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Bizarreries spectaculaires. Vers un dépaysement des arts vivants actuels (Bordeaux)

Bizarreries spectaculaires. Vers un dépaysement des arts vivants actuels (Bordeaux)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Alexandre MARTIN)

Bizarreries spectaculaires. Vers un dépaysement des arts vivants actuels 

Ce projet de recherche, soutenu par l’école doctorale Bordeaux-Montaigne et le laboratoire CLARE/ARTES est à l’initiative de trois doctorants en Communication, Arts et Spectacles. Il vise à interroger certaines formes de spectacles, émergentes dans l’époque actuelle mais considérées comme mineures, incongrues sinon exclues des arts de la scène. Bien qu’il existe déjà de nombreuses rencontres universitaires traitant du spectacle vivant contemporain, nous avons choisi d’axer notre cycle de recherche sur un certain type d’œuvres que nous nommerons les « bizarreries spectaculaires ».

L’adjectif « bizarre » renvoie à ce qui s’écarte de la norme mais également à ce qui est difficile à comprendre à cause de son caractère étrange. Ce terme renvoie également à l’histoire des cabinets de curiosités dont l’objectif était de collectionner des objets inconnus, souvent dans un but scientifique, afin d’en analyser les formes, d’en comprendre les fonctions et d’en déterminer les origines. Une bizarrerie, tout comme une curiosité, attire dans un premier temps par sa singularité mais déclenche ensuite une soif de connaissance et un désir d’exploration.

Une partie des objets spectaculaires de l’époque actuelle semble bel et bien relever de ces qualificatifs propres aux curiosités. Ils sont inclassables (tout comme les apparitions de Pandemonia, les travaux de Cybersissy & BayBjane etc.), hybridés (nous pensons notamment aux modifications corporelles cyborg de Neil Harbisson, aux performances de Catherine Baÿ…) ou parfois même semblent illégitimes aux études des arts scéniques (spectacles de drag-queen, performances de Stelarc, etc.). Ces formes, faisant de plus en plus souvent appel au ludiqueet au spectaculaire2  hors limite, expriment aussi une volonté de réenchanter3 les arts vivants.

Le XXe siècle a connu nombre d’expériences propices au développement de ces bizarreries, métissant les arts du spectacle entre eux et/ou avec toutes sortes de pratiques (le théâtre d’image de Bob Wilson, la danse-théâtre de Pina Bausch, le happening, etc.). Certains travaux tels que ceux d’Hans Thies Lehmann sur le théâtre postdramatique ou de Richard Schechner sur la performance offrent des outils pour saisir une partie de ces objets. Néanmoins, il existe quelques formes vivantes qui n’ont pas forcément de résonances directes avec des formats plus habituels (comme le théâtre, la danse, la performance, le cirque, etc.) et qui sont plus difficiles à appréhender (nous pensons à l’artiste Leigh Bowery ou même aux workshops du groupe Tranimal etc.). Face à ces œuvres (et ces artistes) inclassables, les chercheurs se retrouvent parfois démunis et doivent créer leurs propres outils ou croiser les regards, les domaines de recherches.

L’objectif de ces journées d’étude sera donc de faire vivre une recherche encore marginale sur des objets d’étude qui le sont tout autant. Nous nous interrogerons sur ce que produisent ces « bizarreries spectaculaires » ainsi que sur leur impact dans les arts vivants. À la manière d’un cabinet de curiosités, nous tenterons de constituer une sorte de collection d’objets spectaculaires bizarres que nous étudierons ensuite afin d’en comprendre les enjeux. Le but n’est donc pas de créer une taxinomie mais plutôt d’apprendre à regarder l’étrange et de tenter de construire des outils adaptés pour mieux l’analyser.

Voici quelques questions laissées en suspens qui pourront être développées durant les communications :

Pourquoi et comment regarder une « bizarrerie spectaculaire » ? Quels outils et/ou méthodes utiliser pour mieux comprendre les enjeux de ces formes atypiques ? D’où viennent-elles, ont-elles des antécédents et si oui, lesquels ? Dans quelles mesures bouleversent-elles les codes de la représentation scénique ? Que nous révèlent-elles sur l’état actuel des arts du spectacle et par quels moyens les réenchantent-t-elles ?

Nos travaux se déclineront en trois volets répartis sur les mois de mars, avril et mai 2020.

Chaque session sera structurée selon les thèmes développés ci-dessous.

 

Questionner les pratiques drag-queen sur la scène contemporaine (Jeudi 5 mars 2020 de 14h à 17h) :

Dans le monde du spectacle, les performances des drag-queens, délirantes et exaltantes, nous permettent de déplacer le questionnement autour du genre vers la sphère artistique. Créatures de la nuit, star de paillettes, travestis exubérants, grandes folles... Tous ces termes, et la liste n’est pas exhaustive, qualifient dans le jargon familier ce que nous appelons des drag-queens. Mais qu’est-ce qu’une drag-queen ? Qui connait dans le monde de l’art et du spectacle Miss Morian, RuPaul, Mado Lamotte ? Performance oubliée, art délaissé, l’esthétique des drag-queens est très peu connue du monde artistique. Pourtant, le spectacle drag-queen n’en demeure pas moins une forme spectaculaire. Il s’agira de questionner l’art de la drag-queen en tant que performance scénique et, de façon plus générale nous pourrons nous interroger sur ces formes scéniques qui proposent une esthétique genrée par le biais notamment du travestissement. 

 

Spectacles visuels et dimension plastique (Jeudi 9 avril 2020 de 14h à 17h) :

La dimension plastique est très présente dans la plupart des spectacles (scénographie, décors, costumes etc.), néanmoins elle est souvent considérée comme secondaire ou devant servir le drame. Bien qu’il existe quelques récalcitrants, tel que le Mystery Magnet de Miet Warlop, c’est dans d’autres domaines que celui du spectacle conventionné que nous devrons sûrement piocher nos exemples pour trouver une dimension ludique aux spectacles plastiques : le monde pop (personnages publics, célébrité farfelue, etc.), les événements festifs et culturels (feu d’artifice, marche des fiertés, etc.), les sub-cultures4 (La Sape, le cosplay etc.). Nous tenterons ici de définir ce qu’est le spectaculaire plastique, de donner des clés d’analyse et de comprendre comment appréhender ces propositions vivantes qui ne répondent plus aux règles hégémoniques du drame.

 

Art, corps et science ; quand le processus devient spectacle (Mercredi 6 mai 2020 de 14h à 17h) :

Il s’agira ici de questionner et d’analyser les enjeux qui s’opèrent lorsque art et science se combinent sur la scène contemporaine. Nous nous interrogerons plus particulièrement sur la présence du corps augmenté (ou modifié) par les domaines NBIC5. Cela nous amène non seulement à questionner le statut de l’artiste mais tend aussi à considérer le processus de création comme une œuvre d’art collaborative entre artistes, scientifiques et ingénieurs. Les démonstrations de Sterlarc ou encore les expérimentations d’Art Orienté Objet témoignent de la nécessité d’un temps préparatoire amenant les arts de la scène vers une recherche-création.

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Les propositions de communications (400 mots environ et une courte biographie) sont à envoyer au plus tard le 8 janvier 2020 à :

Alexandre MARTIN : martin.alexandre.amartin@gmail.com

Margot REYRAUD : margot.reyraud@gmail.com

Pierre RAUTUREAU : rautureaup@gmail.com

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1 Nous renvoyons aux travaux de Florence Dupont et d’Aurélien Fouillet

2 Par ce terme nous entendons d’une part ce que Béatrice Picon-Vallin décrit dans son article « Le spectaculaire de masse : du théâtre au cinéma », dans Le spectaculaire, Lyon, Cahier du Gritec/Aléas, 1997, p. 64. Mais également l’idée « d’événement spectaculaire » initiée par Guy Spielmann dans « L’évènement spectaculaire’’. Pertinence du concept et de la théorie de la performance » dans Communications (n°92), Paris, Seuil, 2013, p199.

3 Le « réenchantement du monde » est un concept issu de la postmodernité approché par plusieurs chercheurs en sciences sociales tels que Serge Moscovici ou Michel Mafffesoli. Contrairement à ce que Max Weber, au début du XXe siècle, nommait le « désenchantement du monde » (amoindrissement des croyances religieuses au profit des sciences et de la raison) la postmodernité voit des pratiques culturelles émerger ayant une forte volonté de retrouver du ludisme, de l’illusion et de l’émerveillement magique. 

Terme anglo-saxon pour caractéristique des cultures alternatives, il est utilisé à défaut de « sous-cultures » parfois considéré comme trop péjoratif.

Les NBIC désignent le champ scientifique pluridisciplinaire comprenant les nanotechnologies (N), les biotechnologies (B), les technologies de l'Information (I) et les sciences cognitives (C).