Appel à communications
Colloque international
La Faculté Polydisciplinaire de Taza (Fès/Maroc)
8 et 9 décembre 2016
Nous ne saurons faire le tour de la notion de texte que si nous référons à ce qu’en dit Roland Barthes, à savoir qu’il est « l'entrelacs d’un tissu. » En effet, tout texte est constitué des discours et des paroles qui, en le traversant, véhiculent des points de vue divergents et hétérogènes. En revanche, sans prendre comme allant de soi l’idée selon laquelle la théorie du texte, telle que l’a thématisée et imposée le structuralisme, conditionne le rapport des auteurs aux langues et langages qu’ils tiennent, il est attesté par la réalité des œuvres mêmes qu’une langue monolingue et « pure » est une invention moderne, comparable en cela aux mythes tout aussi indispensables que fondateurs de l’Etat-nation et de « la territorialisation. »
Loin aussi de vouloir problématiser la question du multilinguisme exclusivement dans son rapport à la créativité littéraire et à la traduction, nous croyons que la texture des œuvres est beaucoup plus éloquente que ne l’établit communément la théorie littéraire. Les univers fictifs ne nous arrivent-ils pas souvent dans une langue post-babélienne ? Disons-le tout de suite : l’unité et l’homogénéité des langues d’écriture est un artefact politico-théologique. La parole sacrée n’est-elle pas censée être « pure » de toute souillure langagière ? C’est dire que l’Etat-nation cherche à faire coïncider la Carte (linguistique) et le Territoire et ce, au mépris de tout esprit de la nuance et de la finesse. Dans ce sens, toute théorie du texte ne devrait pas passer sous silence la multiplicité des langues, des langages, des parlers, des dialectes, des idiomes et des jargons, lesquels investissent la parole (profane?) du romancier, du dramaturge et du poète (entre autres sujets parlants) et réorientent leur saisie des réalités subjectives et objectives.
La mise à contribution d’autres langues (et d’autres langages) ou tout au moins la mise en échec de l’illusion de l’étanchéité des langues les unes par rapport aux autres constituent quelques-unes des tâches incombées aux littérateurs. Ce faisant, la conscience théorique et politique des écrivains les a depuis toujours conduits à briser les bordures linguistiques imposées par les institutions, à la fois politiques et littéraires, et ont, tout à la fois, pressenti et contrecarré les volontés qui consistent à imposer au monde réel des barrières linguistiques et imaginatifs. En effet, Pétrarque, Shakespeare, Molière, Nabokov, Cioran, Garry, Tsvetaieva, Beckett, Khatibi, entre autres, n’en sont pas des moindres.
Aussi la cartographie des genres littéraires permet-elle de faire état d’une dynamique multilingue inscrite dans leurs schémas génériques. Depuis les études de Bakhtine et ses disciples, la problématique multilingue semble définir suis generis le genre romanesque. Nous ne concevons de roman, depuis Rabelais et Cervantès, qu’à partir de la notion de dialogisme qui, loin d’être confinée et attachée seulement à l’idée de l’intertextualité, véhicule une métaphysique du genre romanesque en tant qu’espace de passage des différents discours sociaux.
Par ailleurs, ne faut-il pas faire référence à une caractéristique originelle, et partant, essentielle de l’art dramatique, à savoir son recours aux différents langages ? Tout critique donc est acculé à considérer le texte théâtral dans sa nature dramaturgique comme étant un ensemble d’idiomes, de paroles, de discours, d’interférences culturelles et linguistiques, de voix off et in, de code switching, de traduction intra et extra-linguale, de jeu sur les références linguistiques et sur leurs connotations culturelles, de recours aux jargons et aux parlers régionaux, de niveaux (ou de registres) de langue, de mise à contribution des langues étrangères, etc.
Cependant, au-delà du constat de l’omniprésence du multilinguisme dans les œuvres littéraires, nous voudrions nous interroger aussi sur sa théorisation par les écrivains et les critiques. Dans ce contexte, nous faisons état d’œuvres qui ont axé leur esthétique sur l’idée de la diversité linguistique dans leurs textes. Osons même pousser le débat jusqu’à prétendre pouvoir dégager des poétiques basées sur la problématique du multilinguisme. Des poétiques qui mettent en avant l’écriture multingue et qui l’érigent en principe de l’écriture. Pensons, dans ce sens, à l’œuvre réflexive de Khatibi, de Beckett, à l’ensemble de la littérature canadienne, aux écrits théoriques de Derrida et de Glissant.
Enfin, la problématique traductologique devrait être mise à contribution afin d’apporter plus de lumières à notre questionnement sur le multilinguisme. La traduction et son rapport à la diversité linguistique dans un texte littéraire permettra de jauger les œuvres en fonction de la théorisation et de la pratique qu’elles présentent de la question du multilinguisme.
Axes de réflexion possibles (liste non exhaustive) :
L’état de lieux des recherches portant sur le multilinguisme; Le multilinguisme et les problèmes de la traduction ; La problématique multilingue et ses rapports aux œuvres littéraires ; Les connotations politiques et culturelles du multilinguisme ; La créativité littéraire et les différentes formes du multilinguisme.
Bibliographie sélective :
Franchir le mur des langues in Jeu. Revue de théâtre, sous la direction de Philippe Couture et Christian Saint-Pierre, n° 145 (4).
Derrida Jacques, Le monolinguisme de l’autre ou la prothèse d’origine, Paris, Galilée, 1996.
Khatibi, Abdélkebir, Amour bilingue, Fata Morgana, 1983.
René Agostini, Théâtre poétique et/ou politique, Paris, L’Harmattan, 2011.
Gasquet, Axel et Suarez, Modesta, Ecrivains multilingues et écritures métisses : l’hospitalité des langues, Actes du colloque international de Clermont-Ferrand, 2-4 décembre 204.
Durrans, Stéphanie, (Se) construire dans l’interlangue : perspectives transatlantiques sur le multilinguisme, Presses Universitaires du Septentrion, 2015.
Anokhina, Olga et Rastier, François, Ecrire en langues : Littérature et plurilinguisme, 2015.
Caprile, Jean-Pierre, Contacts de langues et contacts de cultures, 1978.
Modalités de soumission des propositions de communication
Pour proposer une communication, en fonction des axes proposés ou pour d’autres axes, prière d’envoyer un résumé anonyme d’une page (avec quelques éléments bibliographiques), sur une autre page les indications personnelles : nom et prénom, grade universitaire, institution de rattachement.
Adresse de contact :
coll16.multilinguisme@gmail.com
Calendrier :
Date limite des propositions de communications : 28 août 2016
Réponse du comité d’acceptabilité : 6 selptembre 2016
Envoie définitif des articles : 30 octobre 2016
Réponse définitive sur la base des articles rédigés : 6 novembre 2016
Dates du colloque : le Jeudi 8 et le vendredi 9 décembre 2016.
Langues du colloque :
- Le français
- L’arabe
La possibilité d'une publication des actes de la journée d’étude, après sélection des articles par un comité de lecture, est envisagée.
Le comité d’organisation prendra en charge l’hébergement et l’ensemble de la restauration, petit-déjeuner et pause-café inclus.
Le déplacement est à la charge des intervenants.
Coordinateurs du colloque :
Younès EZ-ZOUAINE (Faculté Polydisciplinaire de Taza)
Hassan BANHAKEIA (Faculté Polydisciplinaire de Nador)