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"La Photo Minuit : légende du Nouveau Roman", par J. Faerber (Diakritik.com)

Publié le par Marc Escola

"La Photo Minuit : légende du Nouveau Roman", par Johan Faerber

mis en ligne sur Diakritik.com, le 28 juin 2021

 

"À l’heure où Gallimard rachète les éditions de Minuit et où paraît chez Gallimard l’indispensable correspondance des Nouveaux Romanciers éditée par Carrie Landfried et Olivier Wagner, retour sur la mythologie de la photo fondatrice des éditions de Minuit et du Nouveau Roman, rue Bernard-Palissy un après-midi de 1959.

« L’image doit sortir du cadre » donnait pour conseil Pachero au peintre Vélasquez, alors élève de celui-ci, à Séville dans les premières années du Siècle d’Or. A l’instar de cette recommandation de la surcharge, du débordement et de l’excès, il est, dans l’iconographie littéraire du second demi-siècle passé, de ces images photographiques qui s’échappent, qui glissent hors du référent qu’elles sont censées recouvrir, de ces photos qui précèdent voire dispensent de toute lecture, de ces illustrations qui rendent le texte décoratif. Images qui, plus que des mots, participent de la création et de la mythologie de la littérature ne valant plus elle-même que pour une image.

Ainsi de la célèbre photo dite de Minuit présentant les Nouveaux Romanciers en 1959, photo célèbre au-delà de la célébrité prise devant la maison d’édition et qui vaut pour l’acte de naissance de ce que l’on a eu vite fait de nommer le « Nouveau Roman ». Comme happé, en effet, par sa propre fascination pour les images, qu’elles se présentent comme autant de tableaux ou autres gravures dans Dans le labyrinthe d’Alain Robbe-Grillet, ou comme autant de cartes postales dans Histoire de Claude Simon, le Nouveau Roman est essentiellement connu, reconnu et reconnaissable au travers de ce cliché qui figure en bonne place dans presque toutes les anthologies de littérature du XXe siècle, et participe de l’élaboration d’une certain imaginaire de l’écriture et de la littérature – sinon de sa mythologie la plus active. Une image qui mettrait en mouvement un imaginaire sinon une légende. De fait, dans les années Cinquante, l’idée de littérature passerait par l’image, l’iconographie à laquelle celle-ci peut renvoyer. Une image, en somme, pour donner une idée. A tel point qu’initier ou poursuivre le geste d’écriture reviendrait peut-être à se placer pour ou contre cette photo." […]

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