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L’altérité dans la littérature française et francophone (revue Literaport)

L’altérité dans la littérature française et francophone (revue Literaport)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Anna Ledwina)

L’altérité dans la littérature française et francophone

Appel pour le 7e numéro de la revue Literaport.

L’altérité dans la littérature se prête à un vaste champ de réflexion où les valeurs modernes et traditionnelles, objectives et subjectives, apparaissent de manière saisissante. Le regard sur soi − dans le sens du regard sur l’autre différent de soi − permet d’affirmer une identité tantôt intime, tantôt plurielle et complexe. Il semble donc intéressant de se pencher sur cette problématique en prenant en considération les enjeux de l’altérité.

À l’époque moderne, la question de l’Autre, entendu comme l’inconnu ou l’étranger, se laisse interpréter par les oppositions suivantes : supériorité/infériorité, humanité/animalité, civilisation/sauvagerie. Michel de Montaigne, dans le chapitre de ses fameux Essais intitulé « Des Cannibales », prône la reconnaissance de l’Autre et de sa différence. L’auteur nous conseille de « frotter et limer sa cervelle contre celle d’Autrui »[1], en mettant en valeur la diversité des modes de pensée et la richesse des différences. Les réponses à ces défis sont possibles à condition de comprendre que notre destin est inséparable de celui des autres et donc aussi du regard que nous portons sur eux et de la place que nous leur réservons.

L’instauration de l’inconscient dans la psychanalyse moderne constitue, semble-t-il, le point culminant de la découverte de l’Autre. Nous retrouvons ainsi l’immanence littéraire dans le psychisme, au titre d’épreuve de l’altérité[2]. Selon la dialectique de Jean-Paul Sartre, l’homme essaie de s’approprier autrui et sa liberté, d’en faire un objet. La conscience cherche à instrumentaliser autrui pour le fonder dans son être ou bien à neutraliser sa liberté pour qu’autrui devienne inoffensif. L’égalité des consciences n’est qu’une illusion. Dans la conception sartrienne, la présence d’autrui gêne. En outre, elle est une source de frustration :  « l’enfer, c’est les autres »[3]. Un tel état de choses résulte du fait que notre relation à l’Autre réside essentiellement dans la communication. Communiquer, d’après Mikhail Bakhtine[4], correspond à transmettre du sens par l’intermédiaire d’un dialogue qui se manifeste dans le jeu d’une inter-relation entre « Je » et  « Tu ». Afin d’approfondir cette idée, il vaut la peine de citer également Paul Ricœur, pour qui répondre à l’autre signifie répondre « pour » lui : « c’est en moi que le mouvement parti de l’autre achève sa trajectoire : l’autre me constitue comme responsable, c’est-à-dire capable de répondre »[5].

Autrui est à lui-même sa propre identité et sa propre altérité. On ne comprend donc pas autrui à l’avance mais en même temps que soi. Hans-Georg Gadamer l’exprime de la manière suivante : « Être ouvert à l’Autre implique que j’admette de laisser s’affirmer en moi quelque chose qui me soit contraire, même au cas où n’existerait pas d’adversaire qui soutienne cette chose contre moi »[6]. Toute la littérature n’est-elle pas, en définitive, une tentative de saisir l’autre, de le regarder, afin de l’approcher et de le découvrir ?

Les textes retenus par le Comité scientifique du volume seront publiés dans le courant de l’année académique 2019-2020.

Nous attendons les contributions pour le 29 février 2020.

Les articles sont à envoyer à l’adresse suivante : literaport@uni.opole.pl.

 

 

[1] M. de Montaigne, Essais, traduction en français moderne par A. Lanly, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2009, livre III, p. 9.

[2] Voir J. Kristeva, Étrangers à nous-mêmes, Paris, Folio, Gallimard, 1991, p. 284.

[3] J.-P. Sartre, Huis clos, Paris, Gallimard, 1947, p. 93.

[4] M. Bakhtine, La poétique de Dostoïevski, Paris, Seuil, 1970, p. 84, 344 ; idem, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, 1984, p. 296. Voir aussi M. Buber, Je et Tu, Paris, Aubier-Montaigne, 1996, p. 56.

[5] P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 388.

[6] H.-G. Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1976, p. 207.