
Compte rendu publié dans Acta fabula, dossier critique "(Trans-)historicité de la littérature" (décembre 2019, vol. 20, n° 10) : Jacob Lachat, "Ce qui reste du temps. Histoire et littérature".
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La griffe du temps. Ce que l'histoire peut dire de la littérature
JUDITH LYON-CAEN
Collection NRF Essais, Gallimard
Parution : 07-02-2019
304 p. — ISBN : 9782072826696
Aux devantures des librairies, on ne compte plus les ouvrages d’historiens réfléchissant gravement à leur rapport avec la littérature. Doivent-ils en faire une source de leur savoir, mais en contextualisant la fiction depuis leur surplomb, au risque de ne pas faire mieux que l’histoire littéraire et manquer ce que fait la littérature? Ou bien recourir à l’écriture de la fiction, quitte à s’installer prosaïquement dans l’entre-deux-genres d’une classique monographie?
Judith Lyon-Caen propose une aventure plus ambitieuse : à partir d’une nouvelle de Jules Barbey d’Aurevilly, «La vengeance d’une femme», l’historienne part de ce qu’est la littérature : une expérience d’être au monde, pour mesurer l’éclairage que sa discipline peut apporter à la mise en écriture romanesque.
Ainsi de ces myriades d’objets, de parures, de rues et boulevards ou de lieux parisiens dont la description a pour fonction d’attester la réalité du récit : l’historien décrypte ces traces du temps, que ce soit le temps de la rédaction ou celui de l’action du récit, en retrouve l’origine, réfléchit à la manière dont le romancier en a été affecté. Non pas pour réduire l’écriture romanesque à un ancrage dans une époque, mais, au contraire, pour éclairer comment une époque nourrit le sens d’une écriture.
L’historien en «herméneute» du matériau littéraire, en quelque sorte. Une invitation à apprendre à mieux lire ce qui fait la littérature et ce que fait un romancier.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"La littérature pense", par Pierre Benetti
Il n’est pas rare que les rapports entre la littérature et l’histoire donnent lieu à des débats en France. Après L’histoire est une littérature contemporaine d’Ivan Jablonka (Seuil, 2014), c’est le cas avec La griffe du temps. À partir d’une nouvelle de Barbey d’Aurevilly, Judith Lyon-Caen propose « une expérience de lecture historienne d’un texte littéraire » pour circonscrire « ce que l’histoire peut dire de la littérature ». Mais – encore une fois ! – tout se passe comme si la littérature avait besoin d’aide pour réfléchir. Fort heureusement, les textes littéraires sont assez grands pour penser par eux-mêmes, surtout quand il s’agit de penser le temps.
Et sur laviedesidees.fr :
"À l’imprimerie du temps", par Emmanuelle Loyer.
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Table des matières
Seuil
Introduction. Argument. Des rapports de l’histoire avec la littérature
L’effet-Rogron
Trace(s) : pour une micro-histoire du littéraire
Faire de l’histoire avec la littérature
Marqueurs mémoriels et traces indirectes
La Vengeance d’une Femme (texte intégral)
Chapitre I. Le trottoir insoumis : prostitution, histoire, littérature
Contextualisations
Contextes et culture
Exercice
Brouillages
Chapitre II. Couture littéraire
Sur un air de scandale
La littérature « en personne »
Opales arlequines
Reprises
Le cabinet des accessoires
Chapitre III. Griffes du temps
Savoirs du flâneur
Modes
Rêves d’esthète
Imageries, imagiers
Chapitre IV. « Madame Husson », l’impudeur d’un bronze
L’obscénité publique
Trottoirs — La montre des marchands — Images licencieuses
Culture érotique
Petits bronzes sensuels et indécents
Marbre vivant
Husson
Interlude. Détaillisme
Détails — objets du monde
Détails historiographes
Chapitre V. Les yeux d’or de la modernité
La « vie moderne » : Baudelaire et Constantin Guys
La maison Balzac 1 : le récit
La maison Balzac 2 : Paris
Littérature et histoire de l’expérience
Générations balzaciennes
Chapitre VI. La forme d’une ville
Archéologie balzacienne
Petite histoire d’un îlot parisien
La trace d’un effacement — une histoire spectrale de Paris
Chapitre VII. Fabrique du Passé
Procédés littéraires, dispositifs historiographiques, savoirs de la littérature
Châteaux en Espagne
Le fil du conte
Conclusion