Journée d'études : "Noblesse de l’animal, noblesse par l’animal dans la péninsule Ibérique et l’Amérique latine (Moyen Âge, Siècle d’or)" (Bordeaux)
Journée d’étude « Noblesse de l’animal, noblesse par l’animal dans la péninsule Ibérique et l’Amérique latine (Moyen Âge, Siècle d’or) »
Jeudi 18 mars (après-midi) et vendredi 19 mars (matin) 2021
Université Bordeaux Montaigne – EA 3656 Ameriber (EREMM)
PRÉSENTATION
Si les relations entre l’homme et l’animal font l’objet, depuis une dizaine d’années, d’un très grand nombre de recherches, des angles d’approche plus novateurs pourraient être envisagés. Il va de soi, depuis longtemps déjà, que l’animal « noble » (la trilogie cheval-chien-oiseau de chasse) fait partie des éléments identifiants et identitaires de l’aristocrate médiéval ou moderne. L’animal (possédé ou chassé) est indispensable à une certaine ostentation aristocratique. Figuratif ou réel, l’animal est assimilé à l’homme qui l’arbore et dont il devient le prolongement. Il est alors investi d’une fonction de représentation : il incarne, par sa valeur symbolique et pécuniaire comme par son aspect et son caractère, les qualités de son maître et il projette en retour sur son propriétaire celles que l’imaginaire collectif lui attribue. C’est la noblesse par l’animal qui se manifeste dans la littérature (bestiaires encyclopédiques ou moralisés, traités politiques, miroirs des princes, traités d’hippiatrie et de médecine vétérinaire, traités cynégétiques aristocratiques et princiers) et dans l’image (blasons, emblèmes, cimiers, gisants).
Mais, sous l’impulsion du « tournant animaliste » (Harriet Ritvo, 2007) qu’ont connu les sciences humaines ces dernières décennies, une branche novatrice de la recherche prend en considération l’animal non plus seulement comme compagnon de l’homme, ou élément de son « environnement », mais comme individu à part entière, c’est-à-dire possédant sa propre noblesse, sa propre identité (qui n’est pas forcément nominative). Dans cette perspective, l’animal est envisagé, comme une « altérité absolue » (Jacques Derrida, 2006) avec laquelle l’homme développe et entretient des relations de réciprocité et d’interdépendance. Cet Autre offre aussi à l’homme son propre reflet. Tantôt miroir déformant, tantôt représentation exemplaire, le monde animal est ainsi soumis à la hiérarchie qui caractérise la société humaine. Au-delà d’une approche anthropomorphique qui tend à projeter sur les bêtes des valeurs morales et statutaires, les érigeant en protagonistes privilégiés d’une littérature à visée pédagogique, d’autres critères déterminent la noblesse animale et la subséquente primauté de certaines espèces, races, voire d’individus spécifiques, sur les autres : les aspects physique et éthologique, la nature et l’intensité des rapports qui lient ces bêtes à l’homme, la rareté, la beauté, l’exotisme, entre autres.
Ainsi, la noblesse de l’animal, considérée dans une perspective scientifique, philosophique, littéraire, politique, ou encore esthétique, nous conduit à (re-)penser l’animal comme un être singulier, porteur de sens, offrant à l’homme un nouveau regard sur lui-même et son histoire. Longtemps relégué au second plan par l’historiographie traditionnelle, l’animal constitue donc un objet d’étude noble, digne de susciter l’intérêt de la recherche. Le sujet qui nous réunira lors de cette journée invite ainsi à réfléchir à la façon dont le rapport aux animaux est conditionné par l’appartenance sociale. Si les différentes modalités et implications d’une noblesse par l’animal attireront l’attention des intervenants, l’on pourra également s’interroger, en négatif, sur la façon d’intégrer à cette réflexion des individus (humains et animaux) « non-nobles ». Les participants pourront par ailleurs s’intéresser à la manière dont l’idée même d’une noblesse animale cherche à dépasser la conception
anthropocentrée dont elle émane. Comment les différentes sources (littéraires, iconographiques, juridiques...) rendent-elles compte des liens entre noblesse et animal ? Comment ces rapports évoluent-ils et prennent-ils des formes différentes au long des époques modernes et médiévales ? D’autre part, l’animal traité pourra être la « bête réelle », mais aussi sa figuration iconographique, en deux ou trois dimensions, en tant qu’objet relié à l’univers de la noblesse et symbolique de l’ostentation valorisante associée à l’animal noble (pièces d’orfèvrerie, tentures, mobilier). Sans perdre de vue les animaux traditionnellement étudiés, on ne saurait négliger d’autres espèces non moins présentes dans la vie et la pensée des hommes médiévaux et modernes (animaux aquatiques, insectes, parasites...), parfois oubliées de l’historiographie. Enfin, il serait intéressant de questionner, dans ce rapport à la noblesse, la place des créatures imaginaires qui peuplent le bestiaire médiéval et marquent profondément l’imaginaire collectif jusqu’à l’époque moderne.
En invitant les chercheurs à s’interroger sur l’animal et la noblesse, la journée d’étude cherche à combler le manque de travaux historiques centrés sur les animaux au Moyen Âge (Dolores Carmen Morales Muñiz, 2017) même si la bibliographie récente témoigne d’un large recentrage récent sur le sujet. C’est la conjointure de ces deux axes, la noblesse par l’animal et la noblesse de l’animal, que la journée d’étude se propose d’explorer, à travers l’éventail le plus large possible de sources et d’animaux, et une transversalité chronologique – du Moyen Âge à l’époque moderne au sens large. Redonnons donc à l’animal ses lettres (et même ses quartiers) de noblesse !
Modalités de la journée d’étude et conditions de soumission
La journée d’étude se tiendra les jeudi 18 et vendredi 19 mars 2021 à l’Université Bordeaux Montaigne si les conditions sanitaires nous le permettent. Dans le cas contraire, d’autres modalités seront envisagées afin de nous adapter aux mieux à la situation. Les propositions de communication d’une page seront à transmettre, accompagnées d’une notice bio-bibliographique à l’adresse journeeanimaletnoblesse@gmail.com avant le 30 novembre 2020.
Organisatrices :
Sophie Coussemacker
Marthe Czerbakoff