Essai
Nouvelle parution
F. Waquet, Les enfants de Socrate - Filiation intellectuelle et transmission du savoir XVIIe-XXIe siècle.

F. Waquet, Les enfants de Socrate - Filiation intellectuelle et transmission du savoir XVIIe-XXIe siècle.

Publié le par Marc Escola

Les enfants de Socrate - Filiation intellectuelle et transmission du savoir XVIIe-XXIe siècle
Françoise Waquet


Paru le : 03/09/2008
Editeur : Albin Michel
Collection : Bibliotheque histoire

EAN : 9782226187000
Nb. de pages : 325 pages
Poids : 455 g

Prix éditeur : 22,00€


Maître et disciple.
Ces mots gardent-ils encore un sens aujourd'hui, alors que des bouleversements nombreux ont modifié l'économie traditionnelle des connaissances et affecté bien des croyances qui ont longtemps fondé la civilisation occidentale ? Un libre parcours entre le XVIIe siècle et nos jours révèle, au fil des récits, des rituels et des pratiques, la profondeur de sens que ces mots simples contiennent. Des exemples pris dans des champs disciplinaires multiples restituent la variété des figures magistrales qui ont leurs archétypes dans Socrate et l'image du père.
Ils traduisent la diversité et la complexité d'une relation fondée sur le pouvoir et l'affection, dévoilant "un lien d'âme", quand ce n'est pas une filiation. Cette relation de personne à personne apparaît, dans le contraste avec les institutions et les livres, comme le mode par excellence de la transmission du vrai savoir : celui qui passe en écoutant le maître parler et en le voyant travailler ; celui qui ne se paie pas, mais qui se donne.
Une relation ambivalente qui peut figer les connaissances en orthodoxie et produire des clones ou, au contraire, liant pour le meilleur la tradition et l'originalité, engendrer de nouveaux maîtres qui continuent la longue chaîne du savoir.

L'auteur:

Directrice de recherche au CNRS, Françoise Waquet est notamment l'auteur de Le Latin ou l'empire d'un signe, 1998 (prix Augustin Thierry, Blois, 1999) et Parler comme un livre, 2003.

Sommaire:

MAITRES ET DISCIPLES : UNE RELATION INTELLECTUELLE
Parcours dans un milieu intellectuel
Anatomie d'une relation
MAITRES ET DISCIPLES : UN LIEN SOCIAL
Une logique de la domination
"Un lien d'âme"
Filiation
MAITRES ET DISCIPLES : UNE ECONOMIE DU SAVOIR
Transmettre le savoir
Produire ou reproduire
MAITRES ET DISCIPLES : DANS LE MONDE CONTEMPORAINS
Autres enjeux, autres acteurs

*  *  *

Dans Libération du 25/9/8, on pouvait lire un article sur cet ouvrage:

Le disciple et la voie de son maître

Filiation. Françoise Waquet remonte cinq siècles de transmission du savoir. CATHERINE HALPERN QUOTIDIEN : jeudi 25 septembre 2008

Françoise Waquet Les Enfants de Socrate. Filiation intellectuelle et transmission du savoir XVIIe-XXIe siècle Albin Michel, 325 pp., 22 euros.

"Longtemps l'histoire des idées a minorél'importance de la relation personnelle unissant le maître et ledisciple. Elle ne l'a souvent abordée qu'à sa marge pour préférerl'étude plus désincarnée des institutions ou du cheminement desconcepts et des doctrines. A tort pour Françoise Waquet qui, dans les Enfants de Socrate,montre son rôle dans la transmission du savoir et la marque qu'elle luiimprime. Certes, elle n'est pas la première à s'y intéresser. Mais elleentend le faire en historienne.

Coach. A George Steiner, elle reproche d'avoir été trop obnubilépar une lecture érotique de cette relation et de n'avoir procédé dans Maîtres et Disciplesqu'à un survol à la méthodologie douteuse, couvrant pas moins devingt-cinq siècles, embrassant un ensemble bien hétéroclite, de Socrateau coach de football américain en passant par Confucius. FrançoiseWaquet restreint son enquête à l'époque de la science moderne, du XVIIe siècleà nos jours, se limitant au monde occidental parce qu'il partage lamême économie du savoir. Elle ne s'en tient pas à la philosophie et auxhumanités, elle fait aussi la part belle à la physique, à la médecineou à la chimie. Elle passe au crible les correspondances et lesbiographies intellectuelles, mais elle traque aussi les dédicaces deslivres, les remerciements, les préfaces, les «Mélanges» offerts aumaître, les allocutions commémoratives, les leçons inaugurales, lesdiscours composés à l'occasion des anniversaires et des jubilés, leslettres de recommandation. Le savoir ne se transmet pas seulement ex cathedra,loin s'en faut. Il montre son nez sur le chemin quand, pratique sicommune, le disciple raccompagne son maître à son domicile, il se livreen petits comités dans des séminaires restreints, autour d'une tasse dethé ou dans la proximité du laboratoire…

La relation maître-disciple a sa part d'ombre et de lumière. Et l'onhésite aujourd'hui à utiliser ces termes. Ah, les vilains mots quisemblent dire l'autorité et la soumission, la duplication et le refusde l'innovation mais aussi l'exclusion et les basses manoeuvres. GeorgesDumézil, à quelqu'un qui s'étonnait qu'il n'ait pas de disciples,rétorquait : «Je ne veux pas en avoir. Je me rappelle sans plaisirde quel ton un maître que j'ai bien connu laissait tomber sa sentence :"Il n'est pas des nôtres."»

Lien d'âme. Il y a quelque chose de dérangeant dans lefavoritisme qui conduit un enseignant à poser son dévolu sur un ouplusieurs de ses élèves, à leur réserver ses faveurs, ses conseilséclairés, ses tours de main, son attention. Le maître souvent ne secontente pas de transmettre un savoir, il introduit, favorise, placeses poulains. Comme Pierre Bourdieu l'a montré dans Homo academicus,le monde universitaire est un champ de bataille où patrons de thèses,barons et mandarins luttent pour le pouvoir. Le disciple lui aussichoisit son maître, préférant parfois l'homme de pouvoir qui sera utileà sa carrière. Si l'histoire ne compte pas tous ceux qu'un maîtreautoritaire et dogmatique a réduits à la stérilité, elle n'oublie pasqu'il y eut aussi des disciples flagorneurs ou infidèles. A s'en tenirà cette analyse désabusée, on manquerait toutefois la richesse et lagénérosité au coeur d'une relation qui est aussi un «lien d'âme» et quedisent les remerciements émouvants et la métaphore maintes foisutilisée du père et du fils. Dans un élan généreux, elle sait aussiproduire de longues chaînes de savoirs et de fructueuses filiationsintellectuelles.

Est-ce la fin d'un monde ? Il est encore tôt pour le dire. Mais lamontée en puissance de l'informatique, l'éclatement et laspécialisation des savoirs, l'explosion des effectifs dansl'enseignement, la crise de l'autorité et peut-être la féminisation del'enseignement pourraient bien sonner le glas d'une relation certesambivalente mais cardinale dans la transmission des connaissances."