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Arts (cinéma) et écocritique. Formes de la catastrophe, d’Asie et d’ailleurs (ENS Lyon)

Arts (cinéma) et écocritique. Formes de la catastrophe, d’Asie et d’ailleurs (ENS Lyon)

Publié le par Marc Escola (Source : Clément Dumas)

Appel à communications

Arts (cinéma) et écocritique. Formes de la catastrophe, d’Asie et d’ailleurs

Colloque international

ENS de Lyon, 7 et 8 décembre 2021

Institut d’Asie Orientale (CNRS-UMR 5062)

Institut Acte – Paris 1 Panthéon-Sorbonne (EA 7539)

ENS de Lyon, 15 Parvis René Descartes 69007 Lyon, Théâtre Kantor

 

Depuis les textes pionniers de Rachel Carson (Silent Spring, 1962) définissant son champ et les premiers usages en études littéraires du terme « écocritique » (Barry, Rueckert 1978) jusqu’aux interrogations actuelles sur la perspective écocritique en arts après l’accélération du réchauffement climatique et les catastrophes violentes en chaîne de ces vingt dernières années (Fukushima, crises de la biodiversité, fonte des glaciers et de la calotte glaciaire, méga-feux, typhons, inondations et glissements de terrain, etc.), l’esthétique a été profondément reconfigurée par les enjeux environnementaux. L’ambition de ce colloque est de proposer un espace de réflexion collectif pour ces enjeux contemporains de l’écocritique, en choisissant trois accentuations de ce champ problématique. Tout d’abord, en plaçant le cinéma au cœur d’une réflexion esthétique qui le dépasse largement, pour partir du statut de son statut d’art prototypique de l’anthropocène (Jennifer Fay 2019). Ensuite en prenant au sérieux la nécessité d’une pensée locale, et donc en partant des questionnements esthétiques qui parcourent le champ des études aréales asiatiques de notre laboratoire l’Institut d’Asie Orientale. Enfin, en plaçanr au cœur de nos réflexions la question de la catastrophe et de la manière dont elle atteint nos formes de vie.

De nombreuses recherches ont démontré la valeur heuristique de l’étude des catastrophes et de leur présence dans la culture visuelle et artistique en général. Ressaisie par « l’évènement anthropocène » (Bonneuil/Fressoz 2013), la réflexion sur la représentation des catastrophes environnementales nous invite à penser « l’habitabilité du monde » (Lussault 2013) comme critère premier de mesure et de compréhension de notre rapport au monde. Dans un monde durablement abîmé le cinéma et les autres arts sont conduits aux limites des logiques « représentationnelles » et mis au défi de nous réapprendre à percevoir, à voir, à comprendre notre rapport à ce monde aux coordonnées bouleversées (Timothy Morton 2013).

Cette manifestation scientifique aura comme pour double objectif de témoigner de la pluralité des formes artistiques mettant en scène des formes de vies abîmées et transformées par les catastrophes environnementales, climatiques, politiques (souvent de manière intriquée) et de créer un espace commun de réflexion sur les enjeux de l’écocritique dans le champ des humanités environnementales. Il s’agira enfin de considérer les enjeux éducationnels de l’écocritique : comment les modulations esthétiques du registre de l’attention et de la perception modifient notre compréhension et notre manière de nous lier à soi-même, aux autres (humains et non-humains) et au monde. 

Le pari consiste à chercher dans l’écocritique comme méthode de lecture des œuvres à l’aune de leurs enjeux environnementaux des réponses ou des expressions possibles des grandes questions des humanités environnementales. En explorant les relations entre productions esthétiques et environnement et en dotant l’étude des textes, des images, des sons et des films d’outils analytiques l’écocritique s’imposerait comme le lieu de contributions majeures au débat sur l’anthropocène.

En outre, l’exploration de ces questions à partir de l’ère asiatique répond à la nécessité d’ordonner aujourd’hui l’esthétique de l’anthropocène au local, au proche, à l’ordinaire, en réponse à l’esthétique du sublime qui domine les « représentations de la catastrophe » depuis le XVIIIème siècle (Fressoz 2016). Cette focalisation permettra d’aborder différents problématiques environnementales et climatiques (le nucléaire, les tremblements de terre, tsunamis, typhons, glissements de terrain, montées des eaux) et politiques (spoliations des terrains, destructions des habitats, déforestation, colonisation).

Les contributions pourront enrichir plusieurs axes de recherches, parmi lesquels :

1.Habiter après la catastrophe : vulnérabilité et care pour le monde

L’étude des œuvres de l’après catastrophe est une invitation à questionner les discours sur le risque et sur la résilience des populations (Beck, Tronto), à réfléchir la vulnérabilité de nos formes de vie (Veena Das). Si le risque et la résilience expriment le désir de l’individu et des communautés de retrouver les conditions d’avant la catastrophe, elles tendent cependant à « [manquer] de finesse quant à la reconstruction du contexte historique » et à masquer les « causes profondes » (Parrinello 2016) de la catastrophe. 

2. Penser le temps et l’espace de et après la catastrophe

Si les catastrophes naturelles ont souvent déterminé un espace politique de réponse modifiant notre rapport à l’interprétation et à la mémoire des causes, elles impliquent aussi une refonte de notre rapport à la permanence du monde naturel. L’après impose de réfléchir à une double temporalité : d’abord celle particulière de la reconstruction composée des temps de réponse, de préparation et de gestion de la crise ; puis celle de la survivance des conséquences dans l’espace social et politique. 

3. Les chemins du retour

On pourra s’intéresser au motif du retour des habitants, des corps, des communautés dans ces lieux sinistrés et ravagés, dans les arts. Ce chemin du retour implique une renégociation douloureuse entre l’individu et l’environnement modifié. Interroger ce moment et sa manifestation dans le cinéma documentaire et fictionnel ou dans la littérature, permettrait de dessiner les contours d’un type de récit particulier et dont l’approche écopoétique met en évidence toute la complexité esthétique.

4. Personnages écocritiques et genres artistiques

Stéphanie Posthumus (2014) envisage un déplacement de la notion du sujet environnemental vers l’idée d’un personnage écologique marquant l’épuisement de l’influence du modèle scientifique sur l’écocritique. Le concept de personnage écocritique, issu plutôt de l’analyse littéraire, constitue un outil intéressant pour comprendre l’apparition et le rôle des personnages de documentaires et de fiction post-catastrophe. On peut penser plus spécifiquement aux fonctions narratives, sémantiques et politiques de représentations des communautés écologiques, groupes d’individus ayant, en plus de leur appartenance à une ethnie, à un pays, à une région spécifique, en commun le fait d’être menacé par l’environnement.

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Les propositions de communication des auteurs doivent être envoyées aux organisateurs avant le 20 octobre aux adresses suivantes : clement.dumas@ens-lyon.fr , elise.domenach@ens-lyon.fr.

Elles devront comporter :

-        nom et prénom, affiliation recherche, adresse électronique

-        notice bio-bibliographique de 1 000 signes maximum

-        titre provisoire

-        résumé de la proposition (3 000 signes maximum)

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Laboratoires organisateurs :

Institut d’Asie Orientale (CNRS-UMR5062)

Institut Acte - Paris 1 Panthéon-Sorbonne (EA 7539)

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Comité scientifique :

Catherine Larrère (présidente, Univ. Paris 1), Vincent Amiel (Univ. Paris 1), Stéphane Grumbach (ENS Lyon), Teresa Castro (Univ. Paris 3), Livia Monnet (Univ. Montréal), Bénédicte Meillon (Univ. Perpignan), Lucia Ramos Monteiro (Univ Federal Fluminense).

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Bibliographie indicative :

AMIEL Vincent et MOURE José, Histoire vagabonde du cinéma, Paris, Vendémiaire, 2020.

AUMONT Jacques, Doublures du visible : voir et ne pas voir au cinéma, Villeneuve-D’ascq, PU du Septentrion, 2021.

ALLARD Laurence, MONNIN Alexandre (dir.), Anthropocène et effondrement, Paris, PUF, 2020.

BERQUE Augustin, Milieu, co-suscitation, désastres naturels et humains, Ebisu, 47, 2012, p. 41-48.

BLANC Nathalie, Vers une esthétique environnementale, Nancy, Quae, 2008.

BLANC Nathalie, RAMOS Julie, Écoplasties : Art et environnement, Paris, Manuella, 2010.

BONNEUIL Christophe et FRESSOZ Jean-Baptiste, L’Evenement Anthropocène, Paris, Seuil, 2013.

BRENEZ Nicole, Manifestations, Grenoble, De L’Incidence, 2016.

BUELL Lawrence, The Future of Environmental Imagination, Malden, Blackwell Press, 2005.

CASTRO Teresa, PITROU Perig, REBECCHI Marie, Puissance du végétal et cinéma animiste : La vitalité révélée par la technique, Les Presses du réel, Dijon, 2020.

CLARK Timothy, The Value of Ecocriticism, Cambridge University Press, Cambridge, 2019.

DOMENACH Élise, Fukushima en cinéma. Voix du cinéma japonais / Fukushima in Film. Voices from the Japanese Cinema, Tōkyō, University Tōkyō Press UTCP Booklet, 2015.

FAY Jennifer, Inhospitable world: cinema in the time of the Anthropocene, New York, Offord University Press, 2018.

FRESSOZ Jean-Baptiste, L’Apocalypse joyeuse : une histoire du risque technologique, Paris, Éditions du Seuil, 2012.

_ « L’anthropocène et l’esthétique du sublime », Sublime. Les tremblements du monde, Metz, Centre Pompidou-Metz, 2016, p.44-49.

GAARD Greta, ESTOK Simon C., OPPERMAN Serpil, International Perspectives in Feminist Ecocriticism, Londres, Routledge, 2013.

HUGHES Helen, Radioactive Documentary. Filming the Nuclear Environment after the Cold War, Bristol, Intellect Books, 2021.

LARRERE Catherine et Raphaël, Le pire n’est pas certain, Paris, Premier parallèle, 2020.

LUSSAULT Michel, L'avènement du monde. Essai sur l'habitation humaine de la terre, Paris, Seuil, 2013.

MACE Marielle, Nos cabanes, Verdier, 2019.

_ (dir.) « Vivre dans un monde abîmé », Critique n°860-861, janv-févr 2019.

MARRAN Christine L., Ecology without Culture: Aesthetic for a Toxic World, Minneapolis, University of Minneasota Press, 2017.

MORTON Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, Paris, Cité du design, 2018 (2013).

MURRAY Robin L., HEUMANN Joseph K., Film and Everyday Eco-Disasters, Lincoln, University of Nebraska Press, 2014.

NIXON Rob, Slow Violence and the Environmentalism of the Poor, Cambridge, Harvard University Press, 2011.

POSTHUMUS Stéphanie, « Ecocritique et ecocriticism. Repenser le personnage écologique », La pensée écologique et l’espace littéraire, Mirella Vadean et Sylvain Davir (dir.), « Figura », n° 36, 2014.

WILLOQUET-MARICONDI Paula, Framing the World: Explorations in Ecocriticism and Film, Charlottesville, University of Virginia Press, 2010.