Actualité
Appels à contributions
Décolonisations et indépendances vues par les écrivain(e)s africain(e)s de 1950 à 2022

Décolonisations et indépendances vues par les écrivain(e)s africain(e)s de 1950 à 2022

Publié le par Université de Lausanne (Source : Canissius Allogho)

Appel à contributions pour un ouvrage collectif numérique :

« Décolonisations et indépendances vues par les écrivain(e)s africain(e)s de 1950 à 2022 »

Société Internationale d’Étude des Littératures de l’Ère Coloniale (SIELEC http://www.sielec.net/) 

12 ans après le cinquantenaire des indépendances et des décolonisations africaines, 11 ans après les révolutions de ce qui se nomme «le  printemps arabe », 6 ans après l’entrée, au collège de France, depuis sa création en 1530, du premier romancier africain, Alain Mabanckou, avec pour thématique « Lettres noires : des ténèbres à la lumière », 100 ans après l’obtention du prix Goncourt en 1921 par Renan Maran, Mohamed Mbougar Sarr, est le deuxième écrivain noir et le premier écrivain d’Afrique subsaharienne à remporter ce prestigieux prix littéraire en 2021, et à l’orée du débat sur la problématique de la restitution des œuvres d’art africains, du récent vingt-huitième sommet France-Afrique de 2021 à Montpellier, et plus encore, de l’actualité brûlante du mouvement incontrôlable des migrants et des refugiés, il n’est pas étonnant de constater, au cœur des discours et imaginaires esthétiques, la pertinence insidieuse et la permanence d’une interrogation prépondérante et inquiétante. Ainsi, dans l’intervalle d’une périodicité allant de 1950 à 2022, il ne serait pas exagéré de penser et de voir comment les problématiques de la décolonisation et des indépendances travaillent et nourrissent les trames narratives, poétiques, essayistes de maintes productions littéraires africaines. Car, en tant que mouvement de sortie de la domination, et surtout mouvement d’entrée dans le long processus de libération des cultures, des nations et des individus, les problématiques de la décolonisation et des indépendances n’ont pas cessé depuis lors de susciter des thématiques variées, paradoxales, contradictoires, mais surtout accusatrices et dénonciatrices. Quand elles ne traitent pas de l’autonomie des peuples et des territoires africains en remettant en question la situation coloniale, notamment son entreprise suprématiste de destruction et d’infériorisation de la culture négro-africaine, elles se penchent sur la réalité, la gestion et le devenir des nouveaux états africains indépendants par un questionnement rigoureux sur l’inconsistance des indépendances, principalement les défaillances, les désillusions, les violences postcoloniales et la désintégration vertigineuse de la vie, des langues et des sociétés.

On constate, dans cette dialectique coloniale et postcoloniale, que les écrivain(e)s africain(e)s posent l’histoire comme un impératif catégorique avec un curseur axiologique assurant un va-et-vient entre idéologie, vérité, utopie, imaginaire et réalité. En effet, ils/elles explorent des cartographies réelles et multiples, parcourent les intervalles du temps, atteignent des points névralgiques de l’histoire, réveillent des mémoires enfouies, débusquent les contours d’un passée énigmatique et d’un présent indéfinissable, tracent des chemins et des lieux différents, imaginent des trajectoires, dessinent des utopies, dégagent l’horizon d’un but, fabriquent des identités indécidables et linguistiques, inventent des espaces qui leur sont propres. 

Ainsi, quand il ne s’agit pas de scruter les turpitudes existentielles des individus, de constater la dévaluation complète ou la dévalorisation chaotique de la vie humaine en Afrique, d’ausculter les transformations continues accablantes, d’interroger les crises et la fragilité des institutions, d’examiner les dictatures sans achèvement, de penser la différence raciale et identitaire, de sonder les générations apatrides, de dire et de montrer le parcours insoutenable des migrants, de jauger et de comprendre la surmodernité globalisante, de représenter la nature dans sa splendeur comme dans sa disparition, d’exprimer une certaine « modernité archaïque » et aujourd’hui d’analyser les répercussions d’un progrès catastrophique et d’une écologie punitive, il est plus ou moins question de souligner les démographies grandissantes et enrichissantes, de creuser la perfectibilité de « L’Afrique future » et les métamorphoses à venir des sociétés, d’insister sur certains changements politiques inéluctables, d’explorer le champ d’une humanité « vivable », de percevoir l’inventivité surprenante et l’émancipation des individus, d’appeler à une altérité culturelle, de réclamer des échanges économiques égalitaires, de démocratiser les connaissances et découvertes scientifiques. 

Il faut dire que depuis «  la fracture coloniale », les écrivain(e)s africain(e)s de la décolonisation et des indépendances sont partagé(e)s entre la confluence et la discordance de deux attitudes : l’optimisme et le pessimisme, du moins entre l’inconcevabilité d’une réalité historique et symbolique déchirante, la prise de conscience désenchantée et l’aspiration aux déplacements paradigmatique, discursif, temporel, anthropologique, politique et sociologique.

De ce point de vue, on se demandera si, comme Sartre qui affirmait que l’homme est condamné à être libre, les écrivain(e)s africain(e)s perçoivent la décolonisation comme une option ou quelque chose d’absolument inévitable condamnant ainsi les pays colonisés à la liberté fondamentale. Ce qui nous mènera à nous demander entre autres, ce qui advient de cette liberté, du moins, si les objectifs d’une telle recherche sont véritablement atteints. Évidemment, on verra si le passage d’un régime colonial à un régime décolonisé a véritablement changé la situation des êtres et des mondes colonisés.

Par ailleurs, au regard du contexte généralisé de la décolonisation et des indépendances autour des années 60, on ne peut manquer de se poser des questions, d’une part, sur le comment de la généralisation d’un tel processus, mais d’autre part sur le travail et les conditions de préparation ou d’impréparation d’une telle aventure. 

Aussi, si dans tous les sens et de toutes les manières, la revendication de la liberté retentissait comme valeur impérative, il ne serait pas moins intéressant de se demander, au regard des écritures de la désillusion, de la rupture, du changement, de la discontinuité, du dénie, du rejet, de l’ailleurs, de la « migritude », du néant, de l’altérité, du rien, de l’écart, de l’errance, du retour, du renouveau et des espérances etc., si cette marche vers les décolonisations et des indépendances n’a-t-elle pas été forcée, précipitée, brusquée, voire biaisée et tronquée.

Dans ce canevas, ce premier volume se propose d’étudier comment les écrivain(e)s africain(e)s de la décolonisation et des indépendances rendent compte de la situation décoloniale et post-coloniale. Plus concrètement, il s’agira de voir :

1.      Comment ils/elles évoquent et s’inscrivent en effet dans la cohabitation entre l’occident et l’Afrique, la critique, la fascination ou le rejet de la suprématie de la technique et de la raison occidentale (Cheikh Hamidou Kane, L’aventure ambiguë, Chinua Achebe, Le monde s’effondre, Amadou Hampâté Bâ, L’étrange destin de wangrin, Ferdinand Oyono, Le vieux nègre et la médaille, Jean-Marie Adiaffi, La carte d’identité, Valentin Yves Mudimbe, Entre les eaux, Mongo Beti, Le pauvre Christ de Bomba, etc.)

2.      Comment ils/elles déploient une écriture de l’attraction et de la défense du monde de l’enfance, des origines, du paradis perdu ( Senghor, Liberté, Négritude et humanisme, Nazi Boni, Crépuscule des temps anciens, Camara Laye, L’enfant noir, Abdoulaye Sadji, Maïmouna, Amadou Hampâté Bâ, Amkoullel, l’enfant Peul, etc.)

3.      Comment ils/elles questionnent, dénoncent et décrivent la façon dont les états africains ont acquis l’indépendance, la corruption des régimes politiques, les dictatures, la confiscation des libertés, les guerres et les violences coloniales et post-coloniales (Ahmadou Kourouma, Le soleil des indépendances, Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun : autopsie d’une décolonisation, Alioum Fantouré, Le cercle des tropiques, Sony Labou Tansi, La vie et demie, Ayi Kwei Armah, L’âge d’or n’est pas pour demain, Ngugi wa Thiong’o, Pétale de sang, Eugène Ebodé,  Souveraine magnifique, Henri Lopez, Pleurer-rire, Yambo Ouologuem, Le devoir de violence, Gaël Faye, Petit pays, Kossi Efoui, La polka, Boubacar Boris Diop, Murambi, le livre des ossements, Abdourahman A. Waberi, Moisson de crânes, etc.)

4.      Comment ils/elles protestent contre l’enfermement dans une philosophie de la victimisation et du ressentiment et s’insurgent contre une certaine tradition négro-africaine phallocratique orchestrant l’obéissance et la soumission de la femme et des jeunes. (Alain Mabanckou, Le sanglot de l’homme noir, Michel Innocent Peya, L’Afrique au féminin. De la victimisation au leadership, Mariama Bâ, Une si longue lettre, Calixthe Beyala, C’est le soleil qui m’a brûlée, Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes, etc.)

5.      Comment ils/elles se révoltent contre le néo-colonialisme, l’impérialisme de la mondialisation (Bessora, Petroleum, Léonora Miano, Afropea, Utopie post-occidentale et post-raciste, etc.)

6.      Comment ils/elles font la promotion des valeurs humanistes, de l’action communautaire et non individuel, de même qu’ils expriment un processus d’individuation lié à l’avènement d’un sujet singulier se projetant et se choisissant dans une identité autre que celle liée aux territoires et aux origines (Sembene Ousmane, Les bouts de bois de dieu, Amadou Hampâté Bâ, Oui mon commandant, Gaston Kelman, Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Kossi Efoui, L’ombre des choses à venir, etc.)

7.      Comment ils/elles valorisent des formes et des styles particuliers, liées aux ressources endogènes et exogènes de l’oralité, de l’écriture et de l’universalité des langues, prônent une autonomie linguistique, travaillent les questions de créativité esthétique et littéraire et écrivent en langues africaines (Ngugi wa Thiong’o (en Gikuyu), Boubacar Boris Diop (en wolof), Georges Ngal, Création et rupture en littérature africaine, Giambatista Viko ; ou le viol du discours africain, Sony Labou tansi, La vie et demie, etc.)

8.      Comment ils/elles explorent les problématiques des migrations et des minorités (Sembène Ousmane, Le docker noir, Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, etc.)

*

Les propositions d’article (rédigées en français) doivent comporter un titre, un résumé de 500 mots environ, une bibliographie critique essentielle et une notice biographique de 5 lignes. Elles sont à adresser à Canissius ALLOGHO (canissiusallogho@yahoo.fr) et Emery Arnold Matsala, (matsyang@yahoo.fr) avant le 15 juillet 2022.

Communication des propositions retenues et transmission des consignes de présentation : 25 juillet 2022

Date de remise des articles : 01 Novembre 2022.

Date prévue pour la publication numérique du volume collectif : mars 2023.