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Représenter la réticence (Pitesti, Roumanie)

Représenter la réticence (Pitesti, Roumanie)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Diana Lefter)

LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE, LETTRES, HISTOIRE ET ARTS

LE CENTRE DE RECHERCHE SUR L’IMAGINAIRE IMAGINES

LE CENTRE DE RÉUSSITE UNIVERSITAIRE 

UNIVERSITÉ DE PITEŞTI

en collaboration avec

AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)

et

ALBANIAN SOCIETY FOR THE STUDY OF ENGLISH (ASSE)

organisent les 12-14 juin 2020

la Conférence internationale

LANGUE ET LITTÉRATURE – REPÈRES IDENTITAIRES EN CONTEXTE EUROPÉEN 

Le sujet proposé pour cette année : Représenter la réticence

 

Comme terme, la réticence recouvre une plage sémantique large, située entre la parole et la non-parole. Figure de construction et de pensée mais aussi procédé de suspension énonciatif ou factuel à la fois[1], ce concept retrouve dans la communication – verbale, non verbale – son entière fonction opérationnaliste d’agir sur la réalité discursive, actionnelle, permettant à l’émetteur d’accomplir, ce faisant, un quadruple relais entre le dire - le dit - le faire[2].

Dans la lignée ouverte par Fontanier, qui voit dans la réticence une interruption ou un arrêt soudain dans le cours d’une phrase, « pour faire entendre par le peu qu’on dit, et avec le secours des circonstances, ce qu’on affecte de supprimer, et même souvent beaucoup au-delà »[3], nous envisageons une ouverture du concept vers d’autres domaines que la stylistique : les études culturelles, les arts du spectacle, la musique, la didactique, l’histoire.

Les réflexions sur les diverses représentations du concept peuvent porter tant sur les manifestations de la réticence dans ses mises en texte, mises en discours, mises en image, mises en scène, mises en action, etc., que sur une revisite conceptuelle, donc une re-présentation de la réticence.

Comme forme plus marquée de silence, le concept de réticence se trouve en étroite relation avec d’autres concepts pragmatiques, tels le non-dit ou le sous-entendu. Suivant cette approche, la réticence peut être envisagée dans ses occurrences et ses manifestations dans le texte, le discours et ailleurs : représentation scénique, musicale, picturale, actionnelle tout court.

En effet, toute activité créatrice suppose, de la part du producteur, une certaine réticence qui consiste, selon Joëlle Gardes-Tamine, dans « parler pour s’arrêter aussitôt »[4]. Par extrapolation du verbe « parler », cette réticence serait présente dans tout type de création artistique, agissant comme vecteur d’ouverture dans l’acte interprétatif. Il s’agit de cette ouverture théorisée par Umberto Eco[5] comme une multiplicité « contrôlée » de sens qu’un texte (et, par généralisation, tout produit artistique) peut avoir et qui est le résultat de son incomplétude. Le tout ou le trop dire limiterait ainsi le champ des possibles interprétations et avec cela la richesse sémantique et symbolique du produit artistique[6]. La réticence dans le travail du créateur est ainsi productrice d’une pluralité de « lectures » potentielles, applicables aux textes littéraires, aux mises-en-scène théâtrales, aux interprétations des partitions musicales ou des peintures.

Cette réticence dans la production peut être soit le choix du producteur, ayant comme but la stimulation de l’imagination du récepteur, soit le résultat d’une contrainte extérieure, visant à ménager le goût ou la sensibilité du consommateur, habitué à des clichées, à des tabous ou à des recettes. Il peut s’instaurer, par exemple, une hésitation à (se) montrer à nu, qui peut aboutir au port du masque, à même de cacher, de voiler ou de filtrer le message, mais aussi de «garder la face négative»[7] de l’émetteur-producteur. D’autre part, l’on peut penser aux bienséances du XVIIème siècle, règles tacites littéraires et théâtrales qui imposaient une réticence dans la mostration verbale, mais surtout scénique de la violence, de la cruauté, du sanguinaire, etc. et qui avaient pour objectif d’éviter de choquer le public sur le plan moral ou esthétique.

Lui aussi interprète du texte, le traducteur est tenu à manifester sa réticence en effaçant sa voix derrière celle de l’auteur source. Néanmoins, dans sa double position d’interprète et de créateur, le traducteur limite les interprétations par une version non-abusive du texte-source et crée, à son tour, de nouvelles ouvertures par la re-création du texte en langue cible. La mise-en-scène théâtrale peut, elle aussi, être vue comme un acte traductif, une transposition d’un système de communication (verbal, littéraire) dans un autre (visuel, gestuel) où le metteur-en-scène peut choisir soit de s’effacer derrière le texte, soit de le recréer par une approche subjective, ayant, lui, la liberté de l’interprétation.

En allant plus loin et en envisageant le binôme pensée-action ou pensée-discours, le silence, trait inhérent et marquant de la réticence peut engendrer une rupture au sein des binômes évoqués. Là-derrière se cachent l’oubli et le mensonge, conceptualisés par Lévi-Strauss[8] comme un défaut de communication avec soi-même ou avec autrui. L’histoire, l’histoire culturelle et la mythologie offrent maints exemples d’oublis ou de mensonges, résultant de la réticence, qui ont fait changer le cours des événements. Le discours littéraire, historique, mythique, artistique, politique, juridique peuvent être exploités avec profit dans cette direction d’approche.

En didactique actionnelle, la réticence est un phénomène fondateur[9] dans le cadre ternaire professeur-élève-savoir à partager. En effet, dans une stratégie actionnelle, une grande partie des actes de discours professoraux ont pour but d’emmener l’élève, par voie inductive, vers un comportement qui l’implique de plein pied dans la construction des savoirs à découvrir et à apprendre. Or, à la base de ce processus inférentiel, le concept de réticence s’avère être un point charnière du contrat didactique.

Sans avoir la prétention d’exhaustivité, la thématique proposée pour la rencontre de cette année invite à une réflexion plurielle sur les divers aspects revêtus par la réticence, dans les domaines évoqués.

Les débats sont organisés par sections. Nous vous prions de contacter le responsable de la section pour envoyer votre résumé, votre article ou pour tout autre renseignement :

1Langue roumaine; Littérature roumaine; Littérature comparée; Didactique du roumain; Communication et études culturelles –  Lavinia GEAMBEI (geambeilavinia@yahoo.com).

2. Langue française; Littérature française; Littératures francophones; Études culturelles françaises; Études culturelles canadiennes; Didactique du français; Traductologie-langue française – Adriana APOSTOL (adriana.apostol@upit.ro).

3. Langue espagnole; Littérature espagnole et hispano-américaine; Études culturelles espagnoles et hispano-américaines ; Didactique de l’espagnol; Traductologie - langue espagnole – Diana LEFTER (diana_lefter@hotmail.com).

4. Langue anglaise ; Littérature anglaise ; Littératures anglophones; Études culturelles britanniques et américaines; Didactique de l’anglais; Traductologie - langue anglaise – Cristina MIRON  (cristinamironn@gmail.com).

5. Langue allemande; Littérature allemande; Études culturelles germaniques ; Didactique de l’allemand Traductologie - langue allemande – Cristina MIRON  (cristinamironn@gmail.com).

6. Histoire, civilisation, société, culture – Liliana SOARE  (lilianasoare2006@yahoo.com).

7. Langages de spécialité (français, anglais, allemand) – Marina TOMESCU (ana_marina_tomescu@hotmail.com).

8. Arts du spectacle, musique – Diana LEFTER (diana_lefter@hotmail.com).

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CALENDRIER DE LA CONFÉRENCE

-    3 avril 2020 – envoi du formulaire de participation ;

-   17 avril 2020 – notification de l’acceptation de la communication ;

-   29 mai 2020 – règlement des frais de participation ;

-   12-14 juin 2020 – les travaux de la conférence ;

-   31 juillet 2020 – envoi des textes in extenso des communications

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Notes : Les textes seront rédigés en anglais, français, espagnol, allemand, italien ou portugais. Une sélection des communications, proposée par le comité de lecture sera publiée dans la revue Limba și literatura - repere identitare în context european (enregistrée dans des bases des données internationales : ErihPlus, EBSCO, CEEOL, IndexCopernicus, DOAJ etc.). Les autres communications seront publiées dans un volume collectif de la conférence, avec ISBN, chez une maison d’édition reconnue. Le temps alloué à la présentation des communications ne devrait pas dépasser 15 minutes.

Après la notification d’acceptation, les auteurs seront informés sur les possibilités de logement et sur les coordonnées bancaires pour le règlement de la taxe (50 euros pour les participants de l’étranger et 200 RON pour les participants roumains).

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Pour toute information supplémentaire, veuillez contacter :

reperesidentitaires@yahoo.com; valentina.stinga@upit.ro.

 

 

[1] Voir en ce sens l’article de Paola Paissa « Rhétorique et dictionnaire : errements de la réticence », in Cahiers de recherche de l’École Doctorale en Linguistique, no. 6, 2012, pp 173-195.

[2] Dans son activité actionnelle, l’émetteur se situe d’emblée 1. par rapport à son acte, 2. par rapport au résultat de son acte en étroite liaison avec les actes antérieurs ou à venir, 3. par rapport au monde, 4. par rapport à l’interlocuteur.

[3] Fontanier, Pierre, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1968, p. 135.

[4] Gardes-Tamine, Joëlle, La Rhétorique, Paris, Armand Colin, 1996, p. 142.

[5] Eco, Umberto, L’œuvre ouverte, Paris, Seuil, 1965. (édition originale Eco, Umberto, Opera aperta, Milano, Bompiani, 1962)

[6] Toute œuvre d'art, alors même qu'elle est une forme achevée et close dans sa perfection d'organisme exactement calibré, est ouverte au moins en ce qu'elle peut être interprétée de différentes façons, sans que son irréductible singularité soit altérée. Jouir d'une œuvre d'art revient à en donner une interprétation, une exécution, à la faire revivre dans une perspective originale. (Eco, Umberto, op. cit., p. 17).

In tale senso, dunque, un'opera d'arte, forma compiuta e chiusa nella sua perfezione di organismo perfettamente calibrato, è altresí aperta, possibilità di essere interpretata in mille modi diversi senza che la sua irriproducibile singolarità ne risulti alterata. Ogni fruizione è cosí una interpretazione ed una esecuzione, poiché in ogni fruizione l'opera rivive in una prospettiva originale. (Eco, Umberto, Opera aperta, Milano, Bompiani, 1962, p. 34).

[7] Goffman, Erving, Les rites d’interaction, Paris, Minuit, 1974.

in the wrong face (Goffman, Erving, Interaction Ritual, Garden City, NY, Anchor Books, 1955, p. 339).

[8] L’oubli nous apparaissait comme un défaut de communication avec soi-même […] l’oubli formerait système avec le malentendu, défini comme un défaut de communication avec autrui (Lévi-Strauss, Claude, Mythe et oubli in « Le regard éloigné », Paris, Plon, 1983, p. 253)

[9] Cf. Sansevy, Gérard, Quiliot, Serge, « Le discours du professeur. Vers une pragmatique didactique » in Revue française de pédagogie, no. 141, octobre-novembre-décembre, 2002, pp 47-56.