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Isabelle Davy

Isabelle Davy "Bill Viola : noir vidéo et corps-voix de l’obscur" ; Louis Daubresse, "Quand l’écran reste noir : le film face à sa propre absence" (Séminaire Usages et valeurs du noir)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Hélène Campaignolle (UMR THALIM, CEEI))

Dans le cadre du séminaire “Usages et valeurs du noir” (CEEI-UMR THALIM),  le CEEI accueillera le 15 février 2022 de 13h à 15h30 Isabelle Davy en discussion avec Georges Bloess et Louis Daubresse en discussion avec Judith Langendorff pour deux interventions respectivement intitulées "Bill Viola : noir vidéo et corps-voix de l’obscur" et "Quand l'écran reste noir : le film face à sa propre absence".

La séance se déroulera en présentiel en salle Benjamin et, pour les personnes ne pouvant se déplacer, en visioconférence . Merci de vous inscrire auprès de Marie Laureillard pour obtenir le lien de connexion, qui vous sera envoyé la veille : mlaureillard@free.fr


« Bill Viola : noir vidéo et corps-voix de l’obscur » par Isabelle Davy.
Discutant : Georges Bloess.

Bill Viola, l’un des pionniers de l’art vidéo, est connu pour ses installations vidéo aux images fluides de paysages et de corps humains ainsi que pour ses références multiples aux traditions de pensée de l’Asie et des mystiques. Si l’œuvre témoigne de la symbolique de l’eau liée à la pensée du Vide comme fonds indifférencié, se nourrit aussi du soufisme, c’est-à-dire puise dans des symboliques culturelles, sa spécificité en tant qu’elle est aussi son historicité relève d’une symbolique du noir particulière qui nous montre le caractère indissociable d’une pensée du médium et d’une pensée du corps en art.

Par l’étude de plusieurs installations, grâce à la question d’ordre artistique et anthropologique du rythme, nous proposons de faire entendre une qualité tout à la fois de silence, de lenteur et d’obscurité comme épaisseur spatio-temporelle propice à une modalité négative de la connaissance du corps de l’homme comme du médium vidéo. La recherche d’un « monde crépusculaire aux confins de la perception et de la conscience humaine, là où se confondent les multiples vies de l’esprit[1] » se décline avec He Weeps for You (1976), Passage (1987), The Greeting (1995) … dans un brouillage des catégories du son et de l’image qui vient déstabiliser nos conceptions de l’entendre et du voir. Le texte « Video Black – The Mortality of the Image » (Writings 1973-1994)[2] nous aidera à percevoir un corps de l’humain qui emprunte à l’espace-temps d’un noir vidéo et devient espace corporel dans une voix de l’obscur. Par l’indissociabilité du corps et de l’individuation qui l’imprègne, l’œuvre de Viola nous fera ainsi nous interroger sur les valeurs de corporéité et d’altérité d’un corps-voix de l’obscur.

[1] Bill Viola, in Brisebois, Marcel, Bill Viola. Catalogue de l’exposition organisée au Musée d’art contemporain de Montréal, 21 janvier-14 mars 1993, p. 45.
[2] Bill Viola, Reasons for Knocking at an Empty House. Writings 1973-1994, Ed. Robert Violette en collaboration avec l’auteur, Londres : Thames & Hudson et Anthony d’Offay Galery London, 1995.

Notice biographique : Docteur Esthétique, Science et Technologie des Arts et Membre associé Laboratoire Arts des Images et Art contemporain – EA 4010, Université Paris 8. Nos recherches portent sur la question du rythme comme relation aux œuvres dans les arts de la peinture, de l’installation et de la performance dans le champ d’une poétique de l’art. Notions de médium, de spatialité et de temporalité, de corps, de sujet et d’individuation. Publications dans les revues Interfaces, Proteus. Cahiers des Théories de l’art, Histoire Épistémologie Langage.

 

« Quand l'écran reste noir : le film face à sa propre absence » par Louis Daubresse.
Discutante : Judith Langendorff.

Plusieurs films font le pari de prolonger le temps d'exposition du noir initialement propre au dispositif cinématographique. Il s'agit pourtant à chaque fois de souligner une absence ou d'assumer un refus de l'image. Certes, les raisons peuvent être variables d'une œuvre à l’autre, notamment dans le cinéma narratif-représentatif-industriel (2001, l'Odyssée de l'Espace, 1968 ; Dancer in the Dark, 2000 ; Revolver, 2005) où son apparition renvoie à des logiques narratives propres aux personnages (confrontation à l’infini cosmique, cécité de plus en plus marquée ou pertes répétées de mémoire). Le noir a évidemment un rôle matriciel dans le domaine expérimental, notamment chez Stan Brakhage, par exemple avec Study in Color and Black and White (1993). On peut également penser à L'Homme-Atlantique (1981) de Marguerite Duras où l’écrivainecinéaste fait état de sa très grande méfiance à l'égard du visible et laisse s'exprimer une sorte d'iconophobie.

Il s'agirait de pointer, au-delà de ce trait commun à Duras, Kubrick, Ritchie ou Von Trier, la portée discursive du phénomène visuel qu'ils ont choisi de faire jaillir, entre matière expressive, recherche abstractive ou questionnement ontologique. La durée d'exposition de l'écran noir, la place, ses éventuelles nuances sont distinctes d'une œuvre à l'autre. Il faudra alors constater que dans ces cas de figures, l'élimination de l'image représentative se voit compenser par le recours à un montage sonore suggestif, énigmatique ou programmatique. Mais quoi qu'il en soit, l'usage qui en est fait au cinéma peut signifier le vide, le creux ou l'effacement mais en appelle les capacités du pouvoir auditif. Il peut aussi, dans une certaine mesure, permettre au spectateur d'imaginer le film qu'il aimerait voir en lieu et place de cette annihilation lumineuse (à l'instar de ce que proposent, dans des projections-performances, Nam June Paik ou Giovanni Martedi). En fuyant toute figure imageante, ils font le pari d'un noir comme émergence objectale se suffisant à elle-même.

Notice biographique : Membre de l'IRCAV, Louis Daubresse est docteur en études cinématographiques et audiovisuelles. Sa thèse, soutenue à l'Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3, porte sur les esthétiques du silence dans le cinéma contemporain. Il a écrit des articles sur la disparition de la parole au cinéma, sur l'inversion pelliculaire comme forme filmique ou sur la représentation du tatouage à l'écran. Ses publications sont parues dans des revues comme Les Cahiers de l'Afeccav, La Furia Umana ou La Peaulogie. Il a également présidé l'association du festival de courts-métrages étudiants Objectif Censier. Enfin, il a été ATER aux universités de Clermont-Auvergne puis de Lorraine et y a enseigné l'histoire du cinéma, l’analyse filmique, l'approche des genres cinématographiques, le jeu d'acteur, la mise en scène, la reprise des archives ou encore les rapports entre sons et images.

Consulter le programme complet du séminaire.