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Appels à contributions

"Espaces Imaginés" (Rennes)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Le Laboratoire des Imaginaires)

Appel à contributions 

Colloque de jeunes chercheurs.es

"Espaces Imaginés"

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DESCRIPTION :

La notion d’espace est profondément polysémique. D’un point de vue philosophique, le CNRTL définit l’espace comme un « milieu idéal indéfini, dans lequel se situe l’ensemble de nos perceptions et qui contient tous les objets existants ou concevables ». L’astrophysique propose sa propre définition, celle d’une « étendue qui embrasse l’univers, un vide interplanétaire, intersidéral, intergalactique ». C’est aussi un lieu créé par l’imagination hors du monde réel, pour y placer des chimères. D’un autre côté, l’espace est aussi très concrètement lié à notre réalité géographique et matérielle, envoyant au territoire que nous occupons, aux lieux que nous habitons.

L’espace est donc subjectif. Il peut être contraint à l’existence par nos sens. Les mathématiques, la physique et la géométrie sont alors les outils permettant de définir les lois qui régissent ce « milieu idéal » et surtout les objets qu’il contient. Une fois dénué d’objet, l’espace apparaît vide à nos sens, alors qu’il n’en est rien. Est-ce dans cet état de vide, cette page blanche, que nos perceptions laissent la place à notre imagination ? Ou bien, à l’inverse, cette dernière ne fleurit-elle pas au mieux quand ces outils servent aux artistes à figurer des espaces différents, usant de la perspective pour nous offrir à contempler d’autres espaces, des paysages fantasmés ? Et qu’en est-il de ceux qui suggèrent l’imaginaire en proposant des mondes impossibles à représenter, qui ne répondent pas à notre géométrie, qui existent hors de notre « milieu idéal indéfini » (comme les nombreux monstres qui hantent l’œuvre de Lovecraft) ?

Cette représentation de l’espace est omniprésente dans les médias de l’imaginaire depuis longtemps. Par essence infini, il intrigue et effraie. Aussi, pour le concevoir, on lui applique des limites, qui deviennent frontières. En fantasy cela se traduit par la place cruciale de la géographie, que vient conforter l’usage récurrent de cartes. L’espace, lieu de transit, devient alors sources de fantasmes. Comme le héros médiéval qui doit traverser le val pour gagner des pays imaginaires, la littérature donne une vision magnifiée des vastes espaces naturels, idylliques parfois, mais souvent aussi hostiles au héros. Ces cartes sont parcourues de frontières, parfois naturelles, montagnes ou fleuves, parfois nationales, voire surnaturelles (comme le Dôme chez Stephen King), qui sont tout autant d’obstacles potentiels, comme pour le héros aux mille visages de Joseph Campbell. Dans le space opera, le voyage a lieu dans l’espace interstellaire. Il est « the final frontier », un lieu à découvrir, à cartographier… mais aussi à conquérir. On retrouve alors le fantasme du grand explorateur qui pose les bases de lointaines colonies, combat de dangereux autochtones et découvre des cultures étranges et exotiques. Autant de clichés que les médias de l’imaginaire ont parfois reproduits, mais qu’il leur arrive aussi fréquemment de contester.

À une tout autre échelle, les villes jouent le même rôle et les médias de l’imaginaire en donnent d’innombrables représentations. Les colossales cités dystopiques enfumées sont le terrain de prédilection du cyberpunk où l’urbanisme aliénant devient l’extension d’un transhumanisme incontrôlable. Le corps et l’urbain y sont confrontés et c’est la place de l’homme dans ces villes démesurées qui est questionnée, la définition de son identité et de son espace personnel dans un environnement profondément artificiel. Cette urbanisation terrible et magnifique, symbole des accomplissements paradoxaux de son créateur, se retrouve aussi dans le steampunk, ou comme message sous-jacent dans le mystère des civilisations englouties sous les flots. À l’inverse, l’imaginaire urbain peut parfois être bien plus proche de nous. Dans Harry Potter ou plus généralement dans l’urban fantasy, la ville devient un lieu de mystère, d’inconnu, où la magie se cache juste sous le nez de l’habitant. Cependant, quel que soit le contexte ou le medium, il semble difficile de pouvoir traiter d’urbain sans parler de l’homme dans toute sa dimension sociale.

Enfin, il est des espaces virtuels, nouveaux et uniques, des terrains de jeux qui répondent à des règles différentes que celles de l’espace physique. La science-fiction pose la question du numérique depuis longtemps. Lieu des réseaux et de la connectivité par excellence, elle semble  convoquer tout un imaginaire antithétique au monde matériel : dans l’espace virtuel, les informations et les idées sont définies par le mouvement, elles circulent. C’est un lieu de libération, même si parfois cette liberté doit être gagnée ou interrogée comme dans Matrix, où l’espace numérique prend une apparence commode pour le spectateur. Enfin, cette libération est parfois personnelle, transcendante : celle de l’esprit affranchi des limites du corps. Le web devient une itération moderne d’un espace spirituel qui trouve ses racines dans des imaginaires plus anciens.

Lignes directrices

En plus des points évoqués plus haut dans l’appel, les propositions pourront s’inspirer des points suivants :

Réécriture et perception fantasmée du réel : à l’instar des régions Cthulhu et Morgoth sur Pluton, et du mont Darth Vador sur son satellite Charon, ainsi que de la projection mythologique dans les constellations, l’espace nourrit et accueille l’imaginaire en lui conférant une forme de matérialité.

Les Espaces alternatifs : que ce soit dans la littérature jeunesse (La Quête d’Ewilan, La Croisée des Mondes…) ou adulte (Chronicles of Amber, Hawkmoon…), qu’il s’agisse de mondes lointains et étrangers ou parallèles, émergeant d’une histoire aux possibilités multiples, les médias de l’imaginaire présentent parfois une multitude d’espaces qui se rencontrent et communiquent entre eux.

L’Espace narratif : La fiction agrandit parfois son espace en transgressant ses frontières : frontière entre fiction et réel (le Klingon pratiqué aujourd’hui hors de Star Trek, Pokemon Go à la fois application ludique et touristique aux alentours des monuments, la pratique du jeu de rôle), mais aussi frontière entre les niveaux narratifs (comme dans S. de Doug Dorst et J. J. Abrams, ou Watchmen d’Alan Moore), enfin, frontière physique de l’objet littéraire (la BD constitue elle-même une forme d’espace investi par la fiction tout comme les fictions audios, ou vidéos, où le support physique est un outil d’expression de l’imaginaire).

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Organisation:

Le colloque Espaces imaginés prendra place à Rennes, sur le campus de Villejean, du 4 au 6 mars. Organisé par l’association du Laboratoire des Imaginaires, il est destiné en priorité aux jeunes chercheur.euse.s, doctorant.e.s, masterant.e.s, ou étudiant.e.s en licence, qui souhaitent consacrer une part de leurs recherches aux médias de l’imaginaire de façon indiscriminée.

Les propositions de contributions d’environ 250 mots doivent être envoyées à l’adresse laboratoiredesimaginaires@gmail.com avant le 29 novembre 2019. Elles doivent être accompagnées d’une présentation biobibliographique (mémoire, éventuelles publications, etc.). La réponse du comité de direction sera donnée le 20 décembre dernier délai. Le colloque donnera lieu à la publication d’actes.

Comité organisateur et scientifique :

Le Laboratoire des Imaginaires est une association étudiante de Rennes 2, fondée dans le but de valoriser les travaux de recherche des étudiants spécialisés dans les médias de l’imaginaire. Le comité organisateur du colloque est constitué des membres du bureau, ainsi que de plusieurs étudiants bénévoles.

Gaëlle Debeaux et Charline Pluvinet, maîtresses de conférence en littérature générale et comparée à l’Université Rennes 2.

Zelda Chesneau, doctorante en littérature comparée à l’Université Rennes 2.

Ariane Lefebvre, doctorante en littérature médiévale à l’Université Laval de la ville de Québec.

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Bibliographie indicative :

Besson, A., Constellations des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, Paris, CNRS Édition, 2015.

Darmon, J., « L’Imagination de l’espace entre argumentation philosophique et fiction : de Gassendi à Cyrano », Études littéraires, 34 (1-2), 2002, p. 217–240.

Dupeyron-Lafay, F., Poétiques(s) de l’espace dans les œuvres fantastiques et de science-fiction, Paris, Michel Houdiard Éditeur, 2007.

Dupuy, L., Puyo, J.-Y., L’Imaginaire géographique. Entre géographie, langue et littérature, Pau, Presses de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2014.

Grassin, J.-M., Vion-Dury J., Westphal, B., Littérature et espaces, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2001.

Imbert, C., Maupeu, P., Le Paysage allégorique, entre image mentale et pays transfiguré, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011.

Menegaldo, H., Menegaldo, G., Les Imaginaires de la ville : entre littérature et arts, Presses Universitaires de Rennes, Collection interférence, 2007.

Racault, J.-M., Ailleurs imaginés, Paris, Diffusion Didier-Erudition, 1986.

Ryan, M-L, « L’Expérience de l’espace dans les jeux vidéo et les récits numériques », Cahiers de Narratologie, 2014.

Willingham, R., Science-fiction and the theatre, Greenwood Press, 1994.

Said, E., L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, éditions du Seuil, collection « La Couleur des idées », 1978.

Silhol, L., Valls de Gomis, E., Fantastique, fantasy et science-fiction. Mondes imaginaires, étranges réalités, Paris, Éditions Autrement, 2005.

Thery, S., « Après la ville : regard sur l’imaginaire de la métropole », Quaderni, numéro 74, 2011.

Collectif, dirigé par Vion-Dury, J., Le Lieu dans le mythe, Presses Universitaires de Limoges, 2002.