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Collectif contre l'articide (textes libres)

Collectif contre l'articide (textes libres)

Publié le par Aurelien Maignant (Source : Aurélie Foglia )

Collectif contre l’articide

Participez à la naissance d’une notion

L’articide, c’est quand l’autre s’interpose et dit : tu ne créeras pas.                                                                                                 

L’articide, c’est quand l’autre détruit votre œuvre et veut vous tuer à travers elle.

Les mots en –cide se sont multipliés. Pourquoi en ajouter encore un à la liste, à la litanie ? Parce que c’est un mot qui ne peut pas s’empêcher de crier. Parce qu’il permet d’amener jusqu’à la parole tout un pan de violences qui restaient jusque-là tues et étouffées.

 L’articide, mot forgé sur le féminicide et l’écocide, signifie la destruction partielle ou totale d’une œuvre d’art. Il concerne toutes les pratiques artistiques sans exclusion. Comme l’homicide volontaire, il suppose l’intention de détruire et la conscience dans le mal. Ce mot fait partie de ceux qu’on invente parce qu’on ne peut pas accepter ce qu’ils représentent. 

Notre définition de l’articide comprend l’atteinte aux capacités créatrices de quelqu’un. Un peintre peut être amputé de ses mains, un musicien ; un danseur de ses jambes, un chanteur de son chant, un poète. Un être porte en lui, plus souvent qu’on ne croit, le corps mort de l’artiste qu’il a été, et qu’on a tué.

Les violences, nous le savons, ne sont pas seulement physiques. Les dégâts ne sont pas que matériels. Il en existe toute une gamme, comme des tortures, qu’elles soient corporelles, psychiques ou morales. Il y a des phrases ou des situations qui font aussi mal qu’un coup de fouet ou de couteau. 

L’articide : le massacre se passe là, maintenant. Pas au Moyen-âge. Et encore, peut-être le Moyen-Âge était-il plus en avance que nous sur ce point. Nous touchons à ce qui est resté enfoui, un immense continent de souffrance et de non-dits. Parfois nous l’avons vu affleurer, à la façon dont les traumas remontent à la mémoire et signalent par intermittence leur persistance dans un corps, dans un corpus. Nous proposons de recueillir des récits et des images pour les porter à la puissance du témoignage. Ce dernier peut prendre des formes d’expression très variées, celles qui vous sembleront les plus justes, les plus vraies, qu’elles racontent fidèlement les faits ou préfèrent le détour de la fiction. Une œuvre se situe à ce point de bascule où le plus personnel devient parlant pour tous.

La notion d’articide nous incite à interroger la place de l’art et de l’artiste dans son rapport à l’autre, quand ce rapport se dérègle jusqu’au délire. Qui est cet autre, le destructeur ? Attention, ce collectif n’est pas le lieu de vieux règlements de compte. Nous ne formerons pas un essaim d’Érinyes assoiffées de vengeance. Les bourreaux ne sont pas nos héros : ils n’ont, en eux-mêmes, aucun intérêt. Il nous faut autant de visages vides, de pervers anonymes et de cas particuliers.

L’autre, ce peut être le proche, membre de la famille, porteur d’autorité, distribuant les interdits comme des gifles. Dans le cercle intime c’est aussi, au sein du couple, celui qu’on croyait aimant, et dont on découvre qu’il va faire régner la terreur jusqu’au meurtre symbolique.

L’autre peut prendre une dimension étatique, et il serait intéressant que des historiens mènent l’enquête sur ce terrain. On a vu des systèmes politiques prendre le parti de condamner des œuvres entières, comme d’effacer des êtres. Et les ciseaux de la censure morale ou de certaines religions ne se sont pas privé de sévir et couper court. L’autodafé, la négation et l’éradication ont fait leur œuvre à leur façon.

L’Assemblée nationale débat actuellement sur la reconnaissance du crime d’écocide. C’est une grande avancée. Quant à la notion d’articide, néant. Le vide juridique à ce sujet est inimaginable. La destruction d’œuvres d’art reste assimilée à la destruction de biens matériels. Et encore, on peut vous répondre que ce ne sont pas des biens de valeur. Vous portez plainte, elle n’a aucun écho. Faute de lois, toutes les institutions qu’on croyait chargées de notre protection fonctionnent à tâtons ou, tout simplement, s’en lavent les mains. Pourquoi quelqu’un qui aujourd’hui en France détruit sciemment des œuvres d’art jouit-il de la plus totale impunité ?

Vous avez vécu un articide, ou vous en avez entendu parler, de ces choses atroces qu’on chuchote, et vous en avez été assombris et affectés. Même si cette démarche vous coûte, vous sentez que vous ne pouvez plus esquiver la question, qu’elle vous travaille, c’est sain, et que vous allez répliquer à la mort par l’expression. Ce collectif est un appel à témoignages. Vous êtes écrivain, plasticien, chanteur, danseur, musicien, sociologue, psychologue, historien, juriste, critique, philosophe ou autre. Quelque chose dans ce projet vous trouble et remue en vous la fibre qui donne envie de penser, de parler, de creuser, de partager, de lutter contre les inerties, les crimes qu’on oublie, les scandales qu’on enterre, au nom de l’art et de sa valeur ? Dites-le. Dépeignez-le. Théorisez-le. Dansez-le.

Nous vous invitons à nous répondre par une œuvre. C’est libre. Donnons-nous un an pour la récolte. Vos textes sont à envoyer à info@articide.org. Nous sommes là aussi pour répondre à vos questions.

Aurélie Foglia

Maud Thiria

 

Un comité de lecture est en train de se constituer. Parmi les premiers noms:

Yves Boudier

Bernard Noël

Marielle Macé

Jean-Claude Pinson

Pierre Vinclair