Actualité
Appels à contributions
Courts-circuits et visions disjonctées : œuvre et réseaux de Claude Pélieu / Short-circuits and Fused Visions: The Works and Networks of Claude Pélieu (Univ. of Chicago Center Paris)

Courts-circuits et visions disjonctées : œuvre et réseaux de Claude Pélieu / Short-circuits and Fused Visions: The Works and Networks of Claude Pélieu (Univ. of Chicago Center Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Peggy Pacini)

Colloque international

“Courts-circuits et visions disjonctées : œuvre et réseaux de Claude Pélieu /

Short-circuits and Fused Visions: The Works and Networks of Claude Pélieu”

11-12 juin 2020, University of Chicago Center Paris

 

Né en 1934 à Beauchamp près de Pontoise, Claude Pélieu a été une figure transatlantique centrale mais méconnue de la littérature contemporaine. Dans les années 1950, il pratique le collage et le dessin, peint dans l’atelier de Fernand Léger et publie ses premiers poèmes dans la revue Rendez-vous avec le sol en 1956, suivront d’autres textes publiés en 1959 par Henri Chopin dans la revue Cinquième saison. Mais ce n’est qu’en 1967 que le public français découvre, dans les Cahiers de L’Herne n°9, les collages et la poésie de Claude Pélieu réunis avec une sélection d’écrits de William S. Burroughs et de Bob Kaufman.

Entretemps, Pélieu a passé deux ans en Algérie dans les Bats d’Af suite à sa conscription forcée en 1956. De retour à Paris en 1959, il rencontre en 1962 celle qui deviendra sa principale collaboratrice, la peintre américaine Mary Beach. Suite à leur départ de la France en 1963 en direction de San Francisco, le couple devient les traducteurs de poètes de la Beat Generation – Bob Kaufman, Allen Ginsberg, William Burroughs, Lawrence Ferlinghetti, entre autres. Parallèlement à leurs traductions-adaptations (publiées en France chez Christian Bourgois et Cahiers de l’Herne), le couple est également très actif sur la côte ouest et à New York : Mary Beach fonde en 1966 sa propre maison d’édition, Beach Books, tandis que Pélieu diffuse de nombreux textes dans la presse alternative et dans des little magazines en Europe comme aux États-Unis.

Leur reconnaissance littéraire et artistique propre se fait attendre. Claude Pélieu continuera de se dédier principalement à l’écriture jusque dans les années 1970 en français, en anglais, en franglais. Puis à partir des années 1980, il embrassera aussi le collage, la peinture, le ready-made et le mail art.

Influencé par les surréalistes, les dadaïstes, Artaud, Céline, Michaux, et même Prévert, embarqué dans l’aventure de la Beat Generation, pratiquant très tôt le cut-up, Claude Pélieu explore la création sous toutes ses formes. Il cherche inlassablement le renouvellement perpétuel de la forme (poésie, prose, collage, peinture) et collabore extensivement avec de nombreux écrivains et artistes dans une nébuleuse qui se déploie progressivement à partir des années 1960.

L’œuvre de Pélieu est une œuvre ouverte, en mouvement, subversive dont l’entreprise est viscéralement archéologique tant elle s’attache à fouiller les « poubelles de l’histoire et de la mémoire », elle est aussi chirurgicale tant elle cherche, pour le dire avec Lucien Suel, à dépecer « impitoyablement la pseudo-réalité médiatique » (Suel 2008, 129). Pélieu ne définissait-il pas lui-même, dans un entretien avec Bruno Sourdin, le collage comme une sorte de pansement sur le film de notre culture et de l’Histoire » (Sourdin 2002, 69) ?  La création chez Pélieu a souvent rendez-vous avec le hasard, l’accident et s’inscrit dans un processus de déconstruction de tout raisonnement logique de la pensée afin d’interroger des degrés de réalité supérieure au prisme de différentes combinatoires littéraires, picturales, visuelles, orales. Son œuvre, singulière et cinglante, interroge les fondements du Réel et les images de la réalité qu’il met à l’épreuve de la dislocation, par l’entremise du texte manipulé, fragmenté, juxtaposé, lacéré, et de la parole crue.

Ce colloque international est le premier colloque scientifique consacré à Claude Pélieu. Il s’attachera à revenir sur les différents aspects du travail de ce passeur et créateur franco-américain -- traduction, poèmes, romans, albums, journaux-collages, collages, frottage, cut-ups, et mail-art (comme notebook ininterrompu à l’échelle planétaire) – dont l’ensemble de l’œuvre est fondamentalement transatlantique et libertaire. Lawrence Ferlinghetti disait de lui qu’il était « le plus satirique rapper en franglais, le plus maniaque mail-art maestro, le plus far-out collagiste », pointant déjà le caractère inclassable d’une œuvre protéiforme et en constante exploration, évolution et mutation.

Le colloque sera l’occasion d’explorer l’écriture court-circuitée de Pélieu (les influences surréalistes mais aussi les différentes déclinaisons du cut-up, collage, ready-made, etc.) et de revenir sur ce processus-même de création, comme un regard acéré porté sur le monde contemporain à travers une écriture toute aussi corrosive. Ce colloque se propose d’explorer les collages et les textes de Claude Pélieu mais aussi les textes collectifs auxquels il contribue en interrogeant les dimensions formelles (héritage, filiation, décloisonnement, déconstruction, fragmentation), politiques (pamphlets, manifestes), linguistiques de ceux-ci, ainsi que leur valeur radicale et expérimentale.

Parallèlement, le colloque aimerait explorer les différentes formes qu’a pris la correspondance de l’écrivain avec d’autres artistes et écrivains et le mail art comme construction non seulement d’une communauté d’écrivains mais comme un dialogue transatlantique riche et fécond de l’avant-garde et de la contre-culture entrepris notamment par le biais de la traduction, mais aussi de l’écriture collaborative ou de l’écriture en réseau (Nuttall, Pélieu, Weissner, Burroughs).  Réseau qu’il construit d’ailleurs par l’entremise-même de poèmes dédiés à toute une génération de poètes, sorte d’Internationale poétique avant-gardiste contre-culturelle et mutante (Dernière Minute Électrifiée, 1969 ; Studio Réalité, 1999).

Ce colloque permettra aussi de revenir sur les traductions-adaptations du couple Pélieu-Beach (auto-traductions et traductions d’autres écrivains et poètes de la Beat Generation et de la contre-culture) et de nous interroger tant sur les traductions elles-mêmes que sur la traduction-adaptation comme double de dissémination de textes à caractère subversif. 

Enfin, le colloque pourrait redonner toute sa place à Mary Beach, sa femme, traductrice, éditrice, peintre et collagiste, première femme à pratiquer le cut-up (Electric Banana, 1975), dont l’influence sur le travail de Claude Pélieu a été déterminante. En effet, peut-on parler de l’œuvre de Claude Pélieu quand celle-ci semble tant chevillée au binôme qu’il formait avec Mary Beach, tant leur travail est indissociable (traductions conjointes, traduction des textes de Pélieu par Beach, œuvre commune entre 1989 et 1993) ? Leur collaboration littéraire et artistique constitue une véritable « œuvre croisée » qui, dès le début, est animée par une visée stratégique de subversion de la culture dominante.

Parmi les thèmes que souhaiterait explorer le colloque, on retiendra les pistes suivantes, mais non exhaustives :

  • L’écriture court-circuitée
    • La langue infectée : codage linguistique et transmission virale, la parole disloquée, le texte manipulé, sens et non-sens
    • Formes d’écriture : textes pamphlétaires, manifestes, script-vite, poème-tracts, reportage-poèmes, journaux, haikus, koans, sutras, ready-made, collages
    • Techniques d’écriture : cut-up, poésie concrète, automatisme, filiations et héritages, genres pluriels et intermédialité, renouveau du genre et les avant-gardes mutantes
    • Évolution de l’œuvre de Pélieu : textes charnières, circulations entre écriture/collage/traduction/publication/édition, auto-référence, stratégies et modes d’auto-représentation, autobiographie
    • Rapports et brouillages entre texte, image et collage
  • Thématiques dans l’œuvre de Pélieu
    • Le corps défait, le corps refait, le corps malade
    • Transmission, technologie, science-fiction
    • La conscience écologique à l’œuvre : dégradation environnementale, détritus, recyclage, réparation, hybridité
    • Réalité et illusion : ur-réalité, surréalité, le rêve, le spectacle
  • Intersections, collaborations et résonances
    • Mary Beach en tant qu’écrivaine, éditrice et artiste ; ‘l’œuvre croisée’ de Pélieu-Beach
    • Collaborations artistiques et littéraires : jeunesse parisienne, réseaux américains, beat, et contre-culturels
    • Création, traduction et adaptation : Pélieu en tant que passeur transatlantique
    • Pélieu et l’art visuel et plastique : collage, dessin, poésie concrète et visuel, rencontres artistiques (Raymond Hains, Erró, Jeff Nuttall), bande-dessinée, appropriation et détournement
    • Le rhizome Pélieu (Lucien Suel, Michel Bulteau, F.J. Ossang, Julien Blaine, Alain Jégou, Bruno Sourdin, Joël Hubaut, Bob Kaufman, Charles Plymell, Ed Sanders, Ray Bremser, Jurgen Ploog, Carl Weissner, Alex Trocchi, Jeff Nuttall) /l’écriture en réseaux/stratégies de construction rhizomique par le truchement de l’intertextualité et du paratexte
    • Résonnances de l’œuvre de Pélieu à l’ère du numérique

Les co-organisateurs étudieront aussi les propositions de communications qui portent sur les milieux contre-culturels que Pélieu à côtoyer, les magazines ou revues dans lesquels il a été publié et les trajectoires de figures similaires dans les domaines de l’art, de la poésie, de l’écriture créative et de la traduction au XXe siècle.

*

Les propositions (en français ou en anglais) de 400 mots environ et accompagnées d’une brève bio-bibliographie seront à adresser pour le 7 mars 2020 aux co-organisateurs James Horton (Institut d’histoire moderne et contemporaine, UMR 8066 ; ED 540, ENS), Peggy Pacini (Université de Cergy-Pontoise / EA 7392, AGORA) et Frank Rynne (Université de Cergy-Pontoise/ EA 7392, AGORA) à l’adresse suivante : pelieu2020@gmail.com  

Les propositions seront examinées par le comité scientifique du colloque :

  • Rémi Astruc (EA 7392, AGORA, Université de Cergy Pontoise)
  • Douglas Field (University of Manchester)
  • James Horton (Institut d’histoire moderne et contemporaine, UMR 8066 ; ED 540, ENS)
  • Peggy Pacini (EA 7392, AGORA, Université de Cergy Pontoise)
  • Pierre-Antoine Pellerin (ITT, Université de Lyon 3)
  • Frank Rynne (EA 7392, AGORA, Université de Cergy Pontoise)

*

Calendrier :

7 mars 2020 : date limite d’envoi des propositions de communication

22 mars 2020 : notification d’acceptation des propositions

Conférenciers pléniers confirmés : Benoit Delaune, Jacques Donguy, Pierre Joris