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Appel à contribution pour un dossier spécial de la revue Nouvelles Études Francophones

Appel à contribution pour un dossier spécial de la revue Nouvelles Études Francophones

Publié le par Marc Escola (Source : Sana Alaya Seghair)

Ce numéro de Nouvelles Études Francophones sera l’occasion d’une réflexion multidisciplinaire sur les limites ou les ponts entre les genres littéraires et entre les disciplines, qu’ils soient le fait d’esthétiques d’auteurs, de stratégies d’éditeurs ou de classifications de prescripteurs littéraires (Prix littéraires, critique, etc.). Assiste-t-on à la mort du genre dans la littérature francophone ? Que l’on songe au texte de Waberi, Rift, Routes, Rails ou au « roman hybride » de Michel Tremblay, Le Cœur en bandoulière (2020), la question se pose. Un auteur camerounais, Kemadjou, sous-titre systématiquement ses créations romanesques comme étant des “bavardages”. Quant au roman graphique : est-ce un genre ou catégorie à part (que résoudrait le concept d’intermédialité) ? La littérature dite de genre (science-fiction, érotique, policier) a-t-elle (est-elle) vraiment (d’)un genre ?

L’imagination littéraire se met en branle dès qu’elle entre en contact avec la matière, l’histoire, l’espérance pour créer une infinité d’histoires. L’on songe dans cette affirmation préliminaire à L’évolution créatrice de Bergson. Le processus créatif assure ses différentes combinaisons possibles par une fusion continuelle de plusieurs catégories du réel et de différents régimes d’identité. On le voit par exemple chez Patrick Chamoiseau, l’importance n’est pas tant accordée à la vérité historique qu’à la capacité génésique de l’«Écrit ». Inventer des histoires susceptibles de combler « la béance » et recoller les bribes décousues de l’histoire est la « seule urgence ». La fiction prend en charge l’Histoire, elle ne se pare pas de l’alibi de vérité, bien au contraire elle se revendique comme l’invention opposée à la connaissance de l’Histoire. Ainsi, le sceau de cette littérature jazzy est-il la fuite ou la fluidité : l’Histoire ne se conçoit que par l’imaginaire littéraire. Lui-même déclenché à partir de « la trace » que Ricœur considère comme « le réquisit de toutes les productions de la pratique historienne ». La fragilité de ces bribes génère certes, des mémoires faites de lacunes, de versions successives erratiques, mais qui seront au moins « préservées » par la littérature. L’écrivain créole, africain, et plus généralement francophone reconnait donc sa mission historique rédemptrice et cathartique. Une telle mission, diversement vécue par les écrivains et les écrivaines, entraine un effritement de la spécialisation : cette mort du genre littéraire est également perceptible depuis une demi-douzaine d’années. En 2016, François Ceresa a vu son ouvrage, Poupe, sélectionné pour le Renaudot essai et en même temps le Goncourt du roman. Dans la foulée, Ivan Jablonka a reçu le Prix Médicis du roman français pour Laetitia ou la fin des hommes, un ouvrage par ailleurs présenté comme un « récit-enquête » (Le Figaro) voire un essai. Yoga d’Emmanuel Carrère (2020) a embarrassé bien des jurés des prix littéraires. 

Au-delà des romans, les romanciers ; au-delà de la littérature, les sciences humaines. Peut-on opposer écrivains français et écrivains francophones, qui ont la même racine française quoique des affiliations identitaires dans les cinq continents ? Abdourahman Waberi ou Nancy Huston par exemple sont non seulement des écrivains français (par naturalisation), mais encore des écrivains francophones. Dans l’espace francophone, les romans ne sont pas toujours des romans et les nationalités ne seraient que des emprunts posturaux. Romans et romanciers seraient donc des personae. Au sens étymologique de personare qui signifie « parler à travers ». Des personae permettant d’amplifier ou de porter sur la place universelle des voix locales et particulières. Par analogie, on pourra mener une réflexion sur les usages transversaux du roman et les usages dans la recherche littéraire des outils des sciences sociales. Entre « variations normatives et normalisation de la variation », le roman est-il victime de sa popularité ? Que nous en disent les sciences sociales ? Est-il le lieu du « tout-venant » littéraire ? Nous appelons des propositions d’articles concernant toutes les innovations d’auteur et autres analyses théoriques sur ce qui constitue un trouble dans le genre du roman : des esthétiques émergentes du roman francophone aux traversées du roman par des sciences non littéraires comme la sociologie, l’architecture, la psychanalyse, la psychologie sociale, etc. 

Il ne sera évidemment pas question de chirurgie de réattribution sexuelle ou de transgendérisme mais du néologisme que nous pouvons avancer de transgénérisme. Basé sur le « concept-référent » de transidentité, déjà utilisé dans la recherche littéraire et notamment dans une étude relativement récente qui a osé le rapprochement entre transidentité littéraire et queer studies. La métaphore transgenre peut : d’une part explorer la question de l’hybridation dans le cas des écrivains francophones ; et d’autre part le brouillage catégoriel de leur œuvre romanesque, pouvant facilement se voir contester telle appellation. Abdourahman Waberi et Nancy Huston cités plus haut sont devenus des auteurs que l’on ne peut enfermer ni dans une identité française, dans le champ littéraire duquel ils produisent, ni dans leur identité d’origine.

Les contributions attendues couvriront, on le voit un large spectre d’interrogations allant des crises d’identités du point de vue des affiliations taxonomiques à l’inscription des œuvres dans des catégories génériques, et s’étendra à l’importance du genre et de la sérialité, le rapport entre la France littéraire et la Francophonie littéraire, entre la France globale et le Sud global (littérature-monde et autres expressions des sudités dans les contextes occidentaux), entre la recherche littéraire en France et l’usage des cadres théoriques ouverts comme les études postcoloniales ou décoloniales, dans l’analyse littéraire de textes francophones.

Modalités de soumission

Les autrices et auteurs qui souhaitent proposer un article sont invités à soumettre leur proposition sous la forme d'article complet pour le 18 Mars 2022 au plus tard, aux coordonnateurs du dossier : 

Eric.Tsimi@baruch.cuny.edu et sseghair@rollins.edu

La longueur des articles sera idéalement comprise entre 4500 et 6000 mots.

Le respect du protocole de rédaction (https://secure.cief.org/wp/?page_id=121)de la revue du CIEF, Nouvelles Études Francophones, est une condition préliminaire d’examen des propositions.