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La pratique judiciaire à l'épreuve du pouvoir. Les procès politiques sous Louis XI

La pratique judiciaire à l'épreuve du pouvoir. Les procès politiques sous Louis XI

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Joël Blanchard)


Journées d’études internationales, 6-7 juin 2013, Université du Maine, Salle Pierre Belon (BU Vercors)

La pratique judiciaire à l’épreuve du pouvoir. Les procès politiques sous Louis XI.

 

La publication récente de procès politiques sous Louis XI permet d’aborder sur nouveaux frais la pratique et le discours judiciaire à la fin du Moyen Âge. On savait, depuis longtemps, l’importance du règne de Louis XI dans la transformation de la norme et de son application. L’exercice du pouvoir personnel et autoritaire serait responsable d’une forme de confusion entre pouvoir et justice. Cette idée peut désormais se fonder, de manière plus objective, sur la réalité de textes jusque là connus surtout par des copies tardives et souvent fautives du XVIIe siècle, mais récemment repris et édités. Ainsi, les médiévistes ont pu se les réapproprier. D’où l’organisation de journées d’études pour un premier bilan des recherches en cours sur la période tardo-médiévale. Elles réuniront juristes, historiens, littéraires. La réflexion portera sur trois points importants de la problématique judiciaire :

1. La distinction entre les classes de documents (listes, caractéristiques, selon qu’il s’agit de procès menés à leur terme ou de procédures inachevées, de copies de documents officiels, de compilations, de minutes...). On sait la difficulté de définir des catégories génériques lorsqu’il s’agit de textes en langue vernaculaire. Sans vouloir céder à la tyrannie de la typologie, on constate que les textes ne se mesurent pas à la même aune : ainsi, le manuscrit 2000 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève (procès de Nemours) n’est pas de même nature que le manuscrit fr. 6299 de la BnF (procès de Saint-Pol): le premier se donne pour un authentique livret de procédure, avec des comptes rendus exhaustifs de séance, l’autre est une chronique réduite à l’essentiel ; d’un côté la relation vivante d’un procès, structurante, fortement contextualisée, faite jour après jour, séance après séance, de l’autre, une compilation « à froid », d’une grande sécheresse. Il faut donc partir de constatations matérielles, écrire l’histoire des supports, l’aventure de leur transmission, accompagnée, si possible, d’une interrogation sur leur destination: usage secret, diffusion limitée ou officielle ?

2.° La justice de Louis XI est politique. Elle est aussi « pragmatique » : un terme qui n’implique pas, comme on le pense souvent, une idée de duplicité, alors qu’il révèle plutôt un jeu avec les règles, un usage assoupli des normes juridiques. Que recouvre dans ces conditions la catégorie de l’extraordinaire  ? Comment se construit-elle ? pas seulement à partir des références du droit romain, mais en fonction des circonstances (lieu et temps, choix des incriminations...) ? On observe une migration lente des règles du droit romano-canonique vers la sphère civile, soulignée par une approximation sémantique des termes utilisés en langue vernaculaire, un flou dont le roi tire parti au jour le jour : une souplesse, une plasticité garante d’une redoutable efficacité.

3.° Plus généralement, on ne peut pas séparer l’histoire des concepts clés, comme « lèse-majesté, ‘indignation’, ‘seureté’, foi, serment » etc., qui font partie de l’outillage mental du temps, de leur réalité textuelle. Ils sont mis en situation dans une trame politique complexe et changeante. S’y ajoute l’implication personnelle d’un roi dont les méthodes déroutent. Cette complexité ne va pas vers une dépersonnalisation du droit au sens moderne du terme, mais plutôt vers un compromis tout médiéval entre tradition et création. C’est cette « conjointure » de la forme et du fonds, pour reprendre une image médiévale, que nous souhaiterions analyser. Elle est la plus appropriée pour définir moins une mutation que des aménagements tactiques dans une crise des structures de pouvoir.

Enfin, dans le cadre d’une table ronde, il conviendra de lancer un projet d’équipe autour de l’édition de ces textes, avec la publication d’un troisième volume des procès et, à moyen terme, l’établissement d’instruments de travail (index prosopographique, index des termes techniques).

        

Mots -clefs : norme juridique - procès politiques - sémiologie du complot - exception, majesté, souveraineté - pratiques du droit politique - justice, ordre politique, fidélité, obéissance - procédure

 

Coordination  scientifique : Joël Blanchard (Labo 3L.AM Université du Maine), Frédéric F. Martin (DCS/CNRS Université de Nantes), Olivier Mattéoni (Lamop/CNRS Université Paris 1)

 

 

Programme

 

Jeudi 6 juin

9.30 Accueil

10h  Introduction

Frédéric F. Martin (Nantes) :  « Louis XI et les procès politiques : orientation ou subversion du droit ? »

10.30-12.30  Lèse –majesté  lectures et contextes  I

Alain Provost (Arras) :  « Autour du procès de Robert d'Artois »

Louis de Carbonnières (Lille 2) : « L’hommage du marquisat de Saluces et ses enjeux géo-politiques »

Federica Cengarle (Milan) :   « Il crimen laesae maiestatis nelle terre lombarde: qualche considerazione (1335-1447) »

 

14.30-16  Lèse –majesté  lectures et contextes  II

Axel Degoy (Ecole nationale des Chartes) : « Lèse majesté et procédure "expéditive" : autour de deux procès jugés par le parlement de Paris au début du XVe siècle »

Jonas Braekevelt (Gand) : « L'utilisation et l'usurpation de la lèse-majesté par les ducs de Bourgogne-Valois: un crime de lèse-majesté royal en-soi? »

 

16.30-18.30  Sémiologie des procès

Franck Collard (Paris Ouest-Nanterre-La Défense) : « Les procès politiques du règne de Louis XI au miroir historial »

Olivier Bertrand (Cergy-Pontoise/Atilf) : « L'expression du pouvoir royal dans la première traduction de la Cité de Dieu de saint Augustin par Raoul de Presles (1375) : une approche lexicologique »

Joël Blanchard (Le Mans) : « Des mots-clés dans le discours des procès : ‘indignation’,’male grace’, ‘seureté’ »

 

 

                                              Vendredi 7 juin

9.30-12h  La pragmatique et la norme  I

François de Noés (Paris) :  « Le procès de René d’Alençon, comte du Perche. Entre justice retenue et justice déléguée »

Daniella Cereia (Turin) : « Un procès politique aux limites du royaume de France: les affaires de Philippe de Bresse »

Olivier Mattéoni (Paris 1) : « Justice et politique : les Grands Jours du Parlement de Paris en Auvergne (1481) »

 

14-15.30  La pragmatique et la norme  II

Loïc Cazaux (Paris 1) :  « Le roi, le Parlement de Paris et le capitaine : le procès pour crime de lèse-majesté d’Antoine de Chabannes, comte de Dammartin (1461-1473) »

Nicolas Kermabon (Le Mans) :  « L'influence de la définition romano-canonique de la complicité dans les procès politiques sous Louis XI : le cas du procès de Jacques d'Armagnac »

 

15.30-16.30  Table ronde et conclusions