J.-H. Rosny aîné : « Des origines à la fin des temps : pour une histoire globale de l’humanité » (Caen)
Colloque LASLAR / Université de Caen
23 et 24 novembre 2017
J.-H. Rosny aîné : « Des origines à la fin des temps : pour une histoire globale de l’humanité »
Surnommé par son petit-fils « le poète du cosmos », Joseph-Henri Boëx dit Rosny aîné (1856-1940) occupe une place de premier ordre dans les milieux littéraires français de la fin du dix-neuvième siècle aux premières décennies du vingtième siècle. S’inspirant des thèses naturalistes de Zola et Claude Bernard, lecteur passionné des théories évolutionnistes de Darwin et Lamarck, intellectuel proche des milieux scientifiques de son temps, Rosny aîné marque son œuvre romanesque de ce qu’il nomme lui-même dans ses mémoires une « passion poétique pour les sciences ». Dans le sillage du roman scientifique vernien, et nourri des grands récits fantastiques de la fin du siècle, Rosny aîné apparaît dès les dernières années du dix-neuvième siècle comme un auteur majeur de la littérature d’anticipation scientifique. Nous proposons aujourd’hui de revisiter l’œuvre romanesque de Rosny aîné en écartant les questions de généricité pour nous pencher sur une dimension prépondérante de son œuvre pourtant presque ignorée : la temporalité. Trois périodes sont envisagées par l’auteur de La Guerre du feu : la préhistoire et l’antiquité, l’écriture et l’étude du présent et l’anticipation de la destinée des sociétés humaines. Ce colloque se propose d’interroger ces temporalités et de chercher chez Rosny aîné la trace d’un projet romanesque et poétique qui consisterait en une tentative – interrompue par sa mort – de produire une histoire « globale » de l’humanité. Michel Arnauld, critique à la NRF écrivait en 1912 à propos de Rosny et Wells que, « à force de voyager à travers l’espace et le temps, à force d’imaginer des êtres et des sociétés irréels mais vraisemblables, [ils] ont acquis ce qu’on pourrait appeler le sens des possibilités cosmiques ». Existe-t-il chez Rosny aîné des formes narratives particulières propres à chacune de ces temporalités ? Quels discours – littéraires, scientifiques, pseudo-scientifiques – se façonnent sous la plume de Rosny et de ses contemporains, réinterprétant ces trois périodes ? Y a-t-il une forme d’écriture spécifique liée au temps qui, elle, s’inventerait à l’entre-deux siècles ? Comment l’utopie qui prend forme dans le roman scientifique, dans le « merveilleux scientifique » (Maurice Renard), ou dans ce que certains appellent les « hypermondes » (Régis Messac), ou encore la « conjecture rationnelle » (Pierre Versins), est-elle reçue par les lecteurs et les commentateurs de ces récits qui réinventent dans la forme et dans les thèmes l’écriture du merveilleux ?
Pour répondre à ces nombreuses interrogations, on pourra suivre ces trois directions :
1. Récits préhistoriques et fables antiques
Les romans historiques, sociaux, scientifiques, sont les trois types de récits qui se modélisent au dix-neuvième siècle. S’agit-il alors pour l’initiateur du roman préhistorique de faire la synthèse de ces modèles en décrivant une époque lointaine, ou plutôt en fantasmant des « scènes préhistoriques » comme le postule le titre originel de Vamireh (Scènes préhistoriques) ? Le roman préhistorique fonctionnerait-il d’autre part comme une sous-catégorie du roman social ayant pour vocation de représenter, comme en laboratoire, les origines d’une société humaine primitive et balbutiante ? Ou faut-il lire ces romans comme des entreprises de vulgarisation des discours et théories scientifiques en vigueur alors ? En s’intéressant à une période si lointaine, Rosny aîné cherche-t-il à façonner le mythe de l’homme moderne caractérisé par le goût pour l’aventure et la recherche du savoir, à l’image de Bakhoûn, le premier savant-aventurier de l’Histoire qui se met à l’étude des Xipéhuz ?
2. Une poétique romanesque du présent
Dans ce qu’il nomme ses « romans sociaux », Rosny aîné décrit les différents états de la société contemporaine qu’il a pu observer : les classes populaires des quartiers pauvres de Londres (Nell Horn), les milieux anarchistes et révolutionnaires de Paris (Le Bilatéral, La Vague Rouge), les cercles littéraires (Le Termite), etc. Faudrait-il voir chez Rosny romancier un chroniqueur de ces petits espaces réservés, exclusifs, dont il se ferait le relais en les traduisant, en les adaptant ? Poursuit-il cette même démarche en commentant et mettant en scène dans ses romans scientifiques l’actualité et la popularité des thèses évolutionnistes de l’époque (Nymphée) ou en construisant une intrigue romanesque à partir d’un fait scientifique (L’Enigme de Givreuse, La Force mystérieuse) ? A partir de quelles connaissances scientifiques, le romancier se fait-il vulgarisateur dans son œuvre ?
3. Fin des mondes, futurs et présents indéterminés
Chez Rosny aîné, l’écriture du futur relève le plus souvent d’un temps indéterminé où le merveilleux confronte le présent à d’inquiétantes étrangetés : récits catastrophistes et apocalyptiques à courts termes (Le Cataclysme, La Force mystérieuse) côtoient d’autres récits inclassables marqués par un présent flottant portant en germe le devenir de l’espèce et des sociétés humaines (La Légende sceptique, Dans le monde des Variants, L’Assassin surnaturel), ou d’autres relevant de l’anticipation scientifique qui connaîtront de francs succès dans les récits de science-fiction de la seconde moitié du XXe siècle (La Mort de la Terre, Les Navigateurs de l’infini). Le futur chez Rosny ne résulterait-il pas d’une violente rencontre avec le présent ?
Les propositions de communication, ne dépassant pas une page, accompagnées d’une présentation bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 16 avril 2017 aux responsables du colloque, Brigitte Diaz et Clément Hummel (brigitte.diazw[at]gmail.com et clement.hummel[at]gmail.com). Elles seront ensuite examinées par le comité scientifique.
Comité scientifique : Claire Barel-Moisan (CNRS, ENS-Lyon), Roger Bozzetto (Université de Provence), Christian Chelebourg (Université de Lorraine), Arnaud Huftier (Université de Valenciennes), Jean-Michel Pottier (Université de Reims), Natacha Vas-Deyres (Université de Bordeaux-Montaigne).