Actualité
Appels à contributions
Qu’est-ce que le théâtre maghrébin ? (revue Expressions maghrébines)

Qu’est-ce que le théâtre maghrébin ? (revue Expressions maghrébines)

Publié le par Marc Escola (Source : Edwige Tamalet Talbayev)

Expressions maghrébines

Revue de la Coordination internationale des chercheurs sur les littératures du Maghreb

www.ub.edu/adhuc/em

Vol. 21, nº1, été 2022 : Appel à articles

 

(english version below)

Qu’est-ce que le théâtre maghrébin ?

Dossier cordonné par Omar Fertat

Date limite soumission des articles : 30 juin 2021

Parution : juin 2022

 

On peut légitimement se poser cette question. En effet, si des expressions comme « roman maghrébin », « poésie maghrébine » ou même, au-delà de la littérature, « cinéma maghrébin » renvoient à des domaines d’expression ou à des champs d’études bien définis – dont certains représentent des disciplines spécifiques enseignées à l’Université – ce n’est pas le cas pour le théâtre maghrébin. Celui-ci n’est le plus souvent évoqué qu’en tant que composante de deux grandes entités : soit celle de la littérature francophone, quand il s’agit de dramaturges écrivant en français, tels Kateb Yacine, Abdellatif Laâbi, Slimane ben Aïssa, Driss Ksikes, Mahmoud Aslan… ; soit celle du théâtre arabe, quand il est question de dramaturges de langue arabe comme Ahmed Tayeb Al-Alj, Abdelkader Alloula ou Azzedine Madani.

Toutefois, quand on entend l’étudier de plus près, en dépit de sa dilution dans les grands ensembles que nous venons de citer, il apparaît bien que le théâtre maghrébin, à l’instar des autres expressions littéraires et artistiques propres à cette aire géographique et culturelle, a des spécificités intrinsèques et même, dispose d’une histoire singulière. Les pays du Maghreb ont effectivement fortement marqué l’histoire du théâtre arabe en donnant naissance à des artistes de grande envergure comme Tayeb Saddiki, Fadhel Jaïbi, Jalila Bakar, Moncif Souissi, Abdelkader Alloula…, et en abritant des expériences originales voire avant-gardistes comme celles initiées par la compagnie le Nouveau Théâtre en Tunisie, ou par la troupe du Théâtre des Gens au Maroc. Aujourd’hui encore, le festival de Carthage en Tunisie, l’un des plus anciens festivals de théâtre en Afrique et dans le monde arabe, est considéré comme l’un des rendez-vous les plus importants et les plus prestigieux dédiés au quatrième art.

Aujourd’hui encore, une période de l’Histoire du théâtre maghrébin, reste à écrire.

En effet, si l’histoire moderne du théâtre dans les pays du Maghreb est bien connue, celle de la période antique reste quasi inexplorée. Malgré l’existence d’auteurs maghrébins, comme Térence (195-159 ap. J.-C), qui se sont illustrés en composant en latin des œuvres théâtrales, rares sont les chercheurs qui se sont intéressés aux arts du spectacle à l’époque où l'Afrique du Nord était une province de l'empire Romain. Grâce aux études anthropologiques et au développement des études berbères, on commence depuis quelques décennies à en savoir un peu plus sur les formes spectaculaires qui ont été pratiquées par les Amazighes et dont certaines, selon quelques chercheurs, sont des survivances de pratiques datant de l’époque romaine.

Quant à l’évolution du théâtre pendant le Moyen-Âge et l’époque moderne, quels que soient les pays du Maghreb, celui-ci a obéi pratiquement à la même logique et suivi, pendant de longues années, le même cours : d’abord l’apparition de formes spectaculaires dites traditionnelles comme la halqa puis la naissance du théâtre dans sa forme moderne due à l’influence, quoique limitée, des troupes européennes et surtout grâce aux visites des troupes orientales à partir du début du XXe siècle.

C’est à partir de la période des indépendances que l’évolution de l’art dramatique au Maghreb différera d’un pays à l’autre, chacun voyant se développer ses spécificités locales et nationales.

Toutefois, au-delà des dernières divergences, si l’on essaie de trouver quelles caractéristiques seraient propres au théâtre maghrébin et le différencieraient des autres théâtres arabes, deux axes se dégagent avec force : celui du multiculturalisme et celui du plurilinguisme. En effet, l’art dramatique au Maghreb se décline en trois langues sous-tendant trois pans culturels : l’arabe, dans ses variations classique et maghrébine, l’amazigh et le français. Ce plurilinguisme ne se rencontre que très rarement dans les autres pays arabes. Cet héritage linguistique multiple a été enrichi par les dramaturges maghrébins qui ont émigré en Europe, surtout en France, à l’image de Slimane Benaïssa, Mohamed Chouaki, Mohamed Kacimi, et dont certains n’ont eu de cesse de faire des allers et retours entre leur pays d’accueil et leur terre d’origine.

Ces dernières décennies, grâce à une nouvelle génération, le théâtre maghrébin a brillé de mille feux lors des festivals et rencontres théâtrales arabes en proposant des pièces originales et en remportant plusieurs prix. Néanmoins, malgré quelques expériences réussies dues essentiellement aux efforts individuels de quelques dramaturges, la situation générale de l’art dramatique au Maghreb reste très fragile. Les derniers événements politiques qui ont embrasé les pays arabes et dont la première étincelle est partie de Tunisie, ont bien sûr eu des répercussions importantes sur les expressions artistiques, dont l’art dramatique, et sur les politiques culturelles des pays du Maghreb où les artistes aspirent à plus de démocratie et où la jeunesse est aujourd’hui tiraillée entre deux tentations : celle de la modernité et celle de l’islamisme politique.

Ce numéro d’Expressions maghrébines sera l’occasion de mieux définir les contours d’un théâtre maghrébin multiculturel et plurilingue en approfondissant son histoire, en mettant en lumière le travail des hommes et les femmes qui l’ont façonné et qui continuent à le faire vivre, en essayant d’en dégager les particularités distinctives par rapport aux autres théâtres aussi bien arabes qu’européens et, enfin, en explicitant les enjeux actuels qui le traversent et les défis auxquels il est aujourd’hui confronté.

Voici quelques axes qui peuvent être traités :

- Histoire du théâtre maghrébin de l’époque romaine à nos jours­

– Le théâtre maghrébin et la colonisation

- Figures majeures du théâtre maghrébin (Tayeb Saddiki, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, Fadhel Jaïbi, Jalila Baccar…)

- La question de la langue dans le théâtre maghrébin

- Les nouvelles tendances artistiques dans le théâtre maghrébin (performances, installation théâtre post-moderne…)

- La traduction et l’adaptation dans le théâtre maghrébin

- La diffusion du théâtre maghrébin (édition, réseaux sociaux, etc.)

- La place de la Libye et de la Mauritanie dans le paysage théâtral maghrébin

- Le théâtre maghrébin en exil ou en situation d’immigration

- Les interactions du théâtre maghrébin avec les expressions dramatiques européennes

- La place du théâtre maghrébin dans la scène théâtrale arabe

- Le théâtre maghrébin à l’épreuve des postcolonial studies

*

Les articles ne devront pas dépasser 40.000 signes, espaces inclus (6.000 mots environ). La ponctuation, les notes et les références doivent être conformes aux normes appliquées par la revue : http://www.ub.edu/adhuc/em.

Les demandes de renseignements complémentaires et les articles complets doivent être adressés par courrier électronique avant le 30 juin 2021 à la présidente du comité scientifique : expressions.maghrebines@ub.edu.

 La section VARIA de la revue maintient toujours un appel à articles (sans date limite de soumission) concernant les cultures maghrébines : littérature, cinéma, arts...

* *

Vol. 21, n. 1, Summer 2022 : Call for Papers

Qu’est-ce que le théâtre maghrébin ?

Edited by Omar Fertat

Final Papers Submission Deadline: 30 June 2021

Publication: June 2022

 

One can legitimately ask this question. Indeed, if expressions such as "the Maghrebi novel", "Maghrebi poetry" or even, beyond literature, "Maghrebi cinema" refer to well-defined fields of expression or fields of study—some of which represent specific disciplines taught at the University—this is not the case for Maghrebi theater. The latter is most often evoked only as a component of two major entities: either Francophone literature, when it comes to playwrights writing in French, such as Kateb Yacine, Abdellatif Laâbi, Slimane ben Aïssa, Driss Ksikes, Mahmoud Aslan...; or Arabic theater, when it comes to playwrights writing in Arabic such as Ahmed Tayeb Al-Alj, Abdelkader Alloula, or Azzedine Madani.

However, when one tries to study it more closely, despite its dilution in the large categories that we have just mentioned, it becomes clear that Maghrebi theater, like other literary and artistic expressions specific to this geographical and cultural area, has intrinsic specificities and even has a singular history. The Maghrebi countries have left a strong imprint on the history of Arab theater thanks to major artists such as Tayeb Saddiki, Fadhel Jaïbi, Jalila Bakar, Moncif Souissi, Abdelkader Alloula, among others, as well as original and avant-garde experiences such as those initiated by the company Le Nouveau Théâtre in Tunisia or by the troupe of the Théâtre des Gens in Morocco. Still today, the Carthage Festival in Tunisia, one of the oldest theater festivals in Africa and the Arab world, is considered to be one of the most important and prestigious events dedicated to the fourth art.

Today the next page in the history of North African theater is yet to be written.

Indeed, if the modern history of theater in the Maghrebi countries is well known, that of the ancient period remains almost unexplored. Despite the existence of Maghrebi authors, such as Terence (195-159 AD), who distinguished themselves by composing theatrical works in Latin, few researchers have been interested in the performing arts at the time when North Africa was a province of the Roman Empire. Thanks to anthropological studies and the development of Berber studies, in recent decades we have begun to learn a little more about the spectacular forms that were practiced by the Amazigh, some of which, according to some researchers, are survivals of practices dating back to Roman times.

The evolution of the theater during the Middle Ages and the modern era in all Maghrebi countries obeyed practically the same logic and for many years followed the same course: first the appearance of so-called traditional spectacular forms like the halqa and then the birth of theater in its modern form due to the (limited) influence of European troupes and more centrally to the visits of Mashreqi troupes from the beginning of the 20th century.

It is from the period of independence that the evolution of the dramatic arts in the Maghreb will differ from one country to another, each country seeing the development of its local and national specificities.

However, beyond the later divergences, two main characteristics differentiate Maghrebi theater from other Arab theaters: multiculturalism and plurilingualism. Indeed, the dramatic arts in the Maghreb have developed in three languages, each underpinning a different cultural area: Arabic, in its classical and Maghrebi forms, Amazigh, and French. This plurilingualism is rarely found in other Arab countries. This multiple linguistic heritage has been enriched by the Maghrebi playwrights who emigrated to Europe, especially France, like Slimane Benaïssa, Mohamed Chouaki, Mohamed Kacimi—some of whom have never stopped going back and forth between their host country and their homeland.

In recent decades, thanks to a new generation, Maghrebi theater has shone brightly at Arab festivals and encounters on account of its original plays, which won several prizes. Nevertheless, despite some successful experiences mainly due to the individual efforts of some playwrights, the general situation of the dramatic arts in the Maghreb remains very fragile. The latest political events that have engulfed the Arab countries starting with Tunisia have had significant repercussions on artistic expressions, including drama, and on the cultural policies of the Maghreb countries, where artists aspire to more democracy and where youth is today torn between two temptations: modernity and political Islamism.

This issue of Expressions maghrébines will provide an opportunity to better define the contours of a multicultural and multilingual Maghrebi theater by deepening its history, by highlighting the work of the men and women who have shaped it and who continue to bring it to life, by trying to identify its distinctive features compared to other theaters, both Arab and European, and, finally, by explaining the current issues at stake and the challenges it faces today.

Below are some issues that can be addressed:

- History of Maghrebi theater from the Roman period to the present

- Maghrebi theater and colonization

- Major figures of Maghrebi theater (Tayeb Saddiki, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, Fadhel Jaïbi, Jalila Baccar ...)

- The question of language in Maghrebi theater

- New artistic trends in Maghrebi theater (performances, post-modern theater installation ...)

- Translation and adaptation in Maghrebi theater

- The diffusion of Maghrebi theater (publishing, social networks, etc.)

- The place of Libya and Mauritania in the Maghrebi theatrical landscape

- Maghrebi theater in exile or in situations of immigration

- Interactions of Maghrebi theater with European dramatic expressions

- The place of Maghrebi theater in the Arab theater scene

- Maghrebi theater through the lens of postcolonial studies

*

Articles should not exceed 40,000 characters, spaces included (approximately 6,000 words). Punctuation, footnotes, and references must conform with the journal’s norms: http://www.ub.edu/adhuc/em.

Articles or requests for further information should be sent to the Chair of the Editorial Board at: expressions.maghrebines@ub.edu.

The journal’s VARIA section maintains an open call for articles concerning Maghrebi cultures: literature, cinema, arts…