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Colloque "Effet de réel, effet du réel : la littérature médiévale au miroir des histoires"

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Vanessa Ernst-Maillet)

La question du réel est tout entière celle des lettres médiévales : de leur réalité matérielle et intellectuelle, de leur horizon de production et de réception, de leurs auteurs affichés ou anonymes, de leurs destinations. Mais qu’est-ce que le réel au Moyen Âge ? 

Qu’il s’agisse de la matérialité de l’œuvre, de sa paternité, des commanditaires ou des destinataires qui en éclairent l’existence, des faits de langue qui la connotent, la localisent, la datent, l’inscrivent dans un continuum linguistique, des enjeux intellectuels, politiques ou religieux qui la subsument ou de la création poétique ou fictionnelle qui en font une réalité littéraire à la fois subsidiaire et autonome par rapport à l’horizon temporel dans laquelle elle s’écrit, la recherche est confrontée à l’éternel calibrage de la bonne distance critique. Si ce que l’on doit comprendre est déjà en partie compris dans le texte, il est alors indispensable pour l’herméneute de savoir reconnaître ce que l’intention des auteurs a voulu faire apparaître dans l’œuvre pour qu’elle soit ainsi comprise, de savoir identifier ce que s’y est glissé et qui constitue la partie résiduelle du cercle herméneutique que seuls le temps et la recherche peuvent révéler. 

Or ces deux réels peuvent paraître antagonistes. Le premier, que Roland Barthes a baptisé « effet de réel », paraît signaler des processus esthétiques qui jouent sur les ressorts de l’illusion référentielle et de la suspension d’incrédulité. Le second, que Nancy Regalado_a appelé avec une formule heureuse « effet du réel », semble désigner les traces plus ou moins conscientes des relations biunivoques que le texte entretient avec la réalité extratextuelle. Ainsi posés l’un en face de l’autre, ces deux réels semblent recouvrir la presque totalité des lettres médiévales. Rares sont en effet les œuvres où l’auteur n’a pas essayé d’entraîner le lecteur vers un monde en trompe l’œil ; encore plus rares sont les textes qui ne révèlent pas des signes, du moins à nos yeux, de la réalité historique, linguistique ou intellectuelle dont ils sont à la fois le reflet et le creuset. 

Or la notion de réel n’est évidemment pas la même au Moyen Âge et aujourd’hui ; elle est aussi très différente pour un auditeur de la matière de Bretagne ou des chansons de geste au XIIe siècle ou pour un lecteur de Charles d’Orléans et de François Villon à la moitié du XVe siècle. 

Les lettres médiévales posent alors au philologue/herméneute une multitude de questions qui gravitent autour de ces deux réels et de leurs seuils. Qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui ne l’est pas pour un lecteur médiéval qui croit davantage aux merveilles et aux miracles qu’à la réalité qui l’entoure ? En lisant le Roman d’Eneas, dont l’auteur ne revendique pas la source réelle, le lecteur médiéval reconnaît-il dans ce silence une volonté de dissimuler l’effet du réel, une sorte de refus de l’effet de réel ou un effet du réel poétique ? Et que pense_ ce même lecteur devant ce que nous appelons le topos du livre source qu’il rencontre dans la plupart des romans arthuriens ? Effet de réel ou effet du réel, ou les deux, selon que l’on se situe du côté de l’auteur ou d’un lecteur pas toujours suffisant ? Que perçoit_ au juste ce lecteur de l’effet du réel ? Les enjeux historiques, idéologiques, dynastiques qui traversent presque toutes les lettres médiévales et qui en expliquent en partie les raisons et les enjeux, sont-ils compris comme des effets du réel par des lecteurs qui seraient en dehors du cercle des commanditaires ou destinataires ? L’effet de réel du lecteur médiéval est-il le même que croit reconnaître aujourd’hui l’herméneute en quête d’illusion référentielle ? Et, a contrario, comment se façonne pour un auteur médiéval et pour son propre lecteur la perception du réel ? Robert de Clari décrivant Constantinople reflète-t-il ce qu’il voit, ou témoignet-il de la diffusion de la matière d’Antiquité dans son milieu culturel ? Y a-t-il une langue pour les effets de réel et une langue propre à l’effet du réel ? Ces deux effets sont-ils l’un et l’autre liés plus spécifiquement à des genres, à des motifs, à des matières, à des auteurs ? L’illusion référentielle opère-t-elle de la même manière dans un poème en vers ou dans un récit en prose ? Comment la réalité psychologique et la réalité historique peuvent-elles modifier les confins entre ces deux réels jusqu’à parfois les confondre ? Et, encore, comment la réalité plurielle du texte médiéval s’articule-t-elle avec ces deux réels si intimément liés à la subjectivité littéraire ? 

Il ne s’agit là que de quelques-unes parmi les interrogations que pose la question du réel, sous toutes ses formes, dans les textes médiévaux. Ces questions seront abordées lors des deux journées de communications et dans les deux conférences du samedi, ouvertes au grand public : au réel de la ville. Le colloque sera structuré en quatre séances qui recouvrent les principales questions ici évoquées et qui correspondent à autant d’approches du sujet : épistémologique, historique, linguistique et esthétique.

Jeudi 20 janvier

8h45 – Accueil
9h – Introduction

9h15/10h30 – Conférences

* Jean-Jacques VINCENSINI (Univ. Fr. Rabelais / CESR Tours) : Chassez le réel par la porte, il revient par la fenêtre. Observations post-barthésiennes.
* Beate LANGENBRUCH (ENS de Lyon / CIHAM, UMR 5648) : Quête d’identité au miroir de l’altérité voisine : la matière de France et d’Alemaigne.

10h30/11h – Pause

11h/12h30 – Table ronde ÉCLATS DE MONDE

* Thibaut RADOMME (ECCLA, Univ. Jean-Monnet Saint-Étienne) : Joinville metteur en scène : l’art du récit dans la Vie de saint Louis.
* Sung-Wook MOON (Sorbonne Univ., EA 4349 ) : Études et édition de textes médiévaux’ : Rutebeuf contre les Mendiants, ou un sujet d’actualité.
* Emmanuelle DANTAN (LiLPa, Univ. Strasbourg)  : ‘Effet de réel’ et’ effet du réel’ Des voix de femmes dans les chansons de trouvères des XIIe et XIIIe siècle.
* Gautier GRÜBER (Acad. Bordeaux / Lycée Paul-Guérin de Niort) : Réalités politiques dans la Geste des Loherains.

14h/15h15 – Conférences

* Joana CASENAVE (Univ. Lille) : Le geste critique à l’épreuve du réel. Réflexions sur les éditions d’écrits contemporains de la Peste Noire.
* Sébastien FRAY (Univ. Jean-Monnet Saint-Étienne / Laboratoire d’études sur les monothéismes, UMR 8584) : Discours hagiographique et réalité sociale : le cas des miracles de sainte Foy de Conques.

15h15/15h45 – Pause

15h45-17h – Table ronde RÉFÉRENTIELS

* Vera SOUKUPOVÁ (Univ. Charles de Prague) : La référentialité et le reflet du réel dans le discours allégorique : les polémiques tchèques et françaises au temps de crises.
* Nicolas GARNIER (EA 4349 / Sorbonne Univ.) : Trubert : illusion référentielle et référence de l’illusion.
* Valentine EUGÈNE (Sorbonne Univ.) : Fabliaux et sacrilège : le triomphe du réel ?

17h-17h30 – Pause

17h30-18h15 – Conférence

Philippe HAUGEARD (Univ. Orléans / Laboratoire POLEN EA 4710) : Effet de réel et temporalité historique : le paradoxe de la vassalité (Marc Bloch) au miroir de la chanson de geste.


Vendredi 21 janvier

8h30h/10h – Conférences

* Marco MAULU (Univ. Sassari, Sardaigne) : La notion de réel chez les Sept Sages de Rome.
* Hélène BOUGET (Univ. Bretagne Occidentale, Brest) : Faille textuelle, faillite du réel dans quelques manuscrits de la Queste del Saint Graal.

10h/10h30 – Pause

10h30-11h45 – Table ronde SAVOIRS & INSTITUTIONS

* Jérôme DEVARD (CESFima/Polen EA 4710) / Université d’Orléans) : Quand la littérature épique devient une source juridico-historique : l’illusion référentielle de la
cour des pairs primitive à l’institution des douze pairs fictionnels.
* Tamara ALVARADO (Sorbonne Nouvelle. ED 120, Littérature comparée) : Le topos du livre source dans les romans et les traités magico-scientifiques. L’utilisation de la fiction pour cacher la réalité des textes (XIIIe et XVe  siècles).
* Annelise RENCK (Carroll College, Helena, Montana, États-Unis) : La lecture dévotionnelle au XVe siècle : la médiation du livre dans La Grant Vita Christi en françoys.

13h30-15h00 – Conférences

* Bernard RIBÉMONT (Univ. Orléans/ MARen) : Écriture philosophico-encyclopédique et effet de réel : Guillaume de Conches et Adélard de Bath.
* Sabrina FERRARA (Univ. Fr. Rabelais / CESR  Tours) : Historia « réelle » et historia personnelle dans les Epîtres de Boccace.

15h/15h30 – Pause

15h30/17h – Table ronde CAS « CHRONIQUES »

* Charlotte GUIOT (Univ. Grenoble / UMR 5136) : Le chroniqueur poète : dialogue entre réel et fiction pastorale dans quelques pastourelles de Jean Froissart.
* Ismérie TRIQUET (Univ. Rouen, GRHis EA 3831) : Le traitement iconographique de la Normandie et de l’Angleterre dans les chroniques historiques de la fin du Moyen Âge : entre réel et imaginaire.
* Lucia ARRIGHI (Sorbonne Univ.-CLEA EA 4083 / Univ. Corse – UMR LISA 6240) : Les Choses de Corse de Giovanni della Grossa (1380-1464) : fable, fiction ou histoire ?
* Cristian BRATU (Division Director for French & Italian; Department of Modern Languages & Cultures, Baylor University, États-Unis) : L’histoire et ses « effets » : effet de parlé et effet d’écrit dans les récits historiques médiévaux.

17h/17h30 – Pause

17h30/18h15 – Conférence

* Edina BOZOKY (Univ.  Poitiers) : L’effet de réel chez Jean d’Outremeuse : les épisodes de l’Histoire des Huns.
* Christine FERLAMPIN-ACHER (Univ. de Rennes II) : Onomastique, gestes et émotions : effets de/du réel (XIVe-XVe s.) du manuscrit à l’imprimé dans quelques textes néo-arthuriens.


18h15/19h15 – CONFÉRENCE de CLÔTURE (Espace Pierre Mendès France)

Conférence de Michel ZINK de l’Académie française

 
 Samedi 22 janvier
 
 
9h15/12h – Assemblée générale SLLMOO 

14h-16h – Table ronde : Effet de réel et du réel du Moyen Âge à la Renaissance (Projet FESMAR)