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L’expérience du vers en France à la Renaissance

L’expérience du vers en France à la Renaissance

Publié le par Matthieu Vernet

L’expérience du vers en France à la Renaissance

Journée d’étude organisée le jeudi 15 Mars 2012, par le Centre V.-L. Saulnier

Maison de la Recherche

28 rue Serpente,

75006 Paris, Salle 35

Organisateur : Jean-Charles Monferran

Oulipien, le XVIe siècle? Reconnaissons du moins qu’il constitue pour la France une période singulière en matière de versification. On lui doit une part non négligeable des termes qui nous servent encore aujourd’hui à désigner des faits métriques (césure, décasyllabe, diérèse, hémistiche, quatrain, strophe…), comme l’introduction du sonnet, de l’alternance des rimes, ou la « redécouverte » de l’alexandrin. Plus fondamentalement, on lui doit un grand nombre de débats, de réflexions et d’expérimentations de toutes sortes. Parmi d’autres, les poètes et les théoriciens cherchent ainsi à construire le partage entre vers et prose, à trouver les moyens pour la prosodie vernaculaire de conserver ou de restituer, par d’autres voies, les prestigieuses métriques anciennes. Ils cherchent encore à exploiter les possibilités expressives du vers et de la rime, adaptant ceux-ci, autant que faire se peut, au sujet ou au destinataire des poèmes par un processus mimétique qui veut que l’harmonie créée par les sons, les nombres et leurs rapports reproduise celle des objets du monde. Dans le prolongement de la lyrique médiévale et de son foisonnement, mais avec d’autres formes et d’autres cadres, le vers français à la Renaissance s’essaie alors tous azimuts. C’est de ce moment, parfois sous-estimé, d’expérimentation et d’effervescence autour des possibles du vers et de la prosodie vernaculaire, que nous voudrions rendre compte lors de cette journée. 

L’inventivité lexicale, pratique et théorique de la versification française à la Renaissance a bien sûr une histoire. A considérer la première moitié du siècle, on voit s’opérer un grand changement des modes d’expression : les genres poétiques évoluent et, avec eux, un type de poétique. Au retour et au refrain sont préférées les formes moins répétitives et plus aiguës favorisant la pointe et le surgissement d’un sens nouveau, à la saturation des mêmes rimes, particulièrement ornementées, succède une rime moins riche et qui revient de façon moins obsessionnelle. Quant au lexique métrique et au discours sur le vers, il évolue également de façon significative depuis les « arts de seconde rhétorique » jusqu’aux « arts poétiques », quand la poésie se tourne résolument du côté de l’Antiquité et de son imitation. Bien que menée contre l’art des « rimeurs » et des « versificateurs », la révolution poétique des années 1550 cherche néanmoins à trouver des éléments de prosodie capables d’illustrer la poésie vulgaire : c’est le temps des expériences les plus limites, des vers mesurés, des vers sans rimes, mais aussi de l’ode, de la strophe ou du sonnet — des odes, des strophes et des sonnets. A regarder maintenant à l’autre bout du siècle, on voit enfin venir Malherbe et d’autres, poètes et poéticiens, qui paraissent vouloir régler davantage les pratiques poétiques et, après des décennies d’expérimentations et de combinatoires diverses, passer à l’heure du bilan et du tri du grain et de l’ivraie.

La journée d’études devra également permettre d’interroger le schéma historiographique qui vient d’être retracé et qui fait allègrement passer de l’efflorescence quelque peu débridée de la Grande Rhétorique à la raison métrique du Classicisme. Ce schéma repose bien évidemment sur une série d’approximations et d’impensés : outre qu’il occulte les formes (et les lieux) de résistance à ce mouvement et refuse de prendre en compte des idiosyncrasies, il n’est pas exempt d’un discours idéologique, valorisant le fond sur la forme jugée exubérante, considérant aussi souvent la très grande contrainte formelle comme résolument contraire à la production du sens ou d’une parole libre et subjective.

Depuis au moins une dizaine d’années, un certain nombre d’études sur la versification française, portant de façon centrale ou non sur la Renaissance, ont vu le jour. Nous souhaiterions que cette journée, qui donnera lieu au trentième numéro des Cahiers Saulnier, puisse être l’occasion d’un rapport d’étape, d’un bilan raisonné des dernières recherches, encore parfois mal diffusées. Nous souhaiterions aussi qu’elle soit l’occasion de dessiner des pistes nouvelles et d’orienter de futures recherches sur l’histoire formelle de la littérature du XVIe siècle.

Matinée

9h  Frank Lestringant (Paris-Sorbonne) : Présentation de la journée

9h20-9h40 Véronique Dominguez (Nantes) : « La Rime mnémonique : une expérience dramatique du vers entre Moyen Age et Renaissance »

9h40-10h François Cornilliat (Rutgers University) : « Qu’est-ce qu’un vers pour Jean Bouchet? L’exemple du Temple de Bonne Renommée »

10h-10h20 Franck Bauer (Caen) : « Jeux de la forme et du sens dans trois poèmes de Marot »

Discussion. Pause

11h10-11h30 Emmanuel Buron (Rennes2) : « Les Vers rapportés comme indice d'une poétique »

11h30-11h50 Jean Vignes (Paris Diderot-Paris7) : « Jean-Antoine de Baïf,  inventeur de formes »

Après-midi

14h00-14h20 Olivier Bettens (Cossonay, Suisse) : « Octosyllabes et effets de rythme »

14h20-14h40 Olivier Halévy (Sorbonne nouvelle-Paris 3) : « Maladresse, liberté ou effet expressif ? Le statut de la discordance métrique autour de 1550 »

14h40-15h00 Vân Dung Le Flanchec (Paris-Sorbonne) : « A propos du nombre oratoire en français : quels substituts à l'accent syntagmatique dans le discours en vers à la Renaissance? »

Discussion. Pause

15h50-16h10 Benoît de Cornulier  (Nantes): « L'Emergence du système “classique” des strophes »

16h10-16h30 Nathalie Dauvois (Sorbonne nouvelle-Paris3) : « Vers courts et strophes lyriques: le laboratoire horacien des années 1550 »

16h30-16h50 Christelle Reggiani (Lille III) : « Albert-Marie Schmidt, poète oulipien : la poésie de la Renaissance et l'Oulipo »

Discussion

17h20 Jean-Charles Monferran (Paris-Sorbonne) : « En guise de conclusion »

La journée se terminera  par un pot