APPEL A COMMUNICATIONS
Colloque « L'Expérience », les 17 et 18 juin 2011. Groupe de recherche IMAGER – Unité de recherche TIES (littérature des pays anglophones – roman, théâtre et poésie – de la Renaissance à nos jours).
Université Paris-Est.
Le deuxième volet du colloque "L'Expérience" aura lieu les 17 et 18 juin 2011 à l'Université Paris-Est Créteil. Lorsque W. Benjamin annonce, en 1933, dans l'un de ses écrits français intitulé « Le Narrateur », que « le cours de l'expérience a baissé », il circonscrit et souligne l'un des défis majeurs que le XXe siècle aura posé à la conscience humaine. Il attire l'attention sur une mise en crise d'une notion essentielle, profondément attachée à la constitution et à l'élaboration du savoir tel qu'il a été défini à l'origine même de la modernité. La remise en cause du dogme, le passage d'un corpus de certitudes à un savoir élaboré en commun à partir de l'observation de la réalité, placent l'expérience du sujet au centre du processus d'élaboration de la connaissance. Depuis An Essay Concerning Human Understanding de Locke jusqu'aux travaux des phénoménologues, l'expérience a constitué le point exact de nouage entre le sujet de la connaissance et son objet. Ce lien indéfectible, qui est la marque de la modernité, permet notamment à Conrad d'établir, dans la préface de The Nigger of the Narcissus, la complémentarité des voies artistique et scientifique de la connaissance.
Dans l'usage commun, le terme d'expérience désigne, indifféremment, d'une part le savoir élaboré empiriquement à partir du passé, sous la forme de l'expérience acquise, et d'autre part le savoir tiré de l'expérimentation envisagée comme savoir à venir, produit par le biais d'une modélisation du réel. Mais ce terme sert également à cerner le savoir en devenir : ce qui, dans la constitution du savoir, relève de la singularité d'un être-au-monde inscrit dans un présent irréductiblement subjectif. Le concept d'expérience permet de cerner cette part subjective, et inséparable d'un avoir-lieu, pour en faire un objet échangeable. Ces trois aspects de la notion d'expérience présentent un fort dénominateur commun : la distance que suppose l'observation, le recul et la réflexivité de la conscience – une distance posée comme base de la connaissance. La constitution de la chose vécue en objet d'expérience apparaît comme le premier acte de libération vis-à-vis d'une tyrannie du « ressenti », de l'immanence du « vécu », pour en faire un objet d'observation, une chose objectivée, et donc échangeable, un bien à la fois individuel et collectif, un objet de savoir en chemin vers une forme d'universel. Le terme d'expérience est utilisé par le poète et par le physicien, l'historien et le romancier, le psychanalyste, le médecin et le sociologue, dans des acceptions propres à chaque mode de production du savoir, mais qui affirment une vocation et une ambition communes à toutes les disciplines artistiques et scientifiques.
Ce colloque sera l'occasion d'examiner comment l'histoire, la philosophie, la littérature et les arts ont exercé des formes de vigilance propres à l'égard de la notion d'expérience si centrale dans la conception moderne de la construction du savoir et de l'idéal de connaissance. Il se proposera d'explorer la façon dont les disciplines artistiques et scientifiques ont participé à son enrichissement jusqu'à s'interroger, comme le fait W. Benjamin, sur son devenir tel que le XXe siècle a pu le mettre en danger.
Les communications pourront porter sur tous les aspects évoqués dans cette présentation – qui se veut la plus large possible, afin de privilégier le dialogue entre les disciplines et le dynamisme de la confrontation. On pourra envisager l'aspect diachronique de la notion aussi bien que ses moments de crise ou de mutation ; la singularité de certains apports qui ont pu façonner cette notion, sans oublier ce que les théoriciens et philosophes ont apporté à notre conception de l'expérience en analysant l'activité de lecture et les ingrédients propres à la représentation théâtrale. On pourra aussi s'interroger sur ce que les média et le monde virtuel ont modifié dans notre approche de cette notion, en remettant parfois à l'honneur des notions aussi apparemment antinomiques de la notion d'expérience que « le ressenti » ou « le vécu », supprimant paradoxalement, par l'image, la distance constitutive de l'expérience et qui fonde ses liens avec le logos.
Le premier volet du colloque (juin 2010) était consacré aux travaux généraux sur la notion d'expérience. La deuxième session sera plutôt centrée sur le XXème siècle et les problèmes spécifiques liés à l'évolution du modernisme. Cependant ce cadre n'est pas limitatif et d'autres propositions pourront être prises en compte.
Les propositions devront être adressées aux quatre personnes suivantes avant le 1er décembre 2010 :
- Françoise Bort - francoise.bort@free.fr
- Wendy Ribeyrol – wendy.ribeyrol@neuf.fr
- Julien Amoretti – julien.amoretti@free.fr
- Laure de Nervaux-Gavoty – denervaux@u-pec.fr
CALL FOR PAPERS
« Experience » Conference, 17th and 18th June 2011
IMAGER-TIES (research group on English literature)
Université Paris-Est
When W. Benjamin announced in 1933 in one of his French writings entitled “Le Narrateur” that the “value of experience has fallen”, he highlighted one of the major challenges that the 20 th century posed for the human consciousness. He drew attention to the crisis facing an essential notion which is closely linked to the establishment and elaboration of knowledge as it was defined at the very beginning of modernity. The questioning of dogma and the passing from a body of certainties to a form of knowledge worked out from an observation of reality, place the experience of the subject at the centre of a process of acquiring knowledge. From Locke's An Essay Concerning Human Understanding to the writings of the phenomenologists, experience has constituted the meeting point between the subject of knowledge and its object. This unfailing link, which bears the very stamp of modernity, enabled Conrad in the preface to The Nigger of the Narcissus to establish the complementarity of the arts and the sciences in the acquisition of knowledge.
In common usage, the term ‘experience' designates, on the one hand, empirical knowledge compiled from past events in the form of acquired experience, and on the other, experimentation as a means of gaining future knowledge using reality as a model. But the word is also used to describe potential knowledge springing from the very fact of existence in a present which cannot be other than subjective. The concept of experience enables one to understand this subjectivity as an object of exchange. These three aspects of the notion have a strong common denominator, which is the distance imposed by observation, and this is the very basis of knowledge. The constitution of experience into an object of study seems to be the first step in freeing oneself from the tyranny of feelings and the immediacy of reality in order to create an object of observation and exchange, something at once individual and collective. The term is used by the poet and the physician, the historian and the novelist, the psychoanalyst, the doctor and the sociologist with meanings which are proper to each mode of production of knowledge, but which affirm a vocation and an ambition common to all artistic and scientific disciplines.
This conference will provide the opportunity to examine how historians, philosophers, writers and artists have studied the notion of experience which is essential to the modern conception of the construction of knowledge. It will explore the ways in which artistic and scientific disciplines have enriched the concept, going as far as to question, like W. Benjamin, its value and what it might become.
Papers could develop any of the aspects discussed in this presentation which has voluntarily been left as broad as possible, in order to foster a dynamic dialogue between the different disciplines. Participants may wish to discuss the diachronic aspect of the notion, or its moments of crisis and change; papers might also study the specific nature of certain contributions which have helped to fashion the notion; or indeed what theoreticians and philosophers have brought to our understanding of experience by analysing the activity of reading and theatrical representation. One might also question the role of the media and the virtual world and how they have modified our approach to the subject by giving preference to feelings and reality which appear to be totally opposed to the notion of experience as we understand it, and which paradoxically eliminate, by the use of images, the distance which constitutes experience and which creates links with the logos .
The first part of the conference (June 2010) was devoted to the general notion of experience. The second part of the conference will focus on 20th century literature and on the specific issues raised by the development of modernism. This framework is however by no means restrictive and proposals addressing other questions will also be welcome.
Abstracts should be sent before 1st December 2010 to:
- Françoise Bort - francoise.bort@free.fr
- Wendy Ribeyrol – wendy.ribeyrol@neuf.fr
- Julien Amoretti – julien.amoretti@free.fr
- Laure de Nervaux-Gavoty – denervaux@u-pec.fr