Actualité
Appels à contributions
Cultures urbaines et littératures francophones (Revue Interculturel Francophonies)

Cultures urbaines et littératures francophones (Revue Interculturel Francophonies)

Publié le par Marc Escola (Source : Serigne Seye)

Revue Interculturel Francophonies n°42, novembre-décembre 2022.

DOSSIER: Cultures urbaines et littératures francophones

 

Les cultures urbaines ont, dès leur émergence, eu une relation très évidente avec la littérature.  Ce lien est aujourd'hui illustré par l'existence d'une littérature urbaine dynamique qui rend compte des réalités diverses et particulières de certaines grandes métropoles comme Dakar, Londres, New York, Paris, Johannesburg ou Lagos. L'importance qualitative et quantitative de cette catégorie esthétique a poussé Céline Ngi (cité par Steve Puig), à avancer que «plus qu'une tendance sociale, la littérature urbaine s'est affirmée ces dernières années comme un vrai mouvement littéraire, avec ses propres codes stylistiques, ses références et ses objectifs » (Puig, 60: 2019). Elle tient son originalité aussi de son rapport particulier avec les expressions culturelles et artistiques nées dans l'espace urbain comme les disciplines du mouvement hip hop. Le rap, par exemple, est considéré par certains comme une musique qui aspire au même statut que la littérature dans la société, si l'on considère sa tendance à dire notre modernité dans ses aspects les plus problématiques. Pour Steve Puig «il n'est d'ailleurs totalement pas fortuit de considérer le rap et la littérature urbaine comme deux façons de faire passer le même message» (p.67). G. Andi Rhos, voulant montrer l'influence que l'art afro-américain exerce sur la littérature urbaine, n'hésite pas à présenter celle-ci comme une version littéraire du rap à cause justement de sa thématique et de l'univers décrit qui rappellent fortement les réalités des ghettos américains (2006). En dehors du rap, le slam, le tag, le graffiti, le street art, la break dance ainsi que les sports urbains font aussi leur apparition dans bon nombre de récits dont les auteurs sont souvent issus des banlieues des grandes villes. Ces éléments constitutifs des cultures urbaines y exercent une influence décelable dans les intrigues et la forme des textes.

Cependant les chercheur.se.s en littérature ont longtemps hésité à considérer les productions issues de cette «culture de la rue» (Puig) ou «culture des cités» (Hatzfeld) comme des objets d'étude porteurs d'une poétique nouvelle et pouvant faciliter la compréhension des dynamiques sociales. Ce retard à l'allumage est surtout perceptible dans l'espace francophone où la littérature et l'art issus des banlieues et autres zones difficiles ont très souvent été regardés avec une certaine méfiance teintée de mépris. Malgré la richesse de ces expressions culturelles et artistiques, les revues littéraires francophones n'ont pas encore jugé nécessaire de leur consacrer des volumes rendant compte de leurprofonde créativité, de leur fécondité ainsi que de leur vitalité sans cesse renouvelée. Même si la revue Itinéraires a déjà fait paraître deux numéros consacrés à l'écriture de la ville et aux imaginaires banlieusardes en accordant une place de choix aux représentations littéraires de la banlieue et des zones périurbaines, les volumes orientés vers la problématique de l'urbanité littéraire ne font pas encore légion. Les nombreux essais et travaux littéraires sur la ville masquent mal l'absence criante d'études sur les expressions culturelles que les réalités sociales et politiques de celle-ci génère. Dans les rares travaux scientifiques qui s'intéressent à cet aspect de la société citadine, c'est surtout le rap et le slam qui sont analysés parce qu'ils sont des genres qui accordent une plus grande place à la textualité, les autres disciplines et manifestations des cultures urbaines demeurant encore les parents pauvres de la recherche dans le monde francophone.

Dans les pays anglo-saxons, par contre, des comités de rédaction des publications scientifiques se sont très tôt intéressées à la relation évidente qui lie les cultures urbaines à la littérature. Cette situation, qui ne vient pas d'une ignorance de ce lien par trop évident, s'explique surtout par des considérations basées sur des préjugés de toutes sortes qui frappent certains milieux. Cela n'a pas empêché une maison d'édition parisienne (Sarbacane) de créer depuis maintenant un certain temps une collection consacrée exclusivement à l'exploration par le roman des spécificités de cette culture urbaine naissante en rapport avec la représentation de destins peu singuliers évoluant dans une société dont les principales caractéristiques sont la violence, la multiculturalité, la misère. etc. Cependant, ce n'est pas seulement dans cette catégorie littéraire qu'on peut déceler des traces et marqueurs des cultures urbaines. Depuis le véritable essor des cités européennes au 19ème siècle, les œuvres littéraires de tous les genres (poésie, roman, nouvelle, théâtre) se sont toujours fait l'écho des changements sociaux et culturels accompagnant cette modernité urbaine.

Pourtant le corpus, riche et varié, est là qui puisse permettre aux chercheurs en littérature de se pencher sur cette nouvelle réalité. Des œuvres littéraires comme le recueil de poèmes du Sénégalais Mamadou Seyba Traoré, Banlieue Blues: folk rap,font la part belle aux réalités sociales, culturelles et artistiques de la banlieue dakaroise. La plupart des romans de la Camerounaise Léonora Miano adoptent des procédés et formes propres aux musiques afro-américaines. Tout se passe comme si les auteurs francophones contemporains ne pouvaient partager leurs idées et leurs émotions que dans des textes qui, avant tout, se réclament d'une culture urbaine en train de se globaliser.

C'est pour rendre compte de toute cette richesse et de la porosité des frontières entre les textes littéraires et les expressions culturelles liées à l'urbain, à la ville, que le numéro 42 de la revue Interculturel Francophonies, basée à Lecce (Italie), sera consacré au sujet suivant: cultures urbaines et littératures francophones. Il sera attendu des contributeurs qu'ils aident à disséquer les diverses relations et jeux d'influence liant les œuvres littéraires de tout genre et les cultures urbaines dans l'espace francophone. Ce dossier de la revue Interculturel Francophonies s'intéressera aussi à des productions issues de pays non francophones mais faites dans la langue française.

La liste non exhaustive des axes:

- expressions culturelles et artistiques de l'urbain dans les textes littéraires francophones;

- représentation des cultures et des artistes urbains dans les œuvres littéraires francophones;

- langues et cultures urbaines;

- la littérature et les écrivains dans les productions artistiques urbaines;.

- Oraliture et urbain;

- Intertextualité littéraire dans la musique urbaine;

- mise en scène de l'urbain dans les récits littéraires;

- Nouveaux imaginaires urbains.

Les propositions d'articles d'environ 200 mots seront envoyées à seyeserigne2000@yahoo.fr au plus tard le 31 mars 2021.

Calendrier :

-Réception des propositions d'articles jusqu'au 31 mars 2021

- Avis motivé du comité scientifique: 30 avril 2021

Envoi des articles: jusqu'au 15 décembre 2021

Envoi des articles évalués aux auteurs: 31 mars 2022

Retour des articles définitifs: 31 mai 2022

Publication du dossier: novembre-décembre 2022

*

Références bibliographiques des auteurs cités dans cet appel :

G. Andi Rhos, «Urban Literature redefined», http://www.timbooktu.com/rhos/urbanlit.htm.

Itinéraires, Vol.1, 2016, Écrire et créer avec les villes en mouvement, disponible en ligne.

Itinéraires, Vol.3, 2016, «Banlieues», entre imaginaires et expériences, disponible en ligne.

Mamadou Seyba Traoré, Banlieue Blues: folk rap, Dakar, Ruba Éditions, 2018.

Marc Hatzfeld, La Culture des cités: une énergie positive, Paris, Autrement 2006.

Steve Puig, Littérature et mémoire postcoloniale, Paris, L'Harmattan, 2019.