, ceux qui jugent qu’il privilégie la quantité sur la qualité, manque de méthode, le considèrent comme un « demi-intellectuel » – c’est-à-dire inachevé et impur –, ou l’opposent au curieux, à l’amateur, à l’érudit, au lettré. La définition de ces différentes figures, et leur positionnement évoluent toutefois avec la structuration et l’institutionnalisation de l’enseignement académique. Retraçant la constitution des études historiques en France dans un article qui établit le programme méthodologique de la revue qu’il vient de fonder, Gabriel Monod note que l’absence d’enseignement supérieur digne de ce nom a donné auxdites études un tour plus littéraire que scientifique, et que les historiens qui l’ont précédé étaient « presque tous auto-didactes [sic] : ils n’[avaien]t point eu de maître, ils ne form[ai]ent pas d’élèves. Ils impos[ai]ent à l’histoire l’empreinte de leur tempérament, de leur personnalité[17]. » Son propos, critique mais admiratif, garde trace de l’aura dont le romantisme avait nimbé l’autodidacte. Longtemps, Jules Michelet – futur professeur au Collège de France – incarne l’originalité triomphante de l’autodidacte[18], en raison notamment de la manière dont il retrace son parcours dans la préface au Peuple[19] (1846). Albert Thibaudet en fait, sur le plan littéraire, le contraire des Déracinés de « l’héritier » Maurice Barrès. En Suisse, le rentier Martin Bodmer  (1899-1971) constitue son éthos de bibliophile et collectionneur exceptionnel, ouvert sur le monde, à distance de l’Université et d’une certaine conception de l’art, « [e]n réhabilitant la figure du dilettante, du “Privatgelehrterˮ qui, avec l’institutionnalisation des études littéraires – la “Literaturwissenschaftˮ, telle qu’elle s’établit au XIXe siècle en Allemagne – avait été évincée au profit d’une opposition nette entre le professionnel (le professeur) et l’amateur[20] ». L’autodidaxie soutient ici la distinction sociale. 

            De tels cas ont amené l’Unesco à distinguer l’autodidaxie « aristocratique » de l’autodidaxie « prolétarienne[21] », dont on tait souvent ce qu’elle coûte – tant du point de vue économique que sur un plan plus symbolique. C’est dans les milieux paysans et ouvriers, où dès l’Ancien Régime la formation se fait largement en autodidacte, qu’Henry Poulaille repère les auteurs que rassemblent son anthologie-manifeste Nouvel âge littéraire[22] et les ouvrages qui la prolongent. Dans La Littérature par le Peuple, ou Nouvel âge littéraire 3, qui complète l’entreprise de cartographie entamée en 1930, les écrivains choisis sont « tous ou presque autodidactes » ; en quête de « sincérité, […] souci de vérité, […] qualité d’écriture et […] force d’évocation », Poulaille trouve « dans les écrits des autodidactes dont les maladresses peuvent révéler autant de visions objectives et susciter davantage d’émotion que les textes policés des auteurs en place[23] ». C’est aussi ce que recherchait, à la Belle Époque, Charles Péguy lorsqu’il éditait les Cahiers de la quinzaine.

            La valorisation de l’autodidaxie, voire son idéalisation militante, accompagne le rejet des formes instituées de l’autorité. Georges Vidal écrit dans l’Encyclopédie anarchiste coordonnée par Sébastien Faure : « Dans la société actuelle, c’est un des plus beaux éloges que l’on puisse faire d’un homme de dire que c’est un autodidacte. […] On sait, en effet, la déplorable pauvreté des connaissances que l’École primaire met à la disposition des enfants pauvres. On y enseigne à l’écolier juste assez pour que, devenu homme, il fasse un ouvrier point complètement illettré mais ignorant toutefois des plus passionnantes activités de l’esprit. Celui qui ne veut pas se résigner à rester toute sa vie un outil passif aux mains des classes possédantes, doit donc continuer ― ou plutôt commencer ― à s’instruire au sortir de l’école. Mais il lui faut lutter contre les obstacles d’ordre matériel et contre les obstacles d’ordre moral. Il lui faut disputer les heures d’études aux heures du travail pour le pain de chaque jour, et il lui faut défendre sa personnalité naissante contre le dédain haineux des privilégiés de l’Instruction. Mais aussi, quelle différence avec les mécaniques étudiants, lorsque l’autodidacte a pu arracher quelques-unes des précieuses connaissances ! Désormais, l’autodidacte sera armé pour la lutte des idées et pourra prendre avec succès la défense de ses frères de misère[24]. » À partir de 1900, le nombre d’ouvrages mentionnant l’autodidaxie dans leur titre (le plus souvent à travers cette « incarnation » qu’est l’autodidacte) hausse, sous l’effet d’un imaginaire qui invite à se libérer des maîtres. En 1926, Han Ryner intitule L’Autodidacte[25] un roman où il interroge les relations entre l’homme et la technique. S’instruire soi-même encourage-t-il la réflexivité, ou accroît-il le besoin de légitimité ? De nombreux récits autobiographiques font de l’autodidacte leur héros, mobilisant rétrospectivement la rhétorique de la vocation[26] et les valeurs du travail, de la volonté, de la détermination, notamment à l’ère contemporaine, où l’exaltation de l’individu fait pendant à celle du Progrès. Prompt à l’autoportrait, l’autodidacte inspire la tendresse, et parfois un humour teinté d’ironie. Dans un de ses « Monologues pour rire » enregistré en 1952, François Billetdoux se met dans sa peau : « Ce n’est pas parce que je ne suis pas allé dans les écoles que je ne suis pas intelligent. Je dirai même que c’est parce que je suis intelligent, que ça ne m’a pas gêné d’aller dans les écoles[27]. » Témoignages, autobiographies, satires offrent des documents intéressants, mais pas toujours fiables ; ils ne suffisent pas même à préciser la chronologie de l’autodidaxie, dans une histoire longue, car il est difficile de mesurer si l’ostentation de la référence à l’autodidaxie correspond à un point culminant de la pratique autodidactique, ou au contraire à un recul, comme le prétend le socialiste Eugène Fournière en 1910 (mais il y a possiblement, là encore, une posture) : « […] l’autodidacte devient un animal fort rare. J’aurai peut-être été le dernier d’une espèce que condamne à disparaître l’enseignement jeté à pleine volée sur toutes les couches. Montrer par quelles écoles buissonières [sic] j’ai vagabondé et coment [sic], sans tendre la main ni l’escopette, sans jamais même convoiter la place qu’un autre pût revendiquer aussi légitimement que moi, j’ai fini par entrer dans un rang assez fermé et y être accepté en pair, voilà qui peut ofrir [sic] quelque intérêt[28]. »

            Parce qu’il a travaillé à s’extraire par le savoir de sa classe d’origine, l’autodidacte s’en éloigne ; mais il ne trouve pas complètement sa place au sein des élites culturelles. Richard Hoggart l’a montré dans La Culture du pauvre, dont la version française place la figure de l’autodidacte au cœur du chapitre conclusif, à la faveur de choix de traduction éloquents[29]. Ces choix nous engagent à étudier les désignations de l’autodidaxie dans une perspective inter-, voire transnationale, dans leurs liens avec les notions de « déclassement », de « transfuges de classe » et de « transclasses ». Récemment, la philosophe Chantal Jaquet, qui appelle à complexifier l’analyse des mobilités sociales[30], confiait à Jean-Marie-Durand : « je me demande […] ce que peut bien vouloir signifier cette formule “apprendre par soi-mêmeˮ […], car on apprend toujours avec et par l’autre. Que cette altérité prenne le visage du parent, du professeur, de l’ami, de l’étranger ou la figure du livre, du film, du voyage, de l’œuvre d’art, elle est toujours une matière à penser qui nourrit sans cesse l’esprit, pour peu qu’il puisse y prêter attention. […] Si elle exprime bien la nécessité pour chacun de réfléchir activement afin de s’approprier ou d’éliminer ce qu’il incorpore au cours de ses rencontres avec le monde, l’idée d’un apprentissage par soi-même induit des représentations fallacieuses et me paraît parfois creuse, surtout lorsqu’elle est mise au service d’un moi prétendu indépendant. Un autodidacte est toujours un “hétérodidacteˮ qui s’ignore, parce qu’il a appris à lire dans le grand livre du monde et ne s’est pas inventé tout seul[31]. » Invitation à prendre en compte les médiations – personnelles et matérielles – à l’œuvre dans l’autodidaxie, hors de la caricature et du mythe. 

            Caricatures : la personne qui accompagne l’apprentissage n’impose pas forcément sa domination ou son influence, et s’il est peu de « maîtres ignorants[32] », les pédagogues libertaires ne manquent pas[33]. La figure de l’initiateur/initiatrice mérite une attention singulière, en lien par exemple avec l’identification de moments déclencheurs[34]. Les mythes qui entourent l’autodidaxie émanent aussi bien des autodidactes eux-mêmes (ou prétendus tels) que de leurs détracteurs. Ils permettent aux premiers d’envelopper les contraintes liées à l’autodidaxie dans le drapeau du « rêve[35] » ouvrier. Se dire autodidacte, souvent, c’est aussi adopter une « posture[36] ». Et, pour ordinaire qu’elle soit, l’autodidaxie a aussi ses mythes : nombre de créateurs ont laissé penser qu’ils s’étaient faits eux-mêmes, qu’ils étaient fils de leurs œuvres. Pierre-Joseph Proudhon, pensionnaire de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Besançon monté à Paris pour y étudier l’économie politique sous la protection du philosophe Joseph Droz, passe ainsi généralement pour un simple bouvier ayant potassé sur des livres d’emprunt et s’étant « formé sur le tas » comme typographe – parcours célébré par ses thuriféraires, condamné par ses détracteurs qui imputent à l’autodidaxie les frustrations intellectuelles et l’éducation imparfaite à l’origine des révolutions. A contrario, une vision édifiante des parcours d’autodidactes a été encouragée par les témoignages d’Agricol Perdiguier ou de Martin Nadaud[37], devenus comme Proudhon députés de la République. L’autodidacte a-t-il tendance à reproduire une norme morale et esthétique, ou au contraire à la transgresser – et si oui, comment ? Rancière a prouvé dans La Parole ouvrière. 1830-1851[38] que la transgression réside moins souvent dans le rejet ou le détournement du discours littéraire bourgeois que dans son appropriation. Quel rapport l’autodidacte entretient-il au livre, et en particulier à ceux qui sont pour lui des « classiques » (la Bible, La Fontaine, Fénelon, Zola, Hugo, Vallès ; Marx, Gramsci…) ? Peut-on reconnaître un autodidacte à son style ? D’aucuns l’associent à un esprit « brouillon » (le mot fut utilisé par Lénine pour qualifier celui de Georges Sorel[39], qui a volontairement quitté son poste d’ingénieur en 1892 pour se consacrer à la philosophie et aux études sociales), une hybridité prise ou non en mauvaise part (l’« hypercorrection » du mineur Charles Debarge, par ailleurs communiste et résistant, explique Xavier Vigna, ne lisse pas ses Carnets[40]) ; d’autres y voient une des sources de sa créativité, voire de son génie, dans la proximité avec le « populaire ». Les deux Rousseau – le philosophe touche-à-tout[41] et le peintre douanier – ont souvent servi à le démontrer. Quels liens l’autodidaxie entretient-elle avec la polygraphie ? Beaucoup de ceux qu’on nomme les publicistes sont-ils des autodidactes ? Une supposée pratique de l’autodidaxie conditionne-t-elle le choix d’un genre[42], ou la qualité d’un artiste (celle de Zola, de Céline, de Van Gogh ou du facteur Cheval) ?

            Les lignes qui précèdent s’appliquent-elles aux sciences sociales, plus particulièrement à la sociologie ? À la différence des arts où (c’est le cas en peinture), on peut encore être « naïf », ou peut devenir « auteur » sans être passé par des « ateliers d’écriture », dans les sciences constituées dont font partie les sciences sociales, il est difficile aujourd’hui d’être un autodidacte. La sociologie est le fait de diplômés qui ont usé, durant de longues années, le fond de leurs culottes sur les bancs de l’Université, et les figures de sociologues « amateur » – un Gabriel Tarde, par exemple –, aujourd’hui réévaluées, ont longtemps été repoussées du côté de la « littérature ». Retracer la trajectoire qui a mené certains sociologues du moment autodidactique originel à la reconnaissance institutionnelle serait intéressant. 

            En sociologie, la seule voie qui paraît encore empruntable pour l’autodidacte est celle de l’enquête : un autodidacte peut aller observer une réalité que le tenant du savoir académique, pris dans la conformité de la science installée, est incapable d’étudier. Car trop de distance sociale l’en sépare. On peut citer Pierre Hamp, employé dans la restauration, formé à la Fondation universitaire de Belleville par de jeunes étudiants au futur prestigieux (Bardoux, Siegfried, Baulig et consorts), qui devient inspecteur du travail, puis spécialiste reconnu de la condition ouvrière. Plus près de nous, la carrière de Daniel Mothé, ouvrier chez Renault, passé par le groupe « Socialisme ou Barbarie » et devenu chercheur au CNRS, appelle également l’attention, tout comme celle de Serge Mallet, sociologue du travail formé à la CFDT et militant du PSU. Et que dire des prêtres ouvriers devenus sociologues : Loew (dockers de Marseille), Quoist (sociologie urbaine de l’agglomération rouennaise), Combes (comité d’entreprise d’une entreprise de la région stéphanoise) ! Quel était leur bagage intellectuel lorsqu’ils ont commencé leurs enquêtes ? Comment et par quel savoir se sont-ils progressivement équipés ? Dans quelles circonstances, avec quelle aide, ont-ils finalement rejoint les institutions scientifiques qui ont validé leur travail, les intégrant en leur sein ?

            En 1996, Willem Frijhoff remarquait, au seuil d’un numéro spécial de la revue Histoire de l’éducation consacré à l’autodidaxie depuis le XVIe siècle, que le sujet était demeuré « sous-exploré, peu étudié, mal aimé des historiens, même après le tournant linguistique, l’essor de la microhistoire et le retour à l’événement des années 1980 et 1990 », « [l]es articles sur l’autodidaxie se compt[a]nt sur les doigts de la main, toute étude d’ensemble fai[san]t défaut[43] ». L’équipe des Études sociales n’a pas la prétention de pallier ce manque ; elle espère plus modestement regrouper un dossier pluridisciplinaire d’articles (synthèses ou études de cas) posant des « regards neufs sur les autodidactes[44] » des XIXe et XXe siècles. Les auteurs sont invités à y détailler leur corpus et leur méthodologie. Les articles pourront notamment aborder les sujets suivants : 


Sources de l’autodidaxie (archives, enquêtes…)

Évolution des critères de définition de l’autodidaxie

Figures faussement oxymoriques d’« académicien autodidacte » et d’« intellectuel autodidacte »

Femmes autodidactes

Espaces d’apprentissage (domicile, bibliothèque, cafés, syndicats, musées, maisons du peuple, universités populaires…)

Supports d’apprentissage (oralité, dictionnaires, écrits didactiques, littérature « grise », périodiques, brochures, collections ou maisons d’éditions dédiées), contenus et pratiques

Le « style » autodidacte : vertus et critiques

Chronologie et temporalités de l’autodidaxie (pauses dans la journée de travail, « nuit » des prolétaires, alternance saisonnière, fréquence, autodidaxie en temps de crise)

Sociabilités et affects attachés aux pratiques autodidaxiques

Autodidaxie et sciences sociales

 
Les projets d’articles (une page maximum) sont à envoyer à Sarah Al-Matary (almatary76@hotmail.com) avant le 15 janvier 2022. Les propositions acceptées seront signalées aux auteurs au plus tard le 1er février 2022 ; les articles (50 000 signes maximum, notes et espaces comprises) sont attendus pour le 15 juin 2022. Tous les articles seront soumis au comité de lecture des Études sociales. Parution prévue : fin 2022



Bibliographie secondaire non exhaustive

BEZILLE-LESQUOY Hélène, L’Autodidacte : entre pratiques et représentations sociales, Paris, L’Harmattan, 2003.
BOURDIEU Pierre et PASSERON Jean-Claude, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964.
BRAS Gérard dir., La Fabrique des transclasses, textes issus du colloque éponyme organisé à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne les 26 et 27 mai 2017, Paris, PUF, 2018.
CACÉRÈS Benigno, Regards neufs sur les autodidactes, Paris, Éditions du Seuil, 1960.

–, Histoire de l’éducation populaire, Paris, Seuil, 1964.
CARRÉ Philippe dir., L’Autoformation : perspectives de recherche, Paris, PUF, 2010.
CHRISTEN Carole et BESSE Laurent, Histoire de l’éducation populaire, 1815-1945. Perspectives françaises et internationales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017.
COLLET Isabelle et MOSCONI Nicole, « Genre et autoformation : le cas de l’informatique », Éducation permanente, n° 168, 3e trimestre 2006, en ligne sur https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:RSYgptKNu3MJ:https://archive-ouverte.unige.ch/unige:102568/ATTACHMENT01+&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=fr

CYROT Pascal, Épisodes et sociabilités autodidactiques. Pour une description compréhensive des relations sociales du sujet en situation d’autoformation, thèse de doctorat en sciences de l’éducation sous la direction de Philippe Carré, soutenue à Paris X-Nanterre le 17 juin 2009, en ligne : https://bdr.parisnanterre.fr/theses/internet/2009PA100067.pdf

DERYCKE Marc et PERONI Michel dir., Figures du maître ignorant : savoir & émancipation, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2010.
FAURE Alain et RANCIÈRE Jacques, La Parole ouvrière. 1830-1851, Paris, La Fabrique, 2007 [Paris, Union générale d’éditions, 1976].
FURET François, Lire et écrire, l’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Éditions de Minuit, 1977.
FRIJHOFF Willem dir., « Autodidaxies, XVIe-XIXe siècles. Jalons pour la construction d’un objet historique », Autodidaxies, 16e-19e siècles, Histoire de l’éducation, n° 70, mai 1996.
GENETIOT Alain dir., Formations d’écrivains au XIXe siècle. Écoles, sociabilités, autodidaxies, Revue d’histoire littéraire de la France, 120e année, n° 3, 2020.
GRIGNON Claude et PASSERON Jean-Claude, Le Savant et le populaire : misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Gallimard, 1989.
HOGGART Richard, La culture du pauvre, étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Éditions de Minuit, 1970.
JAQUET Chantal, Les Transclasses ou La non-reproduction, Paris, PUF, 2014.
LE MEUR Georges, Les Nouveaux autodidactes : néo-autodidaxie et formation, préface de Joffre Dumazedier, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval/Lyon, Chronique sociale, 1998. 
LENOIR Hugues, bibliographie complète en ligne sur le site https://www.hugueslenoir.fr/

LÜSEBRINK Hans-Jürgen, « Cosmopolitisme subalterne et autodidaxie. Configurations européennes et constellations (post-)coloniales (XVIIIe-XXIe siècles) », in Guillaume Bridet, Xavier Garnier, Sarga Moussa, Laetitia Zecchini dir., Décentrer le cosmopolitisme. Enjeux politiques et sociaux dans la littérature, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2019, p. 21-25.
MEIZOZ Jérôme, « Recherches sur la “postureˮ : Rousseau », Littérature, juin 2002, n° 126,          p. 3-17.

– Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, et Postures littéraires. II, La fabrique des singularités, Genève, Slatkine érudition, 2007 et 2011.

POLIAK Claude, La Vocation d’autodidacte, Paris, L’Harmattan, 1992.
RAGON Michel, Histoire de la littérature prolétarienne de langue française : littérature ouvrière, littérature paysanne, littérature d’expression populaire, nouvelle édition revue, complétée, mise à jour, Paris, Librairie générale française, 2005.
RANCIÈRE Jacques, La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard, « Pluriel », 2012 [1981].

–, Le Maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 1987. 

VERRIER Christian, Autodidactes et autodidaxie, l’infini des possibles, Paris, Anthropos, 1999.
VIGNA Xavier, L’Espoir et l’effroi : luttes d’écritures et luttes de classes en France au XXe siècle, Paris, La Découverte, 2016.

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[1] Georges Le Meur, Les Nouveaux autodidactes : néo-autodidaxie et formation, préface de Joffre Dumazedier, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval/Lyon, Chronique sociale, 1998. 
[2] Voir Willem Frijhoff, « Autodidaxies, XVIe-XIXe siècles. Jalons pour la construction d’un objet historique », Autodidaxies, 16e-19e siècles, Histoire de l’éducation, n° 70, mai 1996, p. 5.
[3] Ayant posé que « l’autodidaxie est un auto-apprentissage volontaire – quel que soit le niveau scolaire antérieur de l’apprenant – s’effectuant hors de tout cadre hétéroformatif organisé, en ayant éventuellement recours à une personne ressource » (définition que l’auteur donne déjà dans Autodidactes et autodidaxie, l’infini des possibles, Paris, Anthropos, 1999, p. 83), Christian Verrier précise que « [c]ette définition a été formulée pour distinguer l’autodidaxie de certaines formes d’autoformation qui peuvent s’en différencier considérablement, allant parfois jusqu’à inclure dans l’acte autoformateur des dispositifs où la présence d’un tiers formateur est dominante »              (« Éléments pour une approche de l’autodidaxie », Bulletin des bibliothèques de France, t. 47, n° 3, 2002, p. 19). 
[4] Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964.
[5] Albert Thibaudet, La République des professeurs, Paris, Grasset, 1927, p. 127.
[6] Maurice Barrès, Les Déracinés, premier volet du Roman de l’énergie nationale, Paris, Émile-Paul, 1911 [1897], p. 427. Cité avec une coquille dans Albert Thibaudet, La Vie de Maurice Barrès, Trente ans de vie française II, Paris, Éditions de la NRF, 1921, p. 60.
[7] Fabien Dubosson, Une admiration inconfortable : Maurice Barrès et ses Lecteurs, entre autorité et modernité (1890-1950), thèse des universités de Fribourg et Paris-Ouest Nanterre-La Défense sous la direction de Thomas Hunkeler et William Marx, soutenue le 18 septembre 2014, p. 400.
[8] Voir Christian Verrier, Autodidactes et autodidaxie, l’infini des possibles, op. cit., p. 179-201. Voir aussi Hélène Bezille-Lesquoy, L’Autodidacte : entre pratiques et représentations sociales, Paris, L’Harmattan, 2003.
[9] Voir Catherine Kintzler, Condorcet : l’instruction publique et la naissance du citoyen, Paris, Gallimard, 1987, p. 150 sq.
[10] Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, présentés à l’Assemblée nationale, au nom du Comité d’Instruction publique par Condorcet, Député du Département de Paris, les 20 & 21 Avril 1792 l’an 4e de la liberté, Paris, Imprimerie nationale, 1792, p. 8, p. 7.
[11] [Albert Kownacki], Université populaire Coopération des Idées, Histoire de douze ans (1898-1910), préface de Gabriel Séailles, Imprimerie La Coopération du Livre, 1910, p. 23.
[12] Notamment grâce à Agnès Sandras, « Les femmes dans les bibliothèques populaires, une présence volontairement oubliée ? Quelques pistes de réflexion », dans Carole Christen et Laurent Besse, Histoire de l’éducation populaire, 1815-1945. Perspectives françaises et internationales, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, p. 199-214.
 
[13] Madeleine Laude, Gabrielle Petit, l’indomptable, Paris, Éditions du Monde libertaire, 2010, cité dans Le Monde libertaire, 24 mars 2011, en ligne.
[14] Isabelle Hoog Naginski, « George Sand : l’éducation d’une enfant du siècle », dans L’Éducation des filles au temps de George Sand, textes réunis par Michèle Hecquet, Arras, Artois Presses Université, 1998, en ligne sur Open Edition Books.
[15] Isabelle Collet et Nicole Mosconi, « Genre et autoformation : le cas de l’informatique », Éducation permanente, n° 168, 3e trimestre 2006, en ligne sur https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:RSYgptKNu3MJ:https://archive-ouverte.unige.ch/unige:102568/ATTACHMENT01+&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=fr
[16] Alors qu’il a notamment étudié la sociologie à l’université, Daniel Cohn-Bendit se dit volontiers « autodidacte » pour se distinguer du « philosophe » Luc Ferry, avec lequel il intervient chaque semaine sur LCI.
[17] Gabriel Monod, « Du progrès des études historiques en France depuis le XVIe siècle », Revue historique, 1er janvier 1876, p. 29.
[18] « Le thème du Michelet autodidacte est déjà très présent dans l’ensemble des analyses de Gabriel Monod, La Vie et la Pensée de Jules Michelet, Paris, Honoré Champion, 1923, t. I, p. 1-32. Febvre s’est constitué un dossier entier sur cette question lancinante, où les exégètes de Michelet recherchent la source première de son inspiration : AN/EHESS, FLF, carton 13/6, « Michelet formation. Comment s’est formé Michelet. Lectures littéraires et philosophiques », notent Brigitte Mazon et Yann Potin dans leur édition de Lucien Febvre, Michelet, créateur de l’histoire de France : cours au Collège de France, 1943-1944, Paris, Librairie Vuibert, 2014, n 530.
[19] Jules Michelet, Le Peuple, Paris, Calmann-Lévy, 1877 [1846], p. III-IV.
[20] Cécile Neeser Hever, préface à Martin Bodmer, De la littérature mondiale, anthologie éditée par Jérôme David et Cécile Neeser Hever, Genève, Ithaque, 2018, p. 35. 
[21] Réunion européenne sur les modalités d’apprentissage : rapport final et recommandations, Paris, Unesco, 1980.
[22] Henry Poulaille, Nouvel âge littéraire, Paris, Valois, 1930.
[23] D’après les éditeurs de La Littérature par le Peuple, ou Nouvel âge littéraire 3 (textes rassemblés et annotés par Jean-Paul Morel, Jérôme Radwan et Patrick Ramseyer) publié par les éditions Plein Chant en 2013 (4e de couverture en ligne). Voir aussi « À l’école de la vie », dossier des Cahiers Henry Poulaille préparé et présenté par Jérôme Radwan, Bassac, Éd. Plein chant, 1989.
[24] Georges Vidal, « Autodidacte », Encyclopédie anarchiste [1925-1934], en ligne.
[25] Han Ryner, L’Autodidacte, Paris, Éditions du Monde nouveau, 1926.
[26] La référence à la vocation figure également en titre de l’étude de Claude Poliak, La Vocation d’autodidacte, Paris, L’Harmattan, 1992. 
[27] François Billetdoux, « L’autodidacte », enregistrement public (4 mn 30) au cabaret Milord l’Arsouille en 1952 repris sur un disque en 1961. Voir Pierre-Marie Héron, « “L’esprit des voixˮ : les monologues de Billetdoux », Komodo, n° 4 François Billetdoux : théâtre & radio, 2015, en ligne sur http://komodo21.fr/lesprit-des-voix-les-monologues-de-billetdoux/#11_LAutodidacte
[28] Lettre d’Eugène Fournière à Charles Péguy, Arcueil, 20 février 1910, reproduite dans L’Actualité de l’histoire, n° 25, octobre-décembre 1958, p. 33. Le texte est donné en orthographe simplifiée. Sont conservées aux Archives nationales dans le fonds Fournière, sous la cote 14AS/181/1, des « notes manuscrites pour la préparation des Mémoires d’un autodidacte ».
[29] Richard Hoggart, La culture du pauvre, étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Éditions de Minuit, 1970, « Chapitre 10. Déracinés et déclassés : Le boursier – L’autodidacte – La quête du salut culturel) ». Dans la version anglaise, le chapitre équivalent, intitulé « Unbent Springs : a Note on the Uprooted And the Anxious », est divisé en : « A. Scholarship Boy » et « B. The Place of Culture : A Nostalgia for Ideals ». La référence à l’autodidaxie n’est donc pas mise en exergue. Dans un article sur la réception de Hoggart en France (et le remodèlement de ses travaux pour le public hexagonal), Paul Pasquali, et Olivier Schwartz précisent que l’emploi par les traducteurs du terme « autodidactes » ne correspond pas toujours au texte original, et qu’il remplace l’expression « déclassés par le haut » (« La culture du pauvre : un classique revisité. Hoggart, les classes populaires et la mobilité sociale », Politix, vol. 114, n° 2, 2016, p. 31 et p. 39).
[30] Chantal Jaquet, Les transclasses ou La non-reproduction, Paris, PUF, 2014. Voir aussi, du même auteur, avec Gérard Bras dir., La Fabrique des transclasses, textes issus du colloque éponyme organisé à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne les 26 et 27 mai 2017, Paris, PUF, 2018. 
[31] Chantal Jaquet avec Jean-Marie Durand, Juste en passant, Paris, PUF, 2021, p. 113-114.
[32] Jacques Rancière, Le Maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Paris, Fayard, 1987. Voir aussi Marc Derycke et Michel Peroni dir., Figures du maître ignorant : savoir & émancipation, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2010.
[33] Hugues Lenoir, notamment, leur a consacré plusieurs études. Voir son site https://www.hugueslenoir.fr/
[34] Voir Pascal Cyrot, « Épisodes et sociabilités autodidactiques », Savoirs, n° 25, 2011/1, p. 95-100.
[35] J’emprunte ce terme à Jacques Rancière, La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier, Paris, Fayard,                     « Pluriel », 2012 [1981].
[36] Voir Jérôme Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, et Postures littéraires. II, La fabrique des singularités, Genève, Slatkine érudition, 2007 et 2011.
[37] Agricol Perdiguier, Mémoires d’un compagnon [1854-1855], introduction d’Alain Faure, Paris, Maspero, 1977 ; Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Bourganeuf, A. Duboueix, 1895. 
[38] Alain Faure et Jacques Rancière, La Parole ouvrière. 1830-1851, Paris, La Fabrique, 2007 [Paris : Union générale d’éditions, 1976], p. 340.
[39] Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, Moscou, Éd. du progrès, 1908. Différents adjectifs rendent l’idée de « brouillon » dans les traductions françaises. Dans celle des éditions sociales (1973, p. 287), on lit : « Georges Sorel, confusionniste bien connu […] »
[40] Xavier Vigna, L’Espoir et l’effroi : luttes d’écritures et luttes de classes en France au XXe siècle, Paris, La Découverte, 2016, p. 263.
[41] Sur Jean-Jacques, voir Jérôme Meizoz, « Recherches sur la “postureˮ : Rousseau », Littérature, juin 2002, n° 126, p. 3-17.
[42] Alain Génetiot dir., Formations d’écrivains au XIXe siècle. Écoles, sociabilités, autodidaxies, Revue d’histoire littéraire de la France, 120e année, n° 3, 2020.
[43] Willem Frijhoff, « Autodidaxies, XVIe-XIXe siècles. Jalons pour la construction d’un objet historique », art. cit., p. 8-9.
[44] Benigno Cacérès, Regards neufs sur les autodidactes, Paris, Éditions du Seuil, 1960.