Questions de société
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[France] "La bataille de la LPPR". Newsletter d'Academia, 8-14 juin 2020

Publié le par Vincent Ferré (Source : Christelle Rabier)

"La bataille de la LPPR". Newsletter d'Academia, 8-14 juin 2020

"Vous étiez nombreux et nombreuses à souscrire à notre appel solennel remis le 21 avril à la Ministre et lui demandant de ne pas prendre de mesures non-urgentes pendant le confinement. Si le confinement obligatoire est terminé, pour autant l’état d’urgence continue, avec des mesures anti-rassemblement, et la fermeture des universités à ses étudiant∙es. C’est cette période que le gouvernement a choisi pour présenter son projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche devant les instances nationales, en vue de sa présentation en Conseil des ministres le 8 juillet et vraisemblablement de son vote au cours de l’été. Parallèlement, la Commission Culture du Sénat rendait un rapport accablant sur le système de recherche pendant la pandémie.

Après la saisine du Conseil économique, social et environnemental le 5 juin, la diffusion de l’avant-projet de loi par le SGEN dimanche 7 juin 2020, Academia a rapidement fourni des éléments sur l’avant-projet de loi, mais aussi sur le projet de loi transmis au Conseil d’État — texte prêt « depuis le mois de mars » selon la Ministre, rattrapée par une affaire de fraude scientifique — et son étude d’impact.

Disons-le simplement : ce projet de loi détruit méthodiquement le cadre légal de l’Université, approfondit les dérogations créées par la loi PACT, et impute les maigres augmentations de budget à la seule Agence nationale de la Recherche. Les jeunes collègues ne s’y sont pas trompé·es : cette loi ne vise nullement à améliorer le sort des jeunes chercheurs et chercheuses, mais à précariser davantage leur situation ; elle met au jour le simple fait que la transmission des savoirs — auprès de celles et de ceux qui feront l’élite de demain — n’intéresse aucunement le Ministère de l’Enseignement supérieur. La pilule est très amère.

La parution de l’étude d’impact de près de 200 pages, la veille de la réunion du CNESER, est un modèle du genre : manipulation de chiffres, biais argumentaires, et autres paragraphes en novlangue. Explicitant le rôle législatif de l’étude d’impact, Academia en a analysé deux dispositions :

  • la lutte contre les inégalités hommes-femmes1 ;
  • l’adoption des tenure tracks, nouvelle voie d’accès hors concours aux statuts de professeures des universités et des directions de recherche.

Compte tenu du mépris dans lequel le Ministère tient les élu∙es∙des instances, plusieurs organisations syndicales ont boycotté la séance du CNESER du 12 juin 2020 à l’exception notable de la CPU qui s’est félicitée du texte. La communauté universitaire s’est mobilisée, syndicats, Facs et labo en lutte, Revues en lutte en tête, relayée dans la presse. Le vote n’aura lieu que jeudi 18, précédant celui du CTMESR le vendredi 19 juin. L’examen du texte en Conseil des ministres est prévu le 8 juillet 2020. Nous entrons dans la dernière phase du processus législatif, avec un projet qui n’est pas encore inscrit au calendrier parlementaire, mais qui pourrait être passé après l’été, vraisemblablement à la fin de l’année 2020 ou au tout début 2021.

Il nous faut désormais nous interroger sur les moyens dont nous disposons pour que ce projet ne devienne pas loi. Un chercheur a suggéré qu’il ne fallait désormais prendre la parole auprès des médias que pour dénoncer la future loi.  Un élu CNESER a esquissé quelques pistes de moyens juridiques pour le contrer. Plusieurs manifestations sont prévues : unitaire avec les soignantes le 16, puis le 18 et le 19. Il y a aussi l’envoi en masse de propositions de « dérégulation » auprès du MESRI, sans oublier d’interpeler les présidences d’université sur le contenu inique de la LPPR.

Alors que nous vivons depuis plusieurs semaines un magnifique mouvement en faveur des droits civiques et de la justice, notons que le droit constitutionnel de manifester vient d’être sérieusement entravé dans un régime de plus en plus nauséabond.

Contre la LPPR, il nous faut toutes les forces sur le pont et beaucoup d’imagination : nous comptons sur vous !"