Édition
Nouvelle parution
A. Thérive, Anna

A. Thérive, Anna

Publié le par Université de Lausanne (Source : François Ouellet)

André Thérive

Anna

Éditions La Thébaïde, 2020

ISBN : 979-10-94295-29-9

Prix : 20 euros

 

Après les rééditions du Manifeste du roman populiste de Léon Lemonnier et de L'Usine de Jean Pallu, Anna d'André Thérive est le troisième titre de la collection « L'Esprit du peuple ». Anna a été publié pour la première fois en 1932. 

Le roman

Anna rend visite au sergent Edouard Chantiran, son mari, parti en manoeuvres. Son retour, émaillé de péripéties, bouleverse la médiocrité de son quotidien. Dès lors, rien ne sera plus pareil : sa petite vie de ménagère prend des allures chimériques jusqu’à sa défenestration. À Tulle, puis à Limoges, en 1901, c’est la simple histoire du couple Chantiran, racontée par la plume de maître d’André Thérive, à l’instar de Maupassant qu’il admire.

Dans ce roman populiste et naturaliste, les Chantiran sont victimes, l’un après l’autre, des jeux de l’amour et du hasard. Dans cet ouvrage, construit comme un diptyque, Edouard succède à Anna. Veuf, il cherche à échapper au souvenir qui le hante en partant pour l’Afrique du Nord. Anna et Edouard se meuvent aussi bien dans l’ombre que la lumière, où sentiments et illusions mènent leurs existences placées sous le signe de la fatalité. Etres soumis aux aléas du quotidien, petites gens inquiets du qu’en dira-t-on, ils vivent ballottés par l’enchaînement des coups du sort.

Thérive façonne une histoire se suffisant à elle-même, fruit d’une force d’observation pessimiste. Il considère « que le monde est petit, que les pauvres hommes tournent toujours dans le même cercle de malheurs, qu’il y a mille coïncidences sur le chemin de l’éternel retour, [...] dans un récit où [il n’a] cherché, comme disaient les classiques, qu’à bien peindre les moeurs, ou, comme disait Maupassant, à suivre l’humble vérité ». L’humanité n’en sort pas grandie...

L'auteur

André Thérive (1891-1967), pseudonyme de Roger Puthoste. Agrégé de Lettres et médaillé de guerre, ce romancier majeur de l'entre-de-guerres et critique littéraire au journal Le Temps de 1929 à 1942 devient le chef de file du « roman populiste », dont Léon Lemonnier publie le Manifeste en 1929. « Savant comme un monstre, intelligent à vous faire honte » selon Jacques Chardonne, Thérive est l’auteur d’une oeuvre romanesque imposante et d’ouvrages de critique et d’histoire littéraires. Roman à ras d'observation, au réalisme acéré, Anna est la pièce maîtresse du populisme littéraire de l'époque. 

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Lire un extrait :

Elle aurait bien voulu demander l’heure du train pour Tulle, et s’il fallait se lever tôt le lendemain. Mais elle n’osait pas non plus, et elle pensa que M. Bournazel la renseignerait bien tout seul.

Alors il fallait attendre le coucher de M. Bournazel. […] M. Chantiran lui même n’y aurait rien vu. Là-dessus elle songea à lui, qui était à cent lieues de songer au voyage de sa femme et qui dormait sur sa paillasse, un juste sommeil.
Cela parut un peu comique. Est-ce qu’il faudrait lui raconter tout par le menu, à Tulle, quand ils seraient réunis ? ne serait-ce pas bien compliqué ? Elle s’efforçait déjà de choisir les détails qui subsisteraient dans le récit : le train manqué, oui, pourquoi pas? les serpents, la voiture et l’église, ah! sûrement l’église…

Elle n’osait pas tourner la tête vers lui. Elle était anéantie de honte et de fatigue. Et pourtant elle se disait que tout était vrai maintenant, évident, connu, officiel; elle était une mauvaise femme, une femme perdue. Elle l’avait déclaré à un étranger, elle se le déclarait à elle-même. Il n’y avait pas en elle de remords ni de désespoir, mais malgré tout le sentiment d’une déchéance achevée.
Ce fut plus cruel encore quand elle fut couchée à côté d’Édouard, enlacée par lui, et qu’elle eut l’occasion de comprendre pour la première fois, qu’il ne possédait d’elle que sa personne apparente, son image : le reste n’était à personne, ou à des fantômes évanouis, à l’illusion du péché.

Il arriva à lui saisir brusquement le poignet. Et il reprit :
— Est-ce vrai, oui ou non ?
— Mais quoi, mon Dieu? murmura-t-elle.
— Que tu es une salope, et que tu….
Alors, depuis si longtemps anéantie par cette journée morose, par ces émotions, par ces désillusions, par ce coup de foudre, elle eut un éclair d’allégresse et de courage. Pour affirmer son bonheur secret, sa vie…
— Est-ce que c’est vrai ? est-ce que c’est vrai ? hurlait-il tout près d’elle.
— Oui, lui dit-elle en face tout simplement.
Par ce mot, elle se crut délivrée.
Il rompit d’un pas, ses doigts se tordaient, il ne quittait pas Anna des yeux. Il leva les bras pour dégager un peu ses poignets et ses coudes de sa lourde tunique. Il allait bondir. À ce moment, elle recula terrifiée. Elle heurta des reins la barre d’appui qui traversait la fenêtre ; et son corps bascula. En une seconde, elle eut plusieurs impressions nettes : une fatalité presque douce,le sang au cerveau, un abandon vertigineux… Et d’un coup, tout se brisa.

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