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Colloque : "La littérature maghrébine d’impression française" (Tunisie)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Adel Habbassi)

La littérature maghrébine d’impression française

 

Congrès international organisé par le Laboratoire de Recherches : Études Maghrébines, Francophones, Comparées et Médiation Culturelle

6-8 décembre 2018 : Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba (Tunisie)

 

PRESENTATION

Dans un ouvrage collectif, consacré à la valeur de l’œuvre littéraire, entre pôle artistique et pôle esthétique, Habib Ben Salha a introduit une nouvelle dénomination littéraire : la littérature maghrébine d’impression française (1). Pour réhabiliter un mot mal reçu, mal lu, le critique développe sa réflexion à partir de deux définitions du terme : « Impression 1 : action de mettre une empreinte. 2. Du Lat philosophique impressio : Impression sur les sens » (2). Il s’agit de présenter une approche nouvelle de l’identité et de la différence, de la langue, des rives, des genres, de l’extrême, de la parole… .

Tout cela à travers une autre lecture de l’instant dans une société en mutation. Comment rendre l’éphémère, écrire le fugace, suivre la variation, retracer la teinte, traduire les reflets changeants du global sur le local. Ce qui s’offre à nos yeux dépasse l’entendement. Les Littératures maghrébines de l’expression avec ou sans retour du référent ont-elles fait leur temps ? Le Maghreb est un brasier vivant : l’impression semble l’avenir de l’expression.

C’est que, à la source d’une langue, il n’y a pas une seule langue, mais un mélange extraordinaire de racines, de codes, de modes, de mutations, de transmutations. Les mots voyagent, les énoncés s’opposent, s’équilibrent ; restent l’envie d’énoncer et à chaque énoncé une énonciation nouvelle.

À l’instant où nous introduisons notre réflexion sur une littérature qui a trop de noms, trop de pères, trop d’équations, trop de clichés, trop de « clicheurs » : littérature maghrébine d’expression française, de graphie, de langue française, littérature arabe écrite en français… des verbes vibrent, perdent leurs phonèmes, des adjectifs se métamorphosent, se réveillent méconnaissables, et ce n’est pas de leur faute.

Jamais une seule racine, un seul son, une appellation n’égalent la mobilité des lieux, la densité et la complexité de traditions et de changements, l’étrangeté des forces permanentes qui agissent sur les écrivains, le laboratoire de l’existence et le mouvement des idées qui pèsent sur eux et qui les infléchissent vers telle ou telle route. Où va-t-on ? Les écrivains maghrébins ne deviennent si grands que lorsqu’ils décident de ne plus faire du maghrébin sur commande, quand ils interrompent le cycle « de la coquille évidée : je suis – qui suis-je ? Ceci contre cela, ceci et/ou cela », pour écrire, rêver, advenir. 

L’écrivain libéré des impératifs de la couleur locale, du piège des lieux communs, du dogmatisme des écoles parisiennes (aux -ismes têtus), de l’arrogance des collèges américains (aux affixes figés : pré-  post-) redécouvre la joie du divers, le plaisir de l’exil heureux (3), l’envie des variations musicales. Cette littérature part de l’interface linguistique, se nourrit des signes de la modernité et s’offre à lire comme « un palimpseste vivant où une sorte de traduction intérieure invente des langues dans la langue » (4). C’est ainsi qu’elle tient tête aux discours aliénants de l’universel, sème les autoroutes de la globalisation, (re)crée le monde à partir des archè du territoire millénaire où elle ne cesse de renaître.

L’écriture des imaginaires qui président à ces textes doit, aujourd’hui, arracher les tablettes de notre histoire des mains de « l’hypersauvage suréquipé » (cf Georges Balandier) qui en monopolise les formulations. C’est que les littératures maghrébines n’ont jamais été considérées comme l’espace d’une réflexion dans une société en mutation. On aura essayé toutes les clés possibles. On a bien-cherché du côté de l’auteur maghrébin : critique socio-historique, psycho-critique, thématique. Déjeux lecteur de J. Amrouche, de Memmi et de bien d’autres classiques. Il s’est contenté d’analyser l’homme qui s’exprime dans le livre, en regroupant les traces de sa présence et en rejetant ²certaines théories (ou sur-théories)² (5).

Les horizons ouverts par cette écriture nouvelle du monde envisagent la profondeur, sauvage, de l’humain comme socle incontournable du texte, d’où l’incitation d’Octavio Paz, à creuser en cherchant la littérature du fond, le fruit littéraire qui traverse les temps et les espaces en refusant la cage de la langue, de la classe ou de la race : ²la littérature est en nous, à l’intérieur de nous. C’est aujourd’hui et c’est la plus lointaine antiquité. C’est demain et c’est l’aube du monde : elle a mille ans et elle vient juste de naître² (6).

Pour s’affirmer en tant qu’impression originale de ce monde nouveau la littérature maghrébine doit oser les apories de l’homme divers qu’elle (re)présente, donner corps à l’informulé, créer les paradigmes de cet impensé occulté par les colons du passé et diabolisé par les stratèges de la mondialisation.

Et elle ne pourra le faire qu’en variant les paradigmes et en dépassant ce que Todorov appelle la seule expression de la nationalité des écrivains : « ce qui fascine, excite, enthousiasme est une sensation qu’à travers des œuvres diverses, foisonnantes, dérangeantes se dit le monde d’aujourd’hui, avec ses rythmes, son énergie, ses langages vrais. [..] Ecrire, créer ne revient pas à ²exprimer² une culture, mais à nous en arracher [..], à s’ouvrir au dialogue avec d’autres cultures. Le plus grand écrivain néerlandais vivant, de l’avis unanime est Marocain d’origine : Abdelkader Ben Ali² (7).  Il est grand temps, aujourd’hui, de promouvoir une littérature maghrébine qui rende compte de ce tremblement des paradigmes et de cet échange avec les voix du monde.

Cet art de la parole (s’)engage sur des voies qui aident à transfigurer les racines du texte et ses codes pour en faire les trames des ²formes de vie² qui y grouillent. Du fait même qu’elle condense les phrasés de l’existence et les modalités de la vie humaine, la littérature est inséparable du vivre, de l’agir, du pâtir. Les lectures (critiques) de cette littérature sont appelées à sonder ses interrogations éthiques et leurs croisements avec les enjeux esthétiques de l’œuvre.

Comme l’écrivain maghrébin est un grand mangeur de livres et un déterreur de contes légendaires, nous chercherons les fragments de cette conscience erratique du texte dans les mouvements chaotiques de la lecture et de l’écriture. Du fait du pacte éthico-esthétique qui la fonde, la littérature dont nous parlons développe une autoréflexion sur les conditions de sa production et les horizons de sa réception. Il existe dans tout écrivain maghrébin un critique bien puissant. Nedjma, note Marc Gontard, marque un sommet dans la littérature maghrébine. Les marques spécifiques de cette grandeur littéraire proposent le texte comme une “peinture impressionniste” où d’autres syntaxes du monde nous dévoilent un charme divers du « lieu et [de] la formule » tant recherchés par le poète (8).

 

NOTES 

1-) La valeur de l’œuvre littéraire, Etudes réunies par P. Voisin, classiques Garnier, 2012, p. 19.

2-) Définitions proposées par le Dictionnaire étymologique de la langue française, PUF, 2002, p. 333.

3-) Voir Poétique maghrébine et Intertextualité, Publications de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba, 1992.

4-) Op.cit, p. 516.

5-) J. Déjeux, Situation de la littérature maghrébine de langue française, Alger, Office des publications universitaires, 1982, p. 141.

6-) Octavio Paz, La Quête du présent, Gallimard, 1990, p. 33.

7-) T. Todorov, La littérature en péril, Flammarion, 2006, p. 38.

8-) C’est une résonance de la clausule du poème « Vagabonds » de Rimbaud (Illuminations) : in Arthur Rimbaud, Œuvres complètes, édition établie, présentée et annotée par Antoine Adam, Paris, nrf, Gallimard, 1972, rééd., 2005, p. 137.

 

AXES DE RECHERCHE 

Le Congrès international Littérature maghrébine d’impression française invite à ouvrir le champ de ces nouvelles écritures de l’homme (maghrébin). L’épanouissement d’une production littéraire capable d’être à l’écoute de ce tremblement des paradigmes maghrébins est inséparable de l’acte créatif qui ose défendre ses apories et les insérer dans les réseaux culturels et artistiques du XXIème siècle. Pour cela, nous comptons réunir les spécialistes qui travaillent sur ces créneaux afin de réfléchir, ensemble, sur les perspectives d’une « littérature maghrébine d’impression française » dont les conditions d’existence sont, aujourd’hui, réunies. Cet immense chantier envisage d’innombrables points de vue et diverses thèses de travail. Les axes proposés, ci-dessous, ne doivent donc pas limiter les horizons de cette réflexion que nous voudrions ouverte, plurielle et transdisciplinaire. 

1-) Littérature maghrébine d’impression française, un laboratoire de(s) nouvelles formes d’écriture.

2-) La littérature maghrébine d’impression française : une écriture qui arpente le monde.

3-) La Littérature maghrébine d’impression française : pour un renouvellement des frontières du moi.

4-) Littérature maghrébine d’impression française et dynamiques relationnelles.

5-)  La littérature maghrébine d’impression française, un outil d’exploration des catégories du possible.

6-) La littérature maghrébine d’impression française, pour répondre aux horizons d’attente des lecteurs du XXIème siècle.

7-)  Quelle critique pour la littérature maghrébine d’impression française ?

8-) De la littérature maghrébine d’impression française comme réponse à la séparation entre la parole créatrice et les arts.

9-) La littérature maghrébine d’impression française : reflet des dynamiques sociales et des aspirations démocratiques du XXIème siècle.

 

COMMUNICATIONS

Les propositions de communication doivent être envoyées avant le 25 octobre 2018  par voie électronique à l’adresse :  adelbensh@yahoo.fr

Les réponses du comité scientifique seront communiquées le 30 octobre 2018.

Les frais de participation sont de 100 Euros (qui incluent le logement, les repas et la publication des Actes du Congrès).

 

 

Comité scientifique

Habib Ben Salha, Université de Manouba / Labolima - Tunisie

Hamdi Hemaidi, Université de Manouba / Labolima - Tunisie

Mohamed Mansouri, Université de Manouba / Labolima - Tunisie

Adel Khidr, Université de Manouba / Labolima – Tunisie

Abbes Ben Mahjouba, Université de Manouba / Labolima – Tunisie

Sadok Bouhlila, Université de Manouba / Labolima - Tunisie

Ahmed Somai, Université de Manouba / Labolima - Tunisie,

Néjib Ben Jemai, Université de Manouba / Labolima – Tunisie

Patrick Voisin, Laboratoire Babel (EA 2649) - France / Labolima – Tunisie

Abdedelouahed Mabrour,Laboratoire d’Etudes et de recherche sur l’interculturel,Université Chouaib Doukkali, Eljadida, Maroc

Sana Gouati,Université de Kénitra, Maroc

Mohamed Bernoussi,Université de Meknès, Maroc

Françoise Argod-Dutard, Les Lyriades - France

Bertrand Sajaloli, Université d’Orléans - France

Christine Jacquet Pfau, Collège de France Paris - France

Jean-François Sablayrolles, Université de Paris X

Henriette Walter, Université de Haute-Bretagne - France

Simona Modreanu, Université Alexandru Ion Cuza Iasi - Roumanie

Karima Yatribi, Université Mohammed v , Rabat - Maroc

Aicha Fadil, Université Hassan 1er Settat - Maroc

Abderrahmen Tenkoul, Université de Kénitra, - Maroc

Rachid Hamdi, Université de Guelma - Algérie

Amel Maafa, Université de Guelma – Algérie

 

 

Comité d’organisation

Habib Ben Salha

Bessem Aloui

Wafa Bsaies-Ourari

Abbes Ben Mahjouba

Anissa Kaouel

Mhamed Sayadi

Adel Habbassi

Hanène Harrazi Ksontini

Issam Maachaoui

Ilhem Saïda

Ibtihel Ben Ahmed

Faycel Ltifi

 

Responsable

Habib Ben Salha