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Appels à contributions
Revoir (revue Sociétés et représentations)

Revoir (revue Sociétés et représentations)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Revue Sociétés & Représentations)

Le 12 décembre 2017, en plein mouvement #metoo, Libération publiait une tribune de Laure Murat intitulée « Blow up, revu et inacceptable », l’historienne y expliquait qu’à l’aune des débats sur les violences sexuelles faites aux femmes, revoir le film d’Antonioni cinquante après sa sortie obligeait à réviser son jugement. Ce texte a suscité de vives polémiques, certains le résumant à un appel à la censure, mais s’il a eu un mérite, assez peu repéré néanmoins, c’est de poser la question des manières de voir les images et plus précisément d’interroger une activité spécifique : le « revisionnage ».
 
S’il existe une stimulante réflexion consacrée à l’expérience de la vision, comme l’a montré le travail de Jonathan Crary (1994), l’acte de « revision », et toutes les modalités qu’il implique, a en revanche été peu envisagé pour lui-même. Il est pourtant inséré au cœur des pratiques sociales les plus ordinaires, celles des chercheurs, des critiques professionnels comme du public le plus massif. Il s’applique à de multiples expressions culturelles, qu’elles relèvent de l’audiovisuel, comme les rééditions en vidéo et les rétrospectives dans les salles ou récemment l’émission Rembob’ina sur LCP, ou qu’elles concernent les images fixes, avec par exemple la redécouverte de courants artistiques, d’œuvres et de créateurs à l’occasion d’expositions, voire de rétrospectives … Les artistes eux-mêmes développent une pratique du « revoir » singulière quand elle participe à leur apprentissage et à leur processus créatif, tel Géricault se rendant régulièrement au Louvre ou Quentin Tarantino se repassant des films en boucle quand il prépare un nouveau long métrage.
 
Les contributions interrogeront les représentations et les usages du « revoir » afin de mieux cerner ce que cette activité dit de notre relation aux images à travers trois axes de réflexion.

Le premier axe abordera la question du point de vue du spectateur – de celui qui revoit. Il s’agira de réfléchir à ce qui nous incite à regarder du « déjà vu » et à mesurer quels en sont les effets : renouer avec un plaisir vécu, approfondir une compréhension ou accéder à une sensation nouvelle ? On pourra également se demander si les « manières de revoir » ont une histoire et si, au-delà des attitudes individuelles, celles-ci sont susceptibles de caractériser des phénomènes collectifs et des groupes sociaux.
 
Une autre piste de recherche portera plus particulièrement sur les conditions du « revoir » et le rôle joué par les différents contextes dans lesquels ces pratiques s’inscrivent, qu’ils soient économiques, techniques, sociaux, politiques ou culturels. Le « revoir » ne vient pas de nulle part : des lieux, des objets, des débats et des personnes permettent, façonnent et parfois contraignent ce retour sur des images. De quelle façon se mettent en place ces écosystèmes de « revisionnage » (politiques de restauration d’œuvres, économie de l’édition audiovisuelle, acteurs institutionnels, médiateurs, dénicheurs d’images oubliées, logiques commémoratives, mobilisations associatives…).
 
Enfin, on déplacera notre attention sur les œuvres elles-mêmes, en étudiant comment le fait de les revoir peut les modifier en les investissant de significations nouvelles, en les confrontant à de nouveaux questionnements. La « revision » est-elle nécessairement une révision ? Quelle place accorder à cette expérience dans les processus de légitimation et de dévalorisation des images ? Comment les artistes revoient leurs œuvres pour en proposer, au fil du temps, des versions successives, à l’exemple de Francis Ford Coppola qui a produit trois versions distinctes d’Apocalypse Now ?

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Les propositions de textes (5000 signes maximum) sont à adresser avant le 15 mars 2020 à Sébastien Le Pajolec (seblepajolec@gmail.com).

Les auteurs des propositions seront informés de la réponse le 1er avril 2020.

Les contributions retenues (35 000 signes, notes et bibliographie comprises) devront être soumises au comité de lecture de la revue, au plus tard le 15 septembre 2020.