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Écrire la rencontre : amitiés, liens et réparation (revue Fémur, n° 4) 

Écrire la rencontre : amitiés, liens et réparation (revue Fémur, n° 4)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Revue Fémur)

Écrire la rencontre : amitiés, liens et réparation

Appel à contrubutions pour la revue Fémur, n° 4

 

À l’heure des déchirements, des incertitudes et des deuils, alors que nos communautés éclatent et que nos contacts sociaux se virtualisent, que peut l’amitié ? Si les mots sont à même de nous blesser et de nous diviser, l’écriture peut-elle aussi se faire un espace de dialogue où penser la réconciliation, comme le veulent Natasha Kanapé Fontaine et Deni Ellis Béchard dans Kuei, je te salue ? La littérature peut-elle exposer le trauma et amorcer une réparation, comme le proposent Martine Delvaux et la centaine de femmes qui mêlent leurs voix à la sienne dans le recueil Je n’en ai jamais parlé à personne ? Pour son quatrième numéro, la revue Fémur invite à envisager la littérature, l’écriture et la création comme des espaces de rencontre, au sein desquels peuvent se tisser liens et amitiés. 

Les représentations de la rencontre que nous donne à voir la littérature viennent mettre en lumière la complexité et la pluralité des relations qui structurent l’expérience humaine. Les amitiés, telles que racontées dans les œuvres littéraires, sont tantôt tendres, bienveillantes et sincères – c’est le cas de la communauté de voisinage étonnante de Va savoir de Réjean Ducharme –, tantôt déçues ou trahies – pensons à L’ami qui ne m’a pas sauvé la vie d’Hervé Guibert. Lorsqu’elle est fusionnelle, l’amitié peut se faire ambiguë – songeons au couple épique que forment dans la célèbre chanson de geste les chevaliers Olivier et Roland, incomplets l’un sans l’autre et unis jusque dans la mort. Elle peut s’avérer réparatrice, comme dans Les filles bleues de l’été de Mikella Nicol, mais aussi explosive, comme dans Baise-moi de Virginie Despentes. Car les rencontres sont aussi des chocs, à travers lesquels le « soi » se heurte à l’« autre ». Expériences partagées, les relations d’amitié appellent ainsi à repenser la place du sujet et le vivre-ensemble, en valorisant d’abord le rapport à autrui, dans la lignée de l’éthique du care, pensée qui affirme l’importance des enjeux relationnels et des soins portés aux autres. 

Interroger le rapport entre écriture et amitié, c’est aussi s’intéresser aux liens unissant nombre d’artistes et de penseur·e·s, de même qu’aux réseaux de sociabilité ayant façonné le champ littéraire. Si les échanges et dialogues entre écrivain·e·s contribuent au processus de légitimation et de publication des œuvres, les relations d’amitié imprègnent aussi l’écriture même des textes. Quelle influence la célèbre amitié entre La Rochefoucauld et Madame de Lafayette a-t-elle eue sur l’écriture de La princesse de Clèves ? Que lirait-on d’Émile Nelligan sans le soutien de son ami Louis Dantin ? Véritables mythes, ces relations d’amitié et de mentorat participent de la construction des figures d’écrivain·e·s, tout en nous invitant à réfléchir à des processus de création qui ne soient pas solitaires, car pensés avec l’autre.

La littérature se fait à la fois le véhicule et le réceptacle de l’amitié en train de s’écrire. Ainsi, l’affection de Madame de Sévigné pour sa fille affleure dans une pratique épistolaire exceptionnelle, étalée sur un quart de siècle. Ce sont aussi de précieux échanges sur la création que nous donne à lire la correspondance entre écrivain·e·s, que l’on songe à la conversation scripturaire entre George Sand et Balzac ou entre Flaubert et Louise Colet, ou encore aux Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. L’effervescence de la rencontre artistique et littéraire s’incarne également dans l’écriture à quatre mains, dont les surréalistes nous offrent des exemples éclatants. Enfin, de manière plus discrète, le texte d’accompagnement – préface, exergue, chronique – témoigne aussi de liens d’affection ou d’admiration. En littérature, l’amitié enjambe parfois les siècles, les frontières et les langues. Par le travail de la citation, du collage ou de l’hommage naissent des communautés de papier et des filiations littéraires, dont l’écriture au féminin foisonne particulièrement.

Cet appel de textes invite donc à réfléchir aux différentes formes que peut prendre la rencontre en littérature.

Nous proposons plusieurs axes (non exhaustifs) de réflexion :

-      Les représentations fictionnelles de l’amitié et du sentiment de communauté ;

-      L’éthique et les imaginaires du care, ou le soin dans la littérature ;

-      L’envers de la rencontre : la représentation des déchirements, des trahisons, du rejet, de l’exclusion ;

-      La rencontre des imaginaires culturels dans les œuvres et dans la pensée ;

-      Une littérature réparatrice, pour reconstruire, aller à la rencontre de l’autre ;

-      Les liens entre amitié et enseignement, entre partage et dynamiques de pouvoir ;

-      Le rôle des sociétés d’ami·e·s des écrivain·e·s (publications posthumes, travaux, etc.) ;

-      Les lieux de de sociabilité littéraires : les salons littéraires, les revues, les journaux, les cercles de lecture, etc. ;

-      Le mentorat, les alliances littéraires, les échanges sur la création ;

-      Les correspondances d’écrivain·e·s ;

-      L’écriture à quatre mains ou l’écriture collective ;

-      Les collaborations interdisciplinaires entre artistes ;

-      Le texte d’accompagnement : préface, exergue, chronique, etc. ;

-      Les amitiés littéraires, les communautés de papier, les filiations, etc.

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Fémur accueille les articles portant sur des œuvres de toutes les époques, et de tous les genres littéraires. Elle est également ouverte aux réflexions abordant différentes disciplines (cinéma, arts visuels, philosophie, etc.). Les auteur·rice·s doivent être des étudiant·e·s universitaires (tous cycles et toutes universités confondus).

La revue publie plusieurs types de textes : des articles scientifiques (de 3000 à 6000 mots), des essais (de 2000 à 4000 mots) et des comptes rendus critiques (d’au plus 2000 mots). 

Dans le cadre de ses dossiers thématiques, la revue reçoit des propositions d’articles scientifiques, d’essais ou de comptes rendus, et non des textes complets. Les propositions d’articles et d’essais comptent entre 500 et 700 mots et doivent être accompagnées d’une bibliographie sommaire, alors que les propositions de comptes rendus sont d’environ 200 mots. Le comité scientifique de la revue évalue les propositions pour retenir celles qui répondent à ses critères. Les auteur·rice·s des propositions retenues sont alors invité·e·s à soumettre leur texte complet.

Les propositions doivent être envoyées à l’adresse revue.femur@gmail.com. Les textes complets seront à rendre pour la mi-août 2021. 

Date limite de soumission des propositions : 7 avril 2021. 

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Direction du dossier : Camille Anctil-Raymond et Rachel LaRoche

Coordination : Stéphanie Guité-Verret et Rachel LaRoche

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Bibliographie

Audet, Élaine. Le cœur pensant. Courtepointe de l’amitié entre femmes, Montréal, Le Loup de Gouttière, 2000. 

Barthes, Roland, Comment vivre ensemble, Paris, Seuil / IMEC, 2002.

Blanchot, Maurice, La communauté inavouable, Paris, Minuit, 1983.

Blanchot, Maurice, L’Amitié, Paris, Gallimard, 1971.

Clement, Grace, Care, Autonomy, And Justice: Feminism And The Ethic Of Care, New York, Avalon Publishing, 1996.

Delvaux, Martine, Le boys club, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2019.

Derrida, Jacques, Politiques de l'amitié, Paris, Galilée, 1994.

Gefen, Alexandre, Réparer le monde : la littérature française face au XXIe siècle, Paris, Éditions Corti, 2017. 

Gilligan, Carol, Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Flammarion, 2008 [1982].

Glinoer, Anthony, La querelle de la camaraderie littéraire : les romantiques face à leurs contemporains, Genève, Librairie Droz, 2008.

Guillot, Céline, Inventer un peuple qui manque : que peut la littérature pour la communauté ?, Dijon, Les presses du réel, 2013

Méchoulan, Éric, Lire avec soin. Amitié, justice, médias, Lyon, ENS Éditions, 2017. 

Midorikawa, Emily et Emma Claire Sweeney, A Secret Sisterhood. The Hidden Friendships of Austen, Bronte, Eliot and Woolf, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, 2017.

Mihelakis, Eftihia, Catherine Mavrikakis, Jérémie McEwen et Josianne Poirier, J’enseigne depuis toujours. Dialogues, Montréal, Nota Bene, 2020.

Nakano Glenn, Evelyn, « Pour une société du care », Cahiers du Genre, hors série, n° 4, traduit par Séverine Sofio, L’Harmattan, 2016, p. 199-224.

Paperman, Patricia et Sandra Laugier (dir.), Le souci des autres. Éthique et politique du care, Éditions EHESS, 2011. 

Rivard, Yvon, Aimer, enseigner, Montréal, Boréal, 2012.

Rivard, Yvon, Exercices d’amitié, Montréal, Leméac, 2015.

Todd, Janet. Women’s Friendship in Literature, New York, Columbia University Press, 1980.

Weil, Simone, Amitié : l’Art de bien aimer, Paris, Éditions Rivages, 2016.

Wilson, Midge et Kathy Russell, Divided Sisters. Bridging the Gap Between Black Women and White Women, New York, Bantam Dell, 1997.

Worms, Frédéric, Le moment du soin, Paris, PUF, 2010.