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La métaphore médiévale comme exercice spirituel (Metz)

La métaphore médiévale comme exercice spirituel (Metz)

Publié le par Marc Escola (Source : Julien Abed)

Colloque « La métaphore médiévale comme exercice spirituel »

Metz, Campus du Saulcy, UFR Arts, Lettres et Langues – 20-22 mars 2019

 

Organisateurs

Julien Abed (Centre Écritures / département de Lettres, univ. de Lorraine), julien.abed@univ-lorraine.fr

Yves Meessen (Centre Écritures / département de Théologie, univ. de Lorraine), yves.meessen@univ-lorraine.fr

 

Argumentaire

Il est d’ordinaire commode, pour cerner la métaphore, d’en proposer deux définitions : une première d’ordre rhétorique et une seconde d’ordre sémantique. Cette distinction semble opératoire pour penser les corpus textuels médiévaux, car la démarcation profane / scripturaire est souvent à l’horizon de la pensée médiévale. Elle est formulée telle quelle dès la première question (article 9) de la Somme théologique (« La doctrine sacrée doit-elle user de métaphores ? »), et la notion de métaphore, au carrefour des arts du langage et de la théologie, a alimenté au Moyen Âge la réflexion des grammairiens et dialecticiens (pour lesquels elle est trope ou figure) comme celle des théologiens (où elle équivaut à un déplacement sémantique intervenant dans le discours sur Dieu). C’est mettre en question, pour les médiévaux, l’articulation problématique des belles lettres et des Saintes Lettres, et réfléchir au statut de l’image poétique comme forme d’expression de la vérité (qu’est-ce qu’une « vérité imagée » ?) : les divers efforts entrepris pour comprendre comment la vérité s’insinue dans les cœurs de manière voilée, menant parfois à une identification de la poésie à la théologie ou à la philosophie, constituent des jalons décisifs dans l’histoire de la pensée. Ces controverses, déjà bien connues, fécondent naturellement les travaux contemporains portant sur la période médiévale.

Le parti pris du colloque serait de ne pas en rester à cette dichotomie, qui semble opposer deux métaphores irréductibles l’une à l’autre. La métaphore n’est pas seulement un artefact esthétique pour désigner des choses, ni un palliatif aux défauts du langage pour traduire un contenu de pensée, ni encore le nom donné aux mots sacrés qui permettent à l’être humain de se représenter ce qui dépasse son esprit. On voudrait proposer une définition pragmatique de la métaphore, qui montre l’engagement et l’implication nécessaires du sujet pour l’écriture et la lecture des textes, qu’ils soient profanes ou sacrés. La métaphore ainsi comprise révèle, dans le langage, quelque chose d’au-delà du langage, et le situe du côté de l’affect plutôt que du concept. La métaphore est d’ailleurs connue au Moyen Âge par l’Institution oratoire de Quintilien (livre VIII, chap. 2 « De la clarté »), où elle est définie comme « transport (…) à des choses par une parole de soi inappropriée » : « la propriété n’est donc pas relative au terme en lui-même, mais à sa valeur sémantique, et ce n’est pas à l’oreille, mais à l’intelligence d’en apprécier pleinement la valeur ». Cette définition laisse entendre un usage très large de la métaphore permettant de « mettre quelque chose devant les yeux », selon la définition d’Aristote dans la Rhétorique (Livre III, chap. 10), où le philosophe explique, à l’occasion d’un développement sur les différents types de métaphores, que la plus efficace d’entre elles est celle qui peint les choses en mouvement : l’évidence est un relais textuel, qui met en mots l’imagination de l’orateur pour mieux stimuler celle de l’auditeur.

En recourant à l’expression d’exercice spirituel, chère à Pierre Hadot, le colloque se propose de définir la métaphore hors des deux catégories précédemment établies. En prenant appui sur des corpus théologiques, philosophiques, mystiques, poétiques, qu’ils analysent la métaphore ou qu’ils la mettent en œuvre, il voudrait montrer comment la métaphore travaille les textes et devient, en tant qu’outil pédagogique permettant de rendre une doctrine perceptible et d’attirer l’auditeur à celle-ci, une arme majeure de la conversion (pas seulement religieuse, mais aussi philosophique ou morale). Le colloque se propose de voir si une telle définition de la métaphore est opératoire pour rendre compte de l’expérience d’écriture et de lecture des textes médiévaux. Les communications, croisant les corpus théologiques et littéraires, devront mettre à l’épreuve cette pensée de la métaphore comme exercice spirituel, afin de savoir à quel point sa définition pragmatique est extensible. Il s’agira de lire les textes dans la perspective « d’une situation concrète ou d’une forme de vie », où la métaphore désignera une activité discursive « visant à modifier, en soi ou chez les autres, la manière de vivre et de voir le monde » (P. Hadot, Wittgenstein et les limites du langage, p. 11).

Cela renvoie à l’idée d’une psychologie de l’écriture et de la lecture, dont on envisage les vertus curatives ou thérapeutiques, car capables d’influer sur la pensée et sur l’action ; cela permet de revenir plus largement sur les relations entre éthique, bien-être psychique et plaisir du texte, qui forment selon les médiévaux le bénéfice de la chose écrite.

 

Programme

 

Mercredi 20 mars – salle A208

14h Accueil des participant.e.s par Pierre Halen (directeur du Centre Écritures) et Introduction du colloque par Julien Abed et Yves Meessen

Session 1 : « Philosophie »

14h30 Laure Solignac (Institut catholique de Paris), « Faut-il croire aux métaphores ? Le statut des créatures dans les écrits spirituels de saint Bonaventure »

15h15 Pascaline Turpin (Institut catholique de Lille), « La métaphore de la mâchoire d’âne chez Pierre Damien : l’appel à une conversion de l’intelligence au XIe siècle »

16h Yves Meessen (Université de Lorraine), « L’analogia entis transformée par la métaphore chez Maître Eckhart »

 

Jeudi 21 mars – salle A208

Session 2 : « Mystique »

9h Marie-Pascale Halary (Université Lumière Lyon 2), « Les muances de l’âme anéantie et ses images »

9h45 Isabelle Fabre (Université Paul-Valéry Montpellier 3), « In hortis doctrinalis pietatis. La métaphore du jardin dans le commentaire sur le Cantique des Cantiques de Jean Gerson (1429) »

10h30 Pause

10h45 Isabelle Raviolo (Collège international de philosophie), « L’usage de la métaphore dans les textes mystiques d’Hadewijch d’Anvers : le dire excédé ou l’épreuve d’une parole à la limite »

11h30 Florent Coste (Université de Lorraine), « Méditation et construction métaphorique de l’âme dans un exercice spirituel cistercien, l’Inflammatorium poenitentiae »

 

Session 3 : « Poésie »

14h30 Clotilde Dauphant (Sorbonne Université), « La métaphore chez Eustache Deschamps »

15h15 Julien Abed (Université de Lorraine), « La métaphore chez Charles d’Orléans »

16h Anna Gesicka (Université Nicolas Copernic, Toruń), « La vie en métaphore. Analyse du Donet baillié au roy Loÿs douzieme de Jean Molinet »

 

17h (salle A214) De la vedve e del chevalier de Marie de France, spectacle de marionnettes en vitrail, par Mylène Billand et Alexis Allais

 

 

Vendredi 22 mars – salle A208

Session 4 : « Roman »

10h Richard Trachsler (Universität Zürich), « La louve et le lion. La métaphore animale dans les romans en prose français »

10h45 Anna Kricka (Université de Szczecin), « Représentations de l’hospitalité dans quelques romans du XIIIe siècle comme métaphore des antichambres de la nouvelle Jérusalem »

11h30 Conclusion par Julien Abed et Yves Meessen