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Imaginaire contemporain de la cathédrale (Arras et Caen)

Imaginaire contemporain de la cathédrale (Arras et Caen)

Publié le par Marc Escola (Source : Myriam White-Le Goff)

« Imaginaire contemporain de la cathédrale »
Deux colloques :
université d’Artois (Arras), les 12 et 13 mai 2022 et université de Caen, entre octobre et décembre 2022.

 

Le retentissement médiatique de l’incendie de Notre-Dame de Paris a révélé le poids imaginaire voire affectif de la cathédrale dans notre monde contemporain, par-delà la nature et la signification initiale de l’édifice. Cet événement a souligné combien la cathédrale appartient à l’histoire culturelle, au sens le plus large. L'incendie a réveillé la terreur médiévale du feu dévastateur et ravivé une crainte toujours latente : la cathédrale est vulnérable, elle n’est pas éternelle. Il a suscité des réactions violentes et contrastées : tour à tour l’édifice a été qualifié de « Tas de pierre, ruine, cœur du catholicisme français, haut lieu de la spiritualité chrétienne, monument des Parisiens, patrimoine artistique mondial, joyaux du gothique français, sanctuaire mémoriel, conservatoire de savoir-faire artisanaux mais encore nasse à touristes, machine à cash, dispositif de défiscalisation, faire-valoir des mécènes milliardaires, image de l’incurie… ». Des discours émus, apitoyés, blasés ou outrés en passant par les silences de la sidération ou de l’indifférence affichée… jusqu’au « J’m’en balek » d’une responsable syndicale.

ENJEUX MÉMORIELS

Le brasier a surtout convoqué Victor Hugo et Notre-Dame de Paris comme texte canonique de la mémoire littéraire de l’édifice. Si le roman d’Hugo a enflammé l’esprit des commentateurs ce jour-là, la référence à Viollet-Le-Duc a fait resurgir un Moyen Âge repensé par le XIXe siècle et par les Romantiques comme un tout cohérent dont la mémoire indirecte est tout aussi précieuse et significative que le souvenir de l’édifice originel. L'imaginaire moderne de la cathédrale a fait l’objet de travaux récents (Georges Roque dir., 2012) pour savoir : « comment l'imaginaire de la cathédrale s'est transformé à la fin du XIXe siècle et comment en il en est venu à rejoindre les aspirations de la modernité en art ? ». (Travaux du Centre de recherches sur les arts et le langage, CNRS-EHESS, 2006). Les travaux de Joëlle Prungnaud et de Stephanie Glaser expriment le retentissement de cet imaginaire. La question se pose de savoir si les tournants majeurs et les ruptures qui caractérisent la période allant de la seconde partie du XXe siècle au début du XXIe imposent de nouveaux enjeux épistémologiques.

ENJEUX SOCIAUX CULTURELS

L’événement a ouvert un débat sociétal sur les enjeux de la future reconstruction du monument et suscité des interrogations nouvelles sur la cathédrale de Paris et plus généralement sur les cathédrales. Il invite à penser/repenser la place de la cathédrale dans l’espace urbain citadin, national et international, la nature même du lieu et les enjeux de sa représentation. L’étymologie est une première source de réflexion. En italien on parle de chiesa cattedrale (église cathédrale), l’adjectif pointe alors essentiellement la fonction : la chaire étant le lieu d’expression d’une autorité. Le débat questionne aussi le statut du « visiteur » : pèlerin, fidèle, touriste, curieux, amateur, spécialiste et même spectateur – quand la cathédrale devient un lieu de spectacles et d’expositions. La question du consumérisme et de la rentabilité confronte le chercheur à celle du rapport entre sacré et profane. Gilles Clément dans son Manifeste du Tiers paysage appelle à préserver les lieux sacrés comme « lieux d’errements de l’esprit ».

ENJEUX ESTHÉTIQUES ET ÉTHIQUES

La combustion lente mais inexorable de la « forêt » partie en fumée a frappé les esprits : « la forêt » étant le surnom donné à la charpente vieille de huit siècles, « enchevêtrement de poutres en bois de chêne, chacune taillée dans un arbre différent ». En outre les spectateurs, directs ou indirects, ont assisté dans le monde entier à l’effondrement de la « flèche » élément symbolique de l’édifice et au sauvetage du « coq, dit paratonnerre spirituel ». Flammes, fumée, bois, forêt, flèche, coq : c’est un imaginaire végétal, animal, sauvage et élémentaire qui a ainsi été convoqué. (Bertrand de Feydeau, vice-président de la Fondation du patrimoine rappelle que cette « forêt » était faite « d’arbres qui constituaient ce qu’on appelle la forêt primaire » aujourd’hui disparue). À l’heure où la forêt primaire amazonienne est en flammes, la disparition de la forêt cathédrale prend un sens particulier et fait naître un imaginaire radicalement nouveau : il convoque le temps long de la croissance de l’arbre et celui de l’ouvrage d’art médiéval, le geste lent, répétitif et inspiré de l’artisan ; il convoque l’imaginaire du feu et de la selva intimement lié à l’histoire des cathédrales, il convie une mémoire fantastique plus ancienne que la cathédrale elle-même mais en rapport étroit avec la forme spécifique des cathédrales.

Le projet se propose de confronter la cathédrale, au sens large, à la « postmodernité » et à son « actualité », dans les pays de cultures romanes (sans s’interdire des points de comparaison extérieurs). Il s’agit d’étudier les multiples variations, reprises, recréations voire les détournements dont elle fait l’objet pour interroger son statut, sa fonction, réelle et symbolique, à partir de la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à nos jours, afin de cerner, comprendre, restituer les enjeux culturels contemporains liés aux imaginaires de la cathédrale selon une approche croisée.

On cherchera par là à analyser le ou les « imaginaire(s) contemporain(s) de la cathédrale ».

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Les travaux se déroulent en deux moments, lors de deux colloques :

Le premier colloque se tiendra à l’université d’Artois (Arras), les 12 et 13 mai 2022.

Ce premier volet s’intéressera aux « Contextes et Approches ».

Il proposera un état des recherches concernant la cathédrale, en particulier entre le XIXe siècle et le XXe, en mettant notamment en avant ses enjeux mémoriels suivant les contextes géographiques, sociologiques ou religieux où elle se place. La cathédrale à la fois fait mémoire et est un motif de la modernité. On s’interrogera sur l’évolution de sa place, de son statut et de sa fonction aujourd’hui, par rapport au passé.

Le second colloque se tiendra à l’université de Caen, entre octobre et décembre 2022.

Ce second volet s’intéressera aux « Conceptions et Images ».

On y examinera les questions d’esthétique, à propos des représentations ou des images de la cathédrale au fil du temps, y compris dans leurs dimensions symboliques ou spirituelles.

Le projet s’inscrit conjointement dans les travaux des centres de recherches « Textes et Cultures » (« Translittéraires ») d’Arras du LASLAR (« Actualité de l’Ancien ») de Caen. Dans cette mesure, nous encourageons une approche fortement pluridisciplinaire et interdisciplinaire, en attendant des propositions dans des champs disciplinaires diversifiés : littérature, arts plastiques et visuels, arts du spectacle en particulier cinéma, architecture, sociologie, histoire culturelle, histoire des arts, esthétique…

Les rencontres feront l’objet d’une publication (Actes des colloques).

Les langues acceptées sont le français, le portugais, l’espagnol et l’italien.

Envoyez vos propositions de 1000 caractères au maximum, avant le 5 octobre 2021, à Brigitte Poitrenaud-Lamesi, brigitte.poitrenaud-lamesi@unicaen.fr et Myriam White-Le Goff, myriam.whitelegoff@univ-artois.fr.