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À boire et à manger : la gastronomie dans les cultures de l’imaginaire (MSH Bretagne)

À boire et à manger : la gastronomie dans les cultures de l’imaginaire (MSH Bretagne)

Publié le par Marc Escola (Source : Joan Grandjean)

Journée d’étude

Jeudi 28 octobre 2021

Salle de conférence de la Maison des Sciences de l’Homme en Bretagne (MSHB)

ou via une interface de vidéoconférence en ligne.

 

PRÉSENTATION

If more of us valued food and cheer and song above hoarded gold, it would be a merrier world”, J.R.R. Tolkien, The Hobbit

Cette citation de Tolkien donne une bonne idée de la place de la nourriture dans la fiction : marginale, rarement au cœur de la narration, mais omniprésente. Manger et boire sont une part de notre quotidien, une part difficile à ignorer lorsque l’on s’efforce de construire un univers, ou d’élaborer une histoire cohérente. Ce traitement peut différer en fonction du média : ainsi la littérature ne donnera pas la même place aux thématiques culinaires que le jeu vidéo ou encore le cinéma.

C’est la diversité de ces traitements, le sens qu’ils peuvent porter, et les représentations autour de la gastronomie dans l’imaginaire, que nous souhaitons explorer durant cette journée d’étude.

AXES

Les problématiques soulevées par le sujet de l’alimentation dans l’imaginaire apparaissent dès qu’il est question de sa production. L’agriculture et l’élevage sont autant de thématiques relevant de l’écologie d’un environnement fictif dont il faut comprendre et définir la logique. La prospective donne parfois à voir des systèmes agronomiques novateurs, répondant aux besoins d’une humanité avancée ou déchue. Dans le genre du post-apo comme en science-fiction, il s’agit donc d’une question de survie (on pense notamment à la saga The Expanse, dans laquelle seules les cultures de champignons permettent de survivre dans les environnements spatiaux hostiles), et le sujet de la famine devient souvent central dans ce genre de fiction. Se pose dès lors la question du rationnement, qu’on retrouve également dans le genre de la dystopie et le sous-genre de la SF militaire.

On constate souvent que les médias de l’imaginaire ne laissent qu’une place limitée à l’agriculture, et on trouve au cœur des questions d’approvisionnement la chasse et la cueillette. Dans les RPG (sous-genre vidéoludique laissant une place prépondérante à l’incarnation d’un personnage) ce phénomène est un cas d’école. Qu’il s’agisse du jeu états-unien Skyrim – dans lequel le·a personnage-joueur·euse récupère des mets au sein des habitations et champs d’autrui et dépèce les animaux chassés pour en tirer chair, peaux, crocs et griffes – ou de la licence japonaise Pokémon – qui propose de récolter baies et fleurs – cette pratique semble inhérente au sous-genre. Par ailleurs, quand on considère la chasse, les rôles s’inversent parfois, et les cultures de l’imaginaire regorgent de monstres et entités (ogres, morts-vivants, prédateurs aliens, robots malveillants, animaux légendaires, plantes voraces et autres êtres civilisés) qui font des protagonistes leurs proies, si ce n’est leur bétail

Quelles que soient les méthodes de récolte et de traque, l’étape qui suit est celle, prosaïque, de la préparation. Les genres de l’imaginaire proposent autant d'approches de la cuisine qu’ils présentent de chasseur·se·s-cueilleur·se·s. En SF, la question est souvent réglée par l’usage d’une machine : le réplicateur de Star Trek, les micro-ondes du Cinquième Élément ou de Retour vers le futur (machines qui phagocytent désormais notre réalité notamment au détour de l’impression 3D). La question du goût et de l’expérience culinaire est par conséquent associée au cas de la nourriture transformée, si ce n’est ultra-transformée. On pense évidemment aux rations militaires, où encore au gruau de Matrix. Tolkien propose par ailleurs sa propre version de la ration nutritive avec le lembas qui, s’il n’est pas sans goût, s’avère lassant pour les papilles. Ce cas précis permet entre autres d’aborder la notion de l’humour et de la parodie culinaires. Le lembas est ainsi repris dans Les Annales du Disque-Monde à travers le pain des nains : aussi roboratif que la préparation elfique, il semble cela dit impropre à la consommation du fait de sa dureté, comme si les nains ne savaient faire autre chose que forger. Les dragées surprises de Bertie-Crochue (Harry Potter) relèvent tout autant de la plaisanterie d’écriture que de l’établissement de la fiction. Bien souvent, on retrouve une place importante de la nourriture dans les œuvres qui souhaitent parodier le genre de la fantasy ou de la science-fiction (en bande dessinée on peut citer Traquemage, et Les Aventuriers du Survivaure pour le podcast), lui conférant une place notable dans le récit.

À l’inverse, on trouve des fictions qui accordent aux cuisinier·ère·s un rôle prépondérant : métier fréquent des RPG (comme World of Warcraft ou The Legend of Zelda), il l’est également en jeu de rôle papier où il est garant de la bonne humeur et de la santé de ses camarades. Il en va de même dans le roman l’Espace d’un an, où le vaisseau bénéficie de Docteur Chef, un·e alien cuistot, en lieu et place des réplicateurs évoqués plus haut. La cuisine n’est donc pas absente de l’imaginaire et a même tendance à dépasser les frontières des genres. En effet, on peut trouver des livres de cuisine qui proposent de reproduire recettes et plats de mondes fictionnels à partir d’ingrédients bien réels. On citera bien entendu les ouvrages du Gastronogeek, mais aussi ceux dédiés à des univers précis comme ceux de Star Wars et des films de Miyazaki.

Selon les récits, la nourriture sera consommée, dégustée ou engloutie une fois préparée. Outre le sentiment de satiété, manger est le plus souvent synonyme de récupération : la barre de vie de The Witcher 3 se renouvelle grâce à la nourriture ingérée ; il symbolise aussi l’“étape”, celle que l’on s’octroie dans les récits de voyage de fantasy pour ensuite mieux poursuivre la quête – haltes que l’on retrouve dans les Dark Souls, notamment. Le terme “se restaurer” prend alors tout son sens. Cela amène parfois à des dérives : dans l’Assassin Royal, le protagoniste consomme de manière intensive des infusions d’écorce elfique, mais également des pâtisseries à base de graines de carris, deux substances hautement énergisantes mais addictives et aliénantes.

L’acte de manger en tant que tel paraît déjà chargé de signification. La nourriture a un pouvoir transformateur, voire sacré. Dans The Legend of Zelda : Breath of the Wild, les plats consommés permettent de modifier les caractéristiques de Link : Volt protège des dommages électriques, Inifus du feu, Silencio améliore la furtivité, etc. Elle est aussi souvent vectrice de sortilèges : on pensera aux fruits du démon de One Piece, aux loukoums de Narnia ou aux buffets du Voyage de Chihiro qui changent les goinfres en cochons. Ce dernier cas met en avant la dimension sacrée de la nourriture et le jugement porté sur sa consommation en excès. Les représentations du péché de gourmandise étant encore très présentes dans la culture populaire, on pourrait se poser la question de la perception grossophobe de telles images.

Si la nourriture peut être délicieuse et l’appétit signe d’un caractère jovial (comme c’est le cas chez les protagonistes des mangas nekketsu), le·a mangeur·se peut très vite revêtir une dimension monstrueuse. Le cannibalisme constitue à cet égard un véritable topos. Symptomatique de dérives sociales, d’une société qui s’effondre, il révèle l’être humain comme un monstre : qu’il s’agisse d’un cas pragmatique – comme en fiction post-apocalyptique – ou allégorique – comme dans le polar où le cannibale revêt une fonction plus symbolique et perturbante encore, à l’image du gastronome Hannibal Lecter de Dragon Rouge.

À cette question de la gastronomie vient en outre s’associer celle du dressage et du service. On peut à cet effet évoquer les buffets imaginaires de Hook, qui mettent en exergue le décalage merveilleux entre le monde de la fiction et le monde réel. Parfois, le service est placé sous le signe du grotesque et de l’excès, voire de l’horreur (dans le film Scooby-Doo, la nourriture fait des affamés son repas dans l'attraction du manoir hanté). La nourriture peut également être gâtée, empoisonnée, pourrie… ou la mise en scène de celle-ci peut être pensée pour inspirer le dégoût. Au cinéma, le genre du thriller et de l’horreur fait alors appel à l’effet Koulechov afin d’orienter le ressenti du spectateur, en faisant par exemple se suivre l’insert d’un plat avec un plan sur un cadavre en putréfaction.

En sus de cela, le dressage de l’alimentation et de la boisson l’accompagnant revêt une dimension sociale. Un repas partagé à table n’aura pas le même sens et la même finalité que celui consommé de manière solitaire. Le lieu où la nourriture est cuisinée et/ou servie s’avère tout aussi important que la nourriture elle-même, et le motif de la taberge (mot-valise associant les mots “taverne” et “auberge”) du jeu de rôle en est une manifestation. La frontière entre lieu et nourriture ira parfois jusqu’à disparaître, car, si on se souvient des jeux vidéo comme Rayman, qui font évoluer le protagoniste dans des mondes entiers constitués de nourriture, les codes de l’imaginaire et de leurs médias sont employés pour représenter un univers a priori absurde.

On pensera enfin à la dimension de l’érotisme gastronome, où l’acte de sustentation et de préparation se parent d’une nouvelle satisfaction des sens, et aux plaisirs gustatif et scopohile qui s’y mêlent. Au-delà des pratiques et jeux culinaires dans un cadre charnel, la figure du vampire et sa sensualité vorace, qui dévore la nudité et le fluide vital de ses victimes, apparaît comme le parangon du fin gourmet, buvant pour mieux se sustenter. 

Que les festivités commencent !

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ORGANISATION

La journée d’étude, organisée dans le cadre du Mois de l’Imaginaire, aura lieu le jeudi 28 octobre 2021, à la Maison des Sciences de l’Homme en Bretagne, à proximité du campus Villejean de l’Université Rennes 2 et/ou, selon les circonstances sanitaires, via une interface de vidéoconférence en ligne.

Organisée par l'association du Laboratoire des Imaginaires, elle est destinée en priorité aux jeunes chercheur·euse·s, doctorant·e·s, masterant·e·s, ou étudiant·e·s en licence, qui souhaitent consacrer une part de leurs recherches aux cultures de l'imaginaire.

MODALITÉS DE CONTRIBUTION

Il est conseillé de consulter la définition des cultures de l’imaginaire proposée par l’association afin de vous assurer de la cohérence de votre proposition vis-à-vis de l’appel. Vous pourrez la trouver à l’adresse suivante : https://lelaboratoiredesimaginaires.wordpress.com/about/

Les propositions sont attendues pour le samedi 25 septembre 2021. Ces dernières devront comporter deux documents : une proposition anonyme incluant un titre et un résumé de votre communication de 1500 caractères (espaces compris), ainsi qu’un autre document de présentation comprenant votre nom, prénom, et votre bio-bibliographie. Afin de faciliter le traitement des propositions, merci de suivre le modèle d’intitulé suivant : NomPrenom_Titre-de-la-communication_Proposition pour le premier document et NomPrenom_Titre-de-la-communication_Bio pour votre biobibliographie.

Ces propositions doivent être envoyées à l’adresse du Laboratoire des Imaginaires : laboratoiredesimaginaires@gmail.com

La réponse du comité de direction sera donnée le 1er octobre

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COMITÉ ORGANISATEUR

Le Laboratoire des Imaginaires est une association étudiante de Rennes 2, fondée dans le but de valoriser les travaux de recherche des étudiant·e·s spécialisé·e·s dans les médias de l’imaginaire.

Le comité organisateur de la journée d’études est constitué des membres du bureau, ainsi que de plusieurs étudiant·e·s bénévoles :

Corentin Daval

Leslie Jannin

Marie Kergoat

Fanny Ozeray

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Christophe David, maître de conférences en philosophie à l’Université Rennes 2

Joan Grandjean, assistant et doctorant en histoire de l’art à l’Unité d’arabe de l’Université de Genève

Manon Tardy, doctorante en littérature générale et comparée aux Universités Bordeaux-Montaigne et de Nantes

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

Anderson Robert Tuesley, Les Recettes du monde de Tolkien. 75 recettes inspirées par la Terre du Milieu, traduit du britannique par Hanart Xavier, Vanves, Hachette, coll. « Hachette Heroes », 2020.

Blanc William, “Festins à la cour du roi Arthur”, dans Kaamelott. Un livre d’histoire, Besson Florian et Breton Justine (dir.), Paris, Vendémiaire, 2018, p.207-220.

Dunyach Jean-Claude, Alimentation et société. SF: À la table des matières. Entretien réalisé par Jacques Rochefort dans le cadre de la Mission Agrobiosciences, 23/03/2009. URL : https://www.agrobiosciences.org/archives-114/alimentation-et-societe/publications/ca-ne-mange-pas-de-pain/article/alimentation-et-societe-sf-a-la-table-des-matieres#.YQEoyC0itQI [consulté le 28/07/21].

Jourdan Vincent , “Déjeuner du futur”, Le ventre et l’oreille, 01/07/2019. URL : https://leventreetloreille.com/dejeuner-du-futur/ [consulté le 28/07/21].

Léonard Maxime, Villanova Thibaud, Gastronogeek : 42 recettes inspirées des cultures de l’imaginaire, Vanves, Hachette, coll. “Hachette Heroes”, 2014.

Lévi-Strauss Claude, Le Cru et le Cuit, Paris, Plon, 1964.

Lévi-Strauss Claude, “L’Origine des manières de table”, dans L'Homme et la société, n°11, 1969.

Novak Matt, “Meal-in-a-pill: A staple of science fiction”, BBC, 18/11/2014. URL : https://www.bbc.com/future/article/20120221-food-pills-a-staple-of-sci-fi [consulté le 28/07/21].

Parmentier Bruno, “Quand la Science-fiction interroge notre rapport à l’agriculture”, Nourrir Manger, 17/04/2018. URL : http://nourrir-manger.com/2018/04/17/quand-la-science-fiction-interroge-notre-rapport-a-lagriculture/ [consulté le 28/07/21]. 

Villanova Thibaud, Star Wars Cantina. 40 recettes d’une galaxie très lointaine, Vanves, Hachette, coll. “Hachette Heroes”, 2016.

Vo Minh-Tri, Thévenon Claire-France, Les Recettes des films du Studio Ghibli, Paris, Ynnis Éditions, 2020.

Wilde Fran, et al., “Food of the future”, Tor.com, 30/01/2016. URL : https://www.tor.com/2014/01/30/food-of-the-future-roundtable/ [consulté le 28/07/21].