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Filmer le quotidien (Paris 1)

Filmer le quotidien (Paris 1)

Publié le par Marc Escola (Source : Sarah Leperchey)

FILMER LE QUOTIDIEN

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

8-9 décembre 2017

Centre Saint-Charles

47 rue des Bergers

75015 - Paris

Le colloque international « Filmer le quotidien » est organisé avec le concours de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, de l’institut ACTE (UMR 8218) et de l’école doctorale Arts Plastiques, Esthétique et Sciences de l’Art de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

 

Au cours des trente dernières années, l’exploration de la vie quotidienne a donné lieu à une production artistique et littéraire foisonnante. Dans le domaine des études cinématographiques, on trouve peu de travaux consacrés à cette question. Pourtant, à l’évidence, le cinéma peut fournir des réponses précieuses à qui se demande comment est-ce que les gens vivent. Les gestes et les objets, les façons de parler, les vêtements, l’aspect des rues, des magasins et des cafés : tout cela, le cinéma s’en saisit, le capte et l’enregistre – au point d’avoir une influence déterminante sur nos façons de vivre. Face à un champ d’étude très vaste, la visée de ce colloque est de lancer la réflexion en se consacrant, dans un premier temps, à des enjeux esthétiques.

Pour définir le quotidien, on peut partir d’un contenu objectif, lié à des activités journalières (prendre ses repas, faire les courses, prendre les transports), ou à des choix et des habitudes (à des modes de vie). On peut aussi penser le quotidien comme une forme d’expérience – l’immersion dans un univers familier qui, justement parce qu’il est familier, n’est plus vraiment perçu. Dans cette perspective, le quotidien peut devenir un terrain d’enquête – il peut devenir l’objet de pratiques, notamment de pratiques artistiques. Pour les surréalistes, la recherche de la « vraie vie » passait par l’exploration de l’existence ordinaire, marquée par « une volonté d’approfondissement du réel, de prise de conscience toujours plus nette en même temps que toujours plus passionnée du monde sensible » (André Breton). Comment donner à voir ? Comment faire percevoir ce qui, d’ordinaire, n’est plus perçu ? Le problème de l’attention est central dans la pensée du quotidien. De ce point de vue, le sujet s’avère d’emblée propice à un questionnement esthétique.

L’enjeu de ce colloque sera d’interroger ce que le cinéma invente à partir du mode d’expérience singulier qui s’attache à la vie quotidienne. Cette visée fait surgir trois problèmes. Tout d’abord, on peut se demander dans quelle mesure les films se sont emparés de la question du quotidien. Quelles sont les œuvres qui lui ont accordé une place centrale ? Il faut aussi déterminer si le cinéma propose un traitement particulier de la question du quotidien. On analysera ainsi la façon dont les formes filmiques permettent d’explorer la dimension la plus ordinaire et la plus insaisissable de notre existence. En troisième lieu, pour cerner les enjeux esthétiques de la représentation du quotidien, on doit s’interroger sur le « matériau » que constitue la vie ordinaire (« matériau » envisagé du point de vue de la création artistique), et sur la façon dont les films nous amènent à penser le quotidien.

 

PROGRAMME :

VENDREDI 8 DÉCEMBRE

9h-9h30, salle 251

Accueil des participants

9h30-12h45, salle 250 – Questions de méthode

Modération : Sarah Leperchey

 

Dominique CHATEAU

(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Le rythme du quotidien

Comment représenter dans un film le quotidien au sens propre de ce qu’on fait chaque jour ? Deux aspects se combinent dans cette définition : l’acte banal et la répétition (comme dans la toilette ou la promenade quotidiennes). Dans cette perspective, on se demandera, 1°) si le cinéma dispose d’une possibilité de mode itératif, 2°) si, en dehors des artifices sonores, vocaux, la «  présentification » filmique n’a pas tendance à transformer la représentation du quotidien en événement (au sens de ce qui a lieu ici et maintenant, abstraction faite de toute répétition).

 

Frédérique BERTHET

(Université Paris Diderot)

Filmer le quotidien

Retenir le fil des jours, marquer un possible retour

Filmer la vie au ras du quotidien serait choisir une échelle temporelle précise – ce qu’une journée peut embrasser, et répéter – qui contiendrait le matériel à prélever. Cela implique une série de partis pris, en autant de points de départs créatifs. Et en particulier celui-ci : peut-on (et si oui, comment) mettre en scène le quotidien sans filmer au jour le jour?

11h-11h15, salle 251

Café

 

Marion FROGER

(Université de Montréal)

Réflexion sur le cinéma comme « terrain » d’enquête sur l’expérience quotidienne

« On ne voit pas le temps passer » (Jean Ferrat, chanson originale, La vieille Dame indigne, René Allio, 1966). Qu’est-ce qu’« on ne voit pas passer » (Jean Ferrat), mais que l’on sait avoir vécu et que le cinéma retiendrait ? Si la sociologie, l’histoire et l’anthropologie ont réussi à objectiver et retracer la vie quotidienne grâce à la pollinisation réciproque de leurs méthodes et concepts, qu’apporterait leur rencontre avec l’enquête cinématographique ? Nous nous proposons d’aborder cette question à partir de La vieille dame indigne (Allio, 1966), en nous préoccupant de la manière dont le cinéma nous permet d’appréhender le « liant invisible » (Isaac Joseph) de la socialité.

 

Ivone MARGULIES

(City University of New York)

In person reenactment and the replayed routine

In person reenactment is a privileged mode of re-presenting everydayness but also of foregrounding its temporal indeterminacy. The autonomous, retroactive temporality of reenactment complicates film’s affinity for registering the linear flux of time, for following the “person to whom nothing happens.” I look at reenacted routines in sports biopics, neorealist shorts and the allegorical Serras da Desordem (Andrea Tonacci, 2007) to understand the multiple orders of repetition—aesthetic, ritual, routine–mobilized by a person replaying her own life on camera.

12h45-14h30

Déjeuner

 

14h30-17h45, salle 250 – Expériences documentaires

Modération : Dominique Chateau

 

Robin HOPQUIN

(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

La ruralité au quotidien : l'espace vécu dans Profils Paysans

Longtemps réduite à une imagerie stéréotypée, la représentation de la ruralité se trouve aujourd'hui revitalisée. Cette communication s'attachera à comprendre le dispositif mis en place dans la trilogie Profils Paysans de Raymond Depardon (sans doute la plus emblématique de ces dernières années) pour filmer le quotidien. La réflexion s'organisera autour de la notion d'espace vécu.

 

Mariam EL AJRAOUI

(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Vers une habitation poétique

Une étude de Ces mains-là de Hakim Belabbès

et de Carnet de notes sur vêtements et villes de Wim Wenders

Les artisans de la petite ville marocaine de Bejaâd et le très fameux styliste japonais Yohji Yamamoto cherchent, chacun à travers son métier et son rapport au quotidien, une certaine façon d'habiter le monde. Les deux documentaires captent cet être-au-monde particulier et, tout en relevant des points communs entre la pratique cinématographique et les métiers de leurs personnages, posent la question suivante : le cinéma peut-il permettre une habitation poétique du monde ?

 

16h-16h15, salle 251

Café

 

France BONNET

(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Mise en récit du quotidien familial dans le documentaire contemporain

Quelle est la place donnée par les cinéastes au quotidien dans les documentaires dont le sujet principal est la famille ? En quoi cela sert-il l’esthétique de leurs films et l’adhésion du spectateur ? Nous mènerons cette réflexion à travers une étude des films Time indefinite (Ross Mc Alwee, 1993), Petites conversations familiales (Hélène Lapiower, 2000), Le filmeur (Alain Cavalier, 2011), Homeland : Irak année zéro (Abbas Fadhel, 2015) et Pauline s'arrache (Emilie Brisavoine, 2015).

 

Steven JACOBS

(Universiteit Gent)

Siegfried Kracauer, the Everyday, and the City Symphony

Focusing on the everyday spaces of the modern metropolis rather than on its tourist monuments, city symphonies of the 1920s and 1930s demonstrate that the everyday offers possibilities for the exploration of the spectacular and the uncanny. This paper discusses the role of the everyday in city symphonies, linking it with Kracauer’s meditations on the contingent, surface culture, and distraction.

 

SAMEDI 9 DÉCEMBRE

9h-9h30, salle 251

Accueil des participants

 

9h30-12h45, salle 250 – Formes sensibles et temporelles

Modération : José Moure

 

Teresa FAUCON

(Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle)

L’Econome et la Pelure

L’Econome met les gestes de la ménagère sous le regard de l’intendance, sous-tend une économie de temps et un minimum de pertes. Rarement filmées au cinéma, la corvée d’épluchure (les pommes de terre dans Jeanne Dielman, Femmes Femmes, réduite à une seule dans Eux et moi) autant que la méditation du ruban (la pomme de Printemps tardif) mérite que l’on s’attarde à ces scènes où le temps du quotidien prend une autre consistance.

 

Sarah LEPERCHEY

(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Muriel ou le temps d’un retour : la banalité et l’effroi

Autour d’une trame narrative assez lâche, Muriel ou le temps d’un retour (Resnais, 1963) nous présente des fragments de vie quotidienne. De façon surprenante, dans ce film consacré à la guerre d’Algérie, toute l’action se déroule à Boulogne-sur-Mer. Les personnages, eux, semblent simplement occupés à mener leur existence, affairés à des choses souvent très banales. En analysant la façon dont le film travaille ce matériau, on tentera de comprendre pourquoi Alain Resnais et Jean Cayrol – le scénariste du film – ont choisi, pour donner corps au conflit algérien, de privilégier ce niveau d’expérience bien spécifique que constitue le quotidien. 

 

11h-11h15, salle 251

Café

 

Fanny CARDIN

(Université Paris Diderot)

Figurer la cruauté du quotidien

L'écriture du réel dans le cinéma de Maurice Pialat

Dans L’Enfance nue (1967) et Passe ton bac d’abord (1974), Maurice Pialat filme la vie quotidienne sans relief d’enfants et d’adolescents, dans leur milieu ouvrier du Nord de la France. Ces deux films jouent avec les limites du récit de fiction, en proposant une approche du réel qui rappelle l’ethnographie et le documentaire. Quels choix esthétiques opère Maurice Pialat pour figurer ce matériau ? Et comment le réalisateur parvient-il à rendre compte de la spécificité d’une quotidienneté propre à un milieu précis ? Nous interrogerons la cruauté de l’écriture du quotidien – à la fois esthétique, sociologique et ontologique –, pour envisager une possible éthique de l’écriture du quotidien au cinéma, de par son engagement en faveur du réel.

 

Corinne MAURY

(Université Toulouse Jean Jaurès)

Le quotidien chez Chantal Akerman

De la claustration à l'affrontement

Dans l’œuvre filmée de Chantal Akerman, l’appartement s’affirme comme une niche repliée où se révèlent aussi bien les puissances cloîtrées du quotidien que ses travers aliénants. Dès ses premiers films, la cinéaste n’a cessé de dessiner des figures de l’enfermement où se dévoilent, avec une clarté tenace, ses relations complexes avec les devoirs du quotidien, son amour vertigineux pour sa mère, ses interrogations douloureuses quant à l’exil et l’emprise de la maladie. On analysera dans cette communication la critique indirectement politique de la vie quotidienne que compose Chantal Akerman dans son œuvre filmée : au travers de nombreux mouvements d’enfermements cinématographiques qui voient la caméra être claustrée de manière réitérée au sein de multiples intérieurs, elle exprime avec ses mots, avec son corps ou ceux des autres, le temps quotidien qui pèse et qui vide, ainsi que les manières d’« être à l’espace » emmuré, de s’y engouffrer, de s’y essouffler ou de s’y ranimer…

12h45-14h

Déjeuner

 

14h-17h15, salle 250 – Enjeux sociaux et politiques

Modération : Marion Froger

 

Antony FIANT

(Université Rennes 2)

Wang Bing ou l'art de filmer le quotidien des dépossédés

Il s'agira d'observer la manière dont Wang Bing restitue le quotidien des laissés-pour-compte de la croissance économique exponentielle de la Chine - celui d'ouvriers (À l'ouest des rails), de paysans (Les trois soeurs du Yunnan), d'internés d'un asile psychiatrique (À la folie) ou encore de réfugiés (Ta'ang) - et ce grâce à une pratique immersive, à un geste d'accompagnement obstiné, à des choix de montage travaillant la durée.

 

Thierry ROCHE

(Aix-Marseille Université)

Le quotidien dans les « symphonies urbaines »

À la fin des années 1920 et jusqu’au début des années 1930, une série de films a été réalisée  mettant en scène la journée d’une grande ville, des « symphonies urbaines » comme on les a appelées. Mettre en image une journée ordinaire d’une grande ville revient à la lettre à filmer le quotidien. Cependant, l’analyse de ces films laisse à penser que l’idéologie prend le plus souvent le pas sur la description de ce qui serait l’observation et la restitution par l’image d’une journée ordinaire.

 

15h30-15h45, salle 251

Café

 

Benoît RIVIÈRE

(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Trouver l’épanouissement dans le quotidien

Les comédies hollywoodiennes contemporaines toujours à la recherche du bonheur

Selon une proposition de Stanley Cavell, les comédies du remariage des années 1930 et 1940 remontent « aux racines du comique dans le quotidien » ; il s’agira de voir en quoi certaines comédies hollywoodiennes contemporaines reprennent ce postulat dans une formulation esthétique qui leur est propre.

 

Will STRAW

(Mc Gill University)

Foules et scènes dans le cinéma américain post-classique

Cette présentation traitera du concept sociologique de « scène », qui sert à nommer une effervescence sociale qui se manifeste souvent dans l’arrière-fond des séquences cinématographiques. À quel point, dans la représentation cinématographique des textures sociales, une foule devient-elle une scène ?  Si une scène présume les liens informels et souvent invisibles de la sociabilité, comment, dans le cinéma américain des trente dernières années, la scène trouve-t-elle visualisée ?

 

17h15-19h15, cafeteria

Cocktail.