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Appel à contribution. « Nico Papatakis, une politique de la fiction ». Colloque international

Appel à contribution. « Nico Papatakis, une politique de la fiction ». Colloque international

Publié le par Justine Brisson (Source : Francois Bordes)

« Nico Papatakis, une politique de la fiction »

Colloque international

Université de Caen (LASLAR) / Université Bordeaux-Montaigne

Institut Mémoires de l’édition contemporaine

26 au 27 janvier 2023

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Saluée par André Breton, Simone de Beauvoir, Michel Foucault, Jean Genet, Jacques Prévert ou Jean-Paul Sartre, l’œuvre rare et atypique de Nico Papatakis demeure encore méconnue et insuffisamment étudiée. Si aucune monographie scientifique ne lui a été consacrée en France, un coffret rassemblant ses films, restaurés est sorti en 2015 chez Gaumont. Ses archives ont été confiées à l’IMEC en 2016 par sa fille Manuela Papatakis. Sa filmographie est constituée de six films en tant que réalisateur et producteur : Les Abysses (1962), Les Pâtres du désordre (1968), Gloria Mundi (1975 et 2005), La Photo (1986) et Les Équilibristes (1991). Et il a produit deux autres films importants de l’histoire du cinéma : Un Chant damour (1959), l’unique film réalisé par Jean Genet, et en 1959, le second tournage de Shadows de John Cassavetes. Son œuvre se déploie donc au cours d’une période étendue de 1960 à 2004.

Né en Ethiopie en 1918, d’une mère éthiopienne et d’un père grec, Nico Papatakis accomplit sa scolarité au Liban dans un pensionnat géré par des frères Maristes où il apprend le français. Après avoir combattu pendant la guerre d’Éthiopie contre les Italiens, il émigre clandestinement à Paris en 1939 en passant par Athènes. Sous l’Occupation, il se lie à Jacques Prévert, qui lui apporte un indispensable soutien matériel. Aux lendemains de la guerre, de 1948 à 1956, il crée et dirige le cabaret-théâtre de la Rose rouge à Saint-Germain-des-Prés, haut lieu de la vie intellectuelle et artistique parisienne. Ses liens avec les milieux artistiques l’aident à entrer en cinéma, il réalise alors Les Abysses un premier long métrage inspiré des Bonnes de Jean Genet. Cette manifestation scientifique a deux principaux objectifs, il s’agit en effet de faire connaître plus largement une œuvre qui au regard du cinéma français nous paraît particulièrement passionnante, mais aussi d’interroger autrement ce cinéma dit de la modernité. Une période, entre la Nouvelle Vague et les années Jack Lang, des années 1960 à la fin des années 1980, plus généralement pensée à partir des gestes cinématographiques d’écrivains. L’œuvre de Papatakis donne à voir une compréhension politique de l’esthétique ou de l’écriture filmique qui participe pleinement selon nous du cinéma moderne.

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Nous souhaitons privilégier trois grands axes :

1) L’œuvre dans l’histoire du cinéma dans une perspective d’histoire culturelle du cinéma

On pourra s’intéresser aux relations de Papatakis avec les milieux artistiques ou intellectuels de son époque que cela soit le Cabaret-théâtre de la Rose rouge ou ses amitiés avec Prévert, Sartre, Simone de Beauvoir ou Jean Genet, ou encore le fait qu’il ait défendu et financé la réalisation de deux grands films à savoir Un chant d’amour de Jean Genet et Shadows de John Cassavetes. Perspective historienne qui pourra prendre appui sur les archives de Nico Papatakis aujourd’hui préservées à l’IMEC. Les archives de Nico Papatakis comprennent les manuscrits de son récit autobiographique et de ses scénarios, tournés ou inaboutis, ainsi que pour chacun de ses films, réalisés ou produits, des synopsis, des plans de tournage, des contrats, des photographies, des dossiers de presse et une importante correspondance professionnelle, ainsi que le manuscrit de son récit autobiographique. Des dossiers biographiques témoignent de ses activités politiques, intellectuelles ou artistiques. Le fonds étant majoritairement composé par les scénarios, dans leurs différents états, il rend possible une approche génétique de l’écriture filmique. Si les archives conservent peu de documents administratifs, les films se constituent eux-mêmes comme des archives, leurs réceptions ayant de plus, régulièrement fait événements. À titre d’exemple, Les Abysses, réalisé en 1962, a été choisi par André Malraux, pour représenter la France au Festival de Cannes, un choix qui est l’objet d’une forte polémique, en raison de la radicalité de la mise en scène. Gloria Mundi, qui sort en 1975, un film qui a pour sujet la torture, et se réfère implicitement à la guerre en Algérie, ne connait qu’une brève exploitation en salle, en raison de menaces d’attentats. Papatakis décide alors d’arrêter le cinéma et n’y revient qu’au milieu des années 1980, lorsque Jack Lang, ministre de la culture, l’encourageant à écrire un sujet, à reprendre la caméra, lui permettra en lui allouant des fonds, de réaliser La Photo en 1986. Enfin, en 1991, Les Équilibristes lui permet une dernière fois d’évoquer sa relation tourmentée avec l’écrivain Jean Genet, disparu en 1986.

2) Un cinéma de la modernité

La filmographie est aussi inscrite dans son temps en tant qu’elle permet d’interroger ce qu’on désigne généralement sous l’expression de « Modernité » cinématographique. Un intitulé qui a le plus souvent été employé pour évoquer certains films d’Alain Resnais ou de Pier-Paolo Pasolini, différentes œuvres filmiques comme celles de Marguerite Duras ou d’Alain Robbe-Grillet ou encore les dernières œuvres de Luis Buñuel. Autant de films qui posent des questions de représentations, interrogeant en particulier les relations du cinéma avec la littérature, avec le théâtre. Pour la littérature, on a déjà évoqué le fait qu’il ait produit Un Chant d’amour de Genet, mais il a aussi été marqué par Les Bonnes et l’affaire des Sœurs Papin, pour Les Abysses et s’est inspiré de la vie de l’écrivain pour Les Équilibristes. La théâtralité est assurément présente dans l’écriture elle-même, que cela soit dans les structures en actes des scénarios, dans la mise en mots des dialogues, et surtout dans le travail des acteurs. Les Abysses ou Gloria Mundi par exemple, peuvent selon nous être envisagés comme des performances, que cela soit par la prévalence du cri ou encore en raison de l’expressivité des gestuels, choix de direction qui fait du travail de l’interprétation une réelle mise à l’épreuve pour l’acteur mais aussi pour le spectateur. Cependant, puisqu’il s’agit fondamentalement de cinéma, la littérature et le théâtre sont aux prises avec une technique d’enregistrement du réel. On pourra ainsi s’intéresser aux espaces de la mise en scène, Papatakis dans Les Pâtres du désordre ou La Photo privilégie le décor naturel, envisagé comme paysage, qu’il s’agisse d’espace rural ou urbain, en tant qu’il se constitue comme un espace scénique certes, mais aussi en tant qu’il véhicule physiquement, par l’enregistrement, des contextes socio-politiques historiques, voire ethnographiques. La représentation des rituels dans Les Pâtres du désordre retiendra par exemple particulièrement l’attention de Claude Levi-Strauss pour qui Papatakis « filme comme un ethnologue ».

3/ Nico Papatakis, une politique de la fiction

Les propositions pourront aussi s’intéresser aux relations entre esthétiques, écritures filmiques et politiques. Il apparait en effet que quels que soient les films, la filmographie de Papatakis, repose en effet, tout entière sur la désignation et la dénonciation des relations de domination, d’humiliation ou de discrimination, qu’elles soient sociales, culturelles ou genrée. Désignation qui le conduit entre autres à révéler le dispositif cinématographique, intégrant par exemple à Gloria Mundi un personnage de cinéaste, avec pour voix off celle de Nico Papatakis, qui tout au long du film demeurera hors champ. Une désignation qui forge un regard politique qu’on peut comparer à ceux déployés dans le même temps par Alain Resnais, Pier-Paolo Pasolini, Luis Buñuel ou Rainer Werner Fassbinder.

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Bibliographie récente :

Nico Papatakis, Tous les désespoirs sont permis, Paris, Fayard, 2003.

Intégrale Nico Papatakis, Gaumont 2015. Coffret, 7 DVD, films restaurés, avec suppléments et bonus, et 4 CD audio d’entretiens de Nico Papatakis avec Michel Ciment, pour la revue Positif, accompagné d’un livret, Le regard, l’acte, livre bilingue (français/anglais) réalisé sous la direction éditoriale de Manuel Papatakis, avec des documents rares ou inédits.

Robert Grelier, « Nico Papatakis », Jeune cinéma, n°374, été 2016.

Yonca Talu, « Nico Papatakis. Le gout de la destruction», Film Comment, 2017.

Maha Kays et Evgenia Giannouri, « Les Pâtres du désordre (1967) de Nico Papatakis ou la radicalité subversive de la condition exilique », dans Emmanuel Saulnier (dir.), Moment Grec, Paris, Éditions du Regard, 2016.

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Le colloque aura lieu du 26 au 27 janvier 2023 à l’Université de Caen et à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine.

Les propositions de communication (3000 signes environ), ainsi qu’une courte bio-bibliographie sont à adresser par mail aux organisatrices avant le 15 octobre 2022.

Merci d’envoyer vos propositions à l’adresse : marguerite.vappereau@u-bordeaux-montaigne.fr et valerie.vignaux@unicaen.fr

Vous serez informé·e de l’acceptation de votre soumission avant le 30 octobre 2022.

Comité d’organisation du colloque : François Bordes (Imec), Marguerite Vappereau et Valérie Vignaux

Comité scientifique du colloque : Albert Dichy (Imec), Marguerite Vappereau (Université Bordeaux-Montaigne), Valérie Vignaux (Université de Caen).